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Commission drogue: Raouf Gulbul, côté pile côté face
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Commission drogue: Raouf Gulbul, côté pile côté face
Son nom a été cité avec insistance devant la commission d’enquête sur la drogue. Et plusieurs confrères de l’avocat ont demandé sa démission. Raouf Gulbul a finalement quitté la présidence de la Gambling Regulatory Authority et de la Law Reform Commission – de son plein gré, insiste-t-il. Ce n’est pas la première fois que son nom est cité dans des rapports liés à des affaires de drogue. Mais il n’a pas toujours fait parler de lui pour les mauvaises raisons.
Polémiques
Raouf Gulbul. Un nom qui est depuis longtemps «associé» à des affaires de drogue. En 1994, un Select Committee sur la drogue, présidé par Jérôme Boulle, alors député, avait déjà mis l’accent sur le fait que l’avocat comptait parmi les hommes de loi ayant rendu visite le plus fréquemment aux détenus mêlés au trafic de stupéfiants. Avec 80 visites au compteur, Raouf Gulbul se hissait sur la deuxième marche, juste derrière Dev Hurnam, qui en comptabilisait 184.
Depuis que la commission d’enquête sur la drogue, présidée par Paul Lam Shang Leen, a été mise sur pied, en 2015, le nom de Raouf Gulbul est revenu avec insistance. C’est l’oncle de Parwiza Jeeva qui a lancé le bal le 22 juin dernier, affirmant que c’est l’avocat qui l’avait contacté pour défendre sa nièce, amie intime du caïd Peroomal Veeren, qui purge une peine de 34 ans de prison pour trafic de drogue.
Le 28 juin, c’est Parwiza Jeeva elle-même qui enfonce le clou. Elle a déclaré que Raouf Gulbul lui a demandé de ne pas impliquer Peroomal Veeren.
Par la suite, le nom de l’homme de loi a été cité par Jackarie Bottesoie, condamné pour des affaires de drogue. Les avocats Tisha Shamloll, Samad Golamaully et Ashley Hurhangee ont également évoqué ses «liens» avec des trafiquants notoires.
Le mystérieux sac noir, qu’il aurait récupéré à Saint-Pierre le 24 novembre 2014, au soir, est venu jeter de l’huile sur le feu. C’est Samad Golamaully, le Campaign Manager de Raouf Gulbul cette année-là, qui a évoqué cet épisode pour la première fois, le 9 juillet. Paul Lam Shang Leen a, dans la foulée, indiqué que, selon ses informations, ledit sac contenait Rs 9,7 millions. Et que l’argent proviendrait du trafic de drogue.
L’existence du mystérieux sac a été confirmée par plusieurs personnes présentes à Saint-Pierre ce soir-là, même si personne ne sait ce qu’il en est advenu. L’épisode du sac a-t-il eu la peau de Raouf Gulbul ? Il a fini par démissionner de la présidence de la Gambling Regulatory Authority mercredi 22 novembre, mais aussi comme Chairman de la Law Reform Commission.
Pourquoi ? «Parce qu’on était en train de salir mon nom», affirme le principal intéressé.
Il en a sous la robe
Il a plus d’un tour sous sa robe. Il a plaidé plusieurs cas relatifs à la constitutionnalité des lois. Le plus connu était lié aux mandatory sentences où le Parlement avait décidé que les cas de trafic de drogue, d’assassinat et d’autres délits graves devaient être passibles de 45 ans de prison. L’autre catégorie avait trait à des offenses minimes, dont la sentence ne pouvait pas être moins de cinq ans.
En 2007, Raouf Gulbul décide de défier la constitutionnalité de cette loi devant le full bench de la Cour suprême. «Un crime passionnel ne peut pas avoir la même sentence qu’un acte terroriste. Dans le premier cas, c’est la passion qui prend le dessus, alors que dans le deuxième cas, il y a préméditation et probablement plusieurs morts. Comment est-ce que les condamnations peuvent être les mêmes ?» demandait alors Gulbul. De plus, cette loi allait à l’encontre de l’article 17 de la Constitution, où il est stipulé que c’est au corps judiciaire de décider des condamnations. La Cour suprême lui a donné raison.
