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Robert Kassous: rester au vent du numérique
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Robert Kassous: rester au vent du numérique
Quand on n’a pas eu une enfance comme les autres, on peut soit baisser les bras, soit relever la tête et saisir les opportunités qui se présentent. C’est cette deuxième option qu’a choisie Robert Kassous, qui a eu une longue carrière au «Nouvel observateur» avant de rejoindre le corps enseignant de l’École supérieure de journalisme de Paris.
On sent comme une espèce d’urgence chez ce formateur à faire ses élèves de Masters I et 2 de La Sentinelle Ltd maîtriser les quelques nouveaux outils numériques les plus adaptés pour les journalistes sur les dizaines qu’il connaît. Son objectif est affiché : il refuse que ces derniers soient dépassés lorsque le numérique prendra le contrôle total de la presse.
«Je passe rapidement sur certains outils. Je préfère que vous en maîtrisiez bien un ou deux pour que vous puissiez les appliquer dans votre quotidien», répète-t-il. «C’est à voir et revoir. Ou ne pas voir et au revoir», ajoute-t-il sur un ton mi-drôle, mi-sérieux.
Ne jamais s’apitoyer sur son sort, c’est le pari pris depuis tout jeune par Robert Kassous, 53 ans. Ce Français d’origine copte égyptienne a eu le malheur de perdre simultanément sa mère et ses grands-parents lors d’un accident de voiture qui a laissé son père paraplégique. Il avait 18 mois lorsque ce drame s’est produit.
Les enfants Kassous ont alors été placés dans des familles d’accueil. La sienne faisait des différences de traitement entre leurs enfants biologiques et adoptifs. Ce qui l’a sauvé, c’est le fait qu’il ait eu accès à la grande bibliothèque et s’évadait par la lecture.
Il aime les lettres et la poésie et remporte plusieurs concours internationaux dès l’adolescence. Il vit une nouvelle rupture dans sa vie : à 13 ans et demi, il est privé de la possibilité de poursuivre ses études, qu’il aime pourtant, et est envoyé comme apprenti chez un boulanger. Il fait contre mauvaise fortune bon coeur et s’applique jusqu’à l’âge de 17 ans.
Son échappatoire est le sport – rubgy et athlétisme – qu’il pratique à haut niveau. Sélectionné pour faire partie du Bataillon de Joinville, il est envoyé à Paris mais rate sa chance de suivre le cursus sports-études. Cherchez la fille…
Il est alors muté à Rousses dans le Jura et prend des cours pour devenir instructeur des forces spéciales. Il débarque à Paris en décembre 1983 après avoir répondu à une annonce pour remplir un poste de boulanger- pâtissier à demeure. Voulant absolument reprendre ses études, Robert Kassous passe l’examen d’entrée à l’université Paris 7 Jussieu pour suivre les cours du soir menant au diplôme d’études générales de lettres.
En parallèle, il suit des cours de théâtre dans plusieurs écoles et termine au Conservatoire. Ces formations théâtrales sont pour lui une forme de thérapie. La comédie policière fantastique qu’il coécrit intitulée Remords vivants se joue pendant quatre ans dans les théâtres d’Avignon.
Une hernie discale douloureuse nécessitant une intervention chirurgicale l’oblige à réorienter sa carrière. C’est par le «trou de la serrure», précise-t-il, qu’il fait son entrée au Nouvel Observateur, magazine d’actualité de gauche, en tant qu’opérateur du service des abonnés du magazine et de ses hors-série Challenges et Sciences et Avenir. Comme il s’intéresse aux programmes informatiques et a une bonne maîtrise d’Excel, il est vite nommé responsable du service et dirige une équipe de 40 opérateurs. Lui et l’équipe triplent les abonnements.
Au bout de deux ans, la direction du Nouvel Obs lui confie le fichier des abonnés et les enquêtes de satisfaction. Robert Kassous a l’excellente idée de sonder les fidèles lecteurs pour savoir quelle rubrique ils aimeraient voir s’ajouter au magazine. Et 57 % d’entre eux parlent d’une rubrique sur le tourisme. L’idée lui plaît.
Chaque semaine, il fait remonter ces données très sensibles à la direction et une relation de confiance s’établit entre elle et lui. Au cours d’une de ces réunions, il demande à prendre des cours du soir auprès du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes de Paris (CFPJ) afin de se spécialiser en presse écrite. Sa demande est agréée.
Son diplôme obtenu, il commence par écrire des articles sur l’immobilier et le tourisme. «C’était mon rêve de le faire. J’ai toujours eu une relation très personnelle avec l’écriture.» Il écrit de plus en plus et prend de l’ampleur au Nouvel Obs.
«J’avais l’esprit très corporate. Le Nouvel Obs de l’époque correspondait à mes valeurs en termes de justice sociale et de progrès.» Il organise aussi des déjeuners thématiques entre le personnel du magazine et l’ensemble des opérateurs touristiques. Ce qui ramène des rentrées publicitaires.
Dès 1999, le Nouvel Obs passe au numérique et très vite, Robert Kassous prend «son pendant. C’était une question d’instinct. Il était clair pour moi qu’il y aurait du changement et il valait mieux prendre le premier train que le dernier.» Il collabore à Historia, plus grand magazine de l’Histoire, écrit pour plusieurs sites sur le tourisme.
En 2009, il crée un site sur le tourisme pour le Nouvel Obs et l’anime régulièrement. Site devenu aujourd’hui infotravel.fr. Il est nommé rédacteur en chef des hors-série du magazine sur le tourisme – ce qui fait six publications annuelles – et mène des enquêtes. «Le tourisme pour moi, ce n’est pas que des voyages. C’est du tourisme et de la science, du tourisme économique.»
Tous les deux ans, Robert Kassous passe par le CFPJ afin de réactualiser ses connaissances. En 2015, il vit une autre déchirure dans son monde professionnel : Le Monde rachète Le Nouvel Obs et la moitié des effectifs s’en va.
Robert Kassous est de ceux-là. Lui qui s’arrange toujours pour rester au vent des événements passe alors le concours d’entrée à Sciences Politiques et obtient un Master 2 en management des médias et du numérique, «nouveau diplôme permettant de gérer les rédactions et de partager son savoir».
S’il est toujours pigiste auprès de plusieurs journaux et qu’il anime son site sur le tourisme, il donne aussi des cours en ligne à l’École française d’hôtellerie internationale et de tourisme, anime des formations en numérique à l’École supérieure de journalisme (ESJ) Paris et des cours en ligne auprès de pays où cette école de journalisme réputée est sollicitée. Il a d’ailleurs créé à cet effet la plateforme ESJ Mobility qui permet une interaction constante entre lui et ses élèves étrangers. Il anime aussi des cours à l’institut de Conciergerie internationale sur l’histoire de la conciergerie en France, le rôle du concierge d’autrefois et d’aujourd’hui, l’économie du tourisme et le tourisme du futur.
Cet homme, qui est marié à une psychanalyste mexicaine et est père de deux filles adultes, précise que le numérique n’est même plus l’avenir. «On est déjà dedans. Ou on le voit ou on peut ne pas le voir. Mais tout sera sur le mobile un jour…»
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