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Serge Krancenblum: «Je suis convaincu que Maurice se retrouvera sur la liste blanche de l’UE»
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Serge Krancenblum: «Je suis convaincu que Maurice se retrouvera sur la liste blanche de l’UE»
Il est catégorique. Serge Krancenblum, CEO du groupe luxembourgeois SGG –qui a racheté la société mauricienne CIM Global cette année – est d’avis que Maurice ne restera pas sur la liste grise, rendue publique par l’Union européenne, mardi dernier. Selon lui, ce n’est qu’une question de négociations et d’actions.
Parlez-nous de la récente création de l’Investment Facilitation Forum (IFF).
Dans tous les pays où nous, c.-à-d. le groupe SGG, opérons, nous avons toujours un dialogue constructif avec les autorités locales. Nous sommes également présents au sein d’associations professionnelles, que ce soit au Luxembourg, aux Pays-Bas ou à Maurice.
La grande difficulté aujourd’hui, c’est que les États ne sont plus vraiment maîtres de leur destin. Nous sommes dans une situation où le Luxembourg, par exemple, ne peut décider seul d’un certain nombre de politiques.
Et il y a des instances, telles que l’Union européenne (UE) et l’Organisation de coopération et de développement économique qui émettent des règles auxquelles le pays doit se conformer. Or, si l’on veut avoir une action constructive pour défendre les centres financiers, il faut monter d’un cran. Ensemble avec Vistra et TMF (NdlR, deux géants mondiaux du secteur du global business), nous avons donc créé une association internationale appelée IFF.
Quelle était son implication dans l’élaboration de la liste des «non-cooperative jurisdictions » de l’UE ?
L’un de ses principaux objectifs est de défendre les investment hubs. Il s’agit d’États qui permettent de faciliter les investissements directs, en particulier les pays émergents. Nous faisons la distinction entre les investment hubs qui agissent comme des conduits contrairement à des centres complètement offshore qui sont des paradis fiscaux.
Avec l’aide de l’agence intergouvernementale United Nations Conference on Trade and Development, nous avons choisi cinq premiers pays qui sont de vrais investment hubs. Il s’agit du Luxembourg, des Pays-Bas, de l’Irlande, de Maurice et de Singapour.
Chacun de ces États facilite l’investissement direct dans leurs régions. C’est justement dans l’optique de défendre ces pays en tant qu’investment hubs que nous avons écrit à la Commission européenne pour expliquer que Maurice, par exemple, est un État qui sert l’économie mondiale.
Il permet à l’Afrique de recevoir des investissements, en assurant aux investisseurs une stabilité juridique et fiscale, tout en offrant un excellent écosystème des affaires. Il s’agit donc de leur faire comprendre qu’il ne faut pas uniquement considérer la partie fiscale dans la décision d’inclure ou non Maurice sur la liste noire.
Quel est votre point de vue sur ces nouvelles listes noire et grise établies par l’UE ?
Par rapport à la liste noire, il y a un certain nombre d’États qui y figurent encore. Car il était trop tard pour eux de s’engager à des changements de législation ou encore à leur système local avant la publication de la liste.
Donc, il est possible qu’ils puissent rapidement passer sur la liste grise. Celle-ci comprend, quant à elle, des États qui ont des mesures qui ne sont pas acceptables par l’UE mais qui ont pris un engagement de changer, comme Maurice. Je pense que le nombre d’États qui sont sur la liste grise est tout à fait raisonnable.
Il y en a d’autres qui devraient y être, mais qui ne le sont pas, comme les États-Unis. Car si on applique les mêmes critères aux USA, ils pourraient figurer sur cette liste. Mais on sait aussi qu’il y a beaucoup de considérations politiques pour la mise en place de listes de ce type.
Maurice figure sur la liste grise dans la catégorie «Fair taxation: existence of harmful tax regimes». Est-ce justifié ?