Ce n’était pas la première fois que Raouf Gulbul attaquait la constitutionnalité d’une loi. En 2004, le Parlement avait décrété qu’un récidiviste ne pouvait être libéré sous caution. L’article 5 de la Constitution avait même été amendé en ce sens. Encore une fois, Raouf Gulbul porte l’affaire devant la Cour suprême, estimant que cette démarche est anticonstitutionnelle car elle va à l’encontre des libertés fondamentales d’un être humain. «Cela diminuait le pouvoir du judiciaire et, en quelque sorte, à cette époque, il a rendu à la justice ses pouvoirs», souligne des confrères de Raouf Gulbul.
Le candidat Gulbul, battu lors des dernières élections générales – il s’était présenté dans la circonscription n°3 (Port-Louis Maritime–Port-Louis Est) avait, en outre, fait la une des journaux lorsqu’il avait décidé de défendre Cehl Meeah, lorsque ce dernier avait été arrêté en 2000. Alors qu’il était en prison, Cehl Meeah voulait présenter sa candidature pour les élections municipales. Policiers et avocats objectent. Sauf Raouf Gulbul, qui accepte de défendre le prisonnier, arguant que le droit de se présenter aux élections est un droit constitutionnel.
Cehl Meeah a non seulement pu faire face aux urnes, mais il s’est même fait élire. Oui, mais voilà. La cérémonie de prestation de serment a posé quelques problèmes car Cehl Meeah, sur qui pesaient 23 charges d’assassinat dans le sillage de l’affaire Gorah Issac, ne pouvait pas quitter l’enceinte de la prison. Devant la Cour suprême, Me Gulbul fait valoir que c’est l’électorat qui a choisi Cehl Meeah et que, de ce fait, l’empêcher de prêter serment constituait une entorse à la démocratie. Résultat des courses : le client de Raouf Gulbul a été autorisé à se rendre au conseil municipal pour prêter serment.
Autre cas : Raouf Gulbul a défendu le premier Mauricien accusé sous la Protection of Terrorism Act. À la suite de la polémique sur l’appel à la prière, Iqbal Ghani avait menacé d’incendier le Parlement. L’avocat l’avait défendu et l’accusé avait été acquitté.
L’homme de loi a aussi défendu Samad Golamaully, alors que ce dernier était accusé de ne pas avoir «dévoilé» ses précédentes condamnations avant qu’il ne soit admis au barreau. Golamaully avait échappé à une radiation, mais avait cependant écopé de six mois de suspension.
Cours et courses
Il a quitté Maurice pour Londres en 1977. C’est en Angleterre, que Raouf Gulbul se prépare pour le barreau. En 1983, il rentre au pays et est admis au parquet. Trois ans après, il est promu magistrat. Mais il ne restera en poste que deux ans. Une de ses condamnations avait été cassée par la Cour suprême en appel, mais avec des critiques assez sévères émises à son encontre, il décide de démissionner.
Ses spécialités : le crime et la Constitution. Et la drogue dans tout ça ? «J’ai défendu plus de consommateurs que de gros bonnets», se défend l’avocat. Il explique qu’il n’a représenté Peroomal Veeren qu’une seule fois, en 2006, pour une affaire en cour intermédiaire.
Toujours est-il que le président et les assesseurs de la commission d’enquête ont fait valoir que Raouf Gulbul était en contact avec plusieurs gros trafiquants et qu’il envoyait souvent ses juniors en cour pour les défendre.
Sinon, que va-t-il faire, maintenant qu’il a moins de responsabilités ? L’avocat dit que son travail continue normalement, mais qu’il aura plus de temps pour se consacrer à sa famille, précisant que depuis son mariage en 1988, il n’y a eu qu’une seule Mme Gulbul, malgré tout ce qui a été dit. «Et puis vous savez, il n’y a rien de plus important que la santé. Je vais continuer à courir sept kilomètres tous les matins…»
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