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La leçon d’humilité de Michel Ducasse

31 octobre 2017, 00:00

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La leçon d’humilité de Michel Ducasse

Un «cadeau» : ses 40 ans de poésie. C’est ce que nous offre Michel Ducasse. Il publie Enn bouke bwa tanbour aux éditions Vilaz metis. Il s’agit de la traduction en créole de 35 poèmes signés Apollinaire, Baudelaire, Blake, Césaire, Tagore, Eluard, Prévert entre autres.

Son principe de traduction : rester près du texte-source. «Le premier critère est d’être à la hauteur. J’ai tellement d’admiration pour ces gens-là. La grande poésie, c’est des mots tellement évidents que je me demande pourquoi je n’ai pas écrit ça moi.»

Un exercice qui enseigne l’humilité. «J’ai traduit ces poèmes, mais ce n’est pas moi qui suis en avant». Car Michel Ducasse ne cesse de se demander: «qu’est-ce que l’on invente en poésie aujourd’hui ?»

À la fois épreuves et boussoles, Michel Ducasse affirme que l’exercice de traduction a véritablement pris forme avec Le dormeur du val de Rimbaud, le texte, «le plus important», avec ses «enjambements» qu’il a mis un point d’honneur à respecter. Mais aussi Les mains d’Elsa d’Aragon et un sonnet de Shakespeare. Le défi c’est que «Dev Virahsawmy a beaucoup traduit Shakespeare. C’est un anglais qui date, j’ai moins de proximité avec l’anglais. Mais à la fin, j’ai pu glisser un double sens qui n’existe pas dans la version originale», s’enorgueillit-il.

Le choix de traduire ces poèmes en créole fait partie de sa démarche de poète «engagé». «Je voulais prouver que la langue créole ce n’est pas juste pour insulter des gens au Parlement». Contrainte supplémentaire que s’est imposée le poète : respecter en créole les rimes, les pieds de la langue d’origine.

Le recueil comprend un salut à Edouard Maunick, avec En mémoire du mémorable. «Edouard Maunick c’est ma première rencontre avec un poète mauricien. Une poésie très engagée, une poésie du métissage.»

Enn bouke bwa tanbour s’articule en quatre parties. La première, «Dipin, Diber, Poezi» fait la part belle au poète. Notamment avec le poème d’ouverture : L’albatros de Baudelaire. Ensuite c’est l’hommage à l’amour, aux sentiments, avec Bers mo lam dan ler. On y retrouve entre autres Le pont Mirabeau d’Apollinaire, Il pleure dans mon cœur de Verlaine.

En troisième lieu, vient la poésie engagée, où l’on retrouve les chantres de la négritude : Prière aux masques de Leopold Sedar Senghor, le côté «foutan» de Léon-Gontran Damas et Aimé Césaire. Ainsi que Invictus de Henley, le poème «qui a fait tenir debout Nelson Mandela».

Enn bouke bwa tanbour c’est une respiration sur le chemin parcouru depuis les premiers émois poétiques au collège Royal de Port-Louis, en classe de littérature. Un passage du «carnet laboutik» à couverture rouge, où le collégien recopiait des pensées, à un recueil soigné. Avec les illustrations aux couleurs pétantes sur fond noir d’Enri Kums, les portraits de Thierry Amery et la mise en page de Patrice Offman.

Des carnets que la mère de cet enfant de Goodlands a conservés. Lui, avec émotion, confie qu’il ne saura jamais pourquoi, quand il avait 15 ans, son père, qui «ne pouvait pas savoir que j’avais commencé à écrire», lui offre Les fleurs du mal de Baudelaire.

Ce recueil a été rendu possible grâce à l’obtention des droits auprès de six éditeurs, pour reproduire les textes originaux.