C’est une question factuelle. L’UE a repris un certain nombre de critères qu’elle considère comme des éléments de harmful tax regime. Après, il n’y a plus de discussion pour savoir si c’est le cas ou pas.
C’est le cas à partir du moment où vous entrez dans le tableau et que vous correspondez aux critères. Raison pour laquelle Maurice s’est engagé à apporter des changements.
Mais le fait que l’UE a montré du doigt notre régime fiscal ne sous-entend-il pas que Maurice a effectivement les caractéristiques d’un «paradis fiscal» ?
Avec les notions utilisées par l’UE, on ne peut pas parler de paradis fiscal. Il faut comprendre que ce n’est pas noir ou blanc. Il y a vraiment des gradations de ce qu’on peut appeler un paradis fiscal.
Chacun peut être le paradis fiscal d’un autre, par exemple. Pour certains pays, vous avez des États, comme les Pays-Bas qui sont un paradis fiscal. Or, aux Pays-Bas, il y a une très forte imposition. Mais il y a aussi certains avantages. C’est le cas pour Maurice.
Ce qui se passe à Maurice, c’est que vous avez des avantages spécifiques pour les non-résidents. Et c’est cela qui crée une situation particulière. S’il y avait une législation qui s’appliquait à tout le monde, résident et non-résident, même si vous avez un impôt très bas, cela serait un élément très positif pour ne pas figurer sur la liste grise.
Maurice pourrait-il un jour se retrouver sur la «liste blanche» de l’UE ?
Bien entendu ! J’en suis convaincu. C’est une question de négociations et d’actions. Le ministère des Finances de Maurice a pris les choses en main avec des professionnels. Je suis convaincu que le pays sortira de la liste grise, par le haut, vers la liste blanche.
Certains observateurs locaux du secteur financier soutiennent que Maurice est condamné à rester sur la liste grise en raison de lobbies des pays du G20. Qu’en pensez-vous ?
Vous savez, il y a environ 190 pays dans le monde et il y a relativement peu d’États (NdlR, 47) qui sont sur la liste grise. Il y a donc beaucoup de petits pays qui sont sur la liste blanche.
De ce fait, je ne crois pas qu’il faille imaginer qu’il y ait complot par rapport aux petits États. À partir du moment où l’on peut démontrer l’utilité réelle de la place financière de Maurice pour l’économie mondiale, je suis convaincu que Maurice pourra sortir de la liste grise, en apportant les changements nécessaires là où il le faut.
Il faut voir les choses de manière positive. La liste n’était pas catastrophique, d’un point de vue global. La Commission européenne reverra cette liste au fur et à mesure avec des critères qui seront de plus en plus forts. Il y a un changement au niveau de la fiscalité mondiale et on va vers davantage de transparence et d’imposition. C’est une volonté globale.
Il faut le savoir et éviter de nager à contre-courant si on veut survivre.
Que pensez-vous des «Paradise Papers» ?
Avant, il n’y avait pas de communication d’informations. Aujourd’hui, avec les nouvelles règles internationales, comme les Common Reporting Standards qui font en sorte que toutes les banques internationales envoient des informations directement ou indirectement vers les États de résidence des personnes qui ont des actifs sur les comptes bancaires, ou encore le country by country reporting, vous avez de plus en plus d’échanges d’informations automatiques.
À partir du moment où tout cela sera mis en place, je crois que tous les cas révélés par les Paradise Papers ne serviront pas à l’efficacité du recouvrement de l’impôt. Puisque de toute façon, l’impôt sera véritablement recouvert par les États grâce aux échanges d’informations automatiques.
Les Paradise Papers ne serviront qu’à sa première fonction qui est de name and shame, c’est-à-dire de montrer du doigt les grandes entreprises et personnes fortunées et de donner cette idée que celles-ci sont malhonnêtes. Cela est un véritable problème.
Moi, étant très légaliste, je pense que quelqu’un qui utilise des informations volées est un receleur. Donc, il doit être puni en tant que tel. C’est la loi.
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