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Photographie de presse: Jérôme de Souza, l’immortel
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Photographie de presse: Jérôme de Souza, l’immortel
«Brûlantes visions», l’album de photographies de Jérôme de Souza (un ancien de l’express), sera lancé le vendredi 8 décembre. Parti trop tôt, Jérôme de Souza revient au coeur des actualités grâce à ses proches : Carl, Geneviève, Martine et Rémy de Souza et de quelques amis et mécènes.
«L’album veut rassembler l’essentiel du travail du photojournaliste (…) Réparties sur dix années-lumière de pratique, ses photos portent sa griffe. Ce qui faisait qu’à ses passages aux journaux locaux, ainsi que lors de diverses missions internationales, il n’avait pas besoin de les signer», fait ressortir la quatrième de couverture du magnifique album de Jérôme, qui fera un souvenir impérissable pour ceux à la recherche d’une île Maurice authentique.
Jérôme n’était pas un photographe de presse comme les autres. Longue tignasse noire tressée, appareil photo rafistolé avec de la tresse isolante noire, barbichette passablement négligée, démarche décalée un peu comme un basketteur sur un terrain de foot, des yeux d’artiste. Ce qui démarquait Jérôme des autres photographes de presse, ce n’est pas tant dans l’apparence, mais dans le regard, un regard qu’il soignait.
Ainsi, quand les autres voyaient rouge, noir, jaune, Jérôme, lui, voyait bleu ou violet. Le regard, me disait-il, était plus important que les yeux, que la chose regardée. Il avait compris, bien avant moi, malgré son jeune âge, que le souffle était plus important que les poumons, que le regard plus important que les yeux, que le vécu plus important que la vie elle-même…
Forcément, quand vous faites de la photo de presse, on vous donne une caméra et des commandes précises de photos. Jérôme ne voulait rien entendre des deux et, du coup, les autres photographes ne comprenaient pas ce que faisait cet extraterrestre dans le monde pressé et précis de la presse. Jérôme, c’était comme un musicien de jazz dans un groupe de heavy metal. Il jouait un autre tempo, à son propre rythme, indifférent du regard des autres. Il avait un atout de taille que les autres n’avaient pas : son objectif grand-angle. Dans la tête et sur son boîtier endommagé.
Son grand-angle, c’était son must pour produire des compositions intéressantes, pour mieux reproduire son regard. Je crois que c’était une lentille 16-35 mm, il me l’avait dit, mais moi je m’en foutais des détails techniques ; le secrétaire de rédaction que j’étais s’extasiait devant ses photos. De par leur netteté, leur contraste, leurs couleurs, leur cadrage, leur réactivité de la mise au point, la richesse des détails…
Artiste photographe, Jérôme exprimait la beauté modeste ou grandiose. Il transmettait aux gens cette sensation d’évasion et d’ivresse qui l’habitait lorsqu’il faisait des photos – des paysages comme des gens, des personnes connues comme des inconnus. On découvrait ainsi de nouveaux Bérenger, Jugnauth, Ramgoolam ou Boolell. Leurs cheveux qui parlaient au vent, leurs yeux qui parlaient à l’objectif ou dans le néant. Un gardien de cimetière photographié comme un héros national, une petite fille des rues qui posait comme top model sur un catwalk sophistiqué. Et cette pelleteuse qui s’est muée en un monstre de Jurassic Park.
Comme il élargit (et déforme) notre champ de vision, Jérôme produisait l’impression que les objets sont plus éloignés qu’ils ne le sont en réalité. Il faisait fi de la réalité – il réalisait la sienne, sur sa route solitaire, en traînant sa longue silhouette et sa tignasse… De là où il est, il doit encore nous immortaliser, avec son grand esprit…
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