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Perspective 2018: les attentes du privé
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Perspective 2018: les attentes du privé
D’une manière générale, les opérateurs des différents secteurs souhaitent tous se réinventer. Manufacture, services financiers, sucre, tourisme… Un besoin de renouveau se fait sentir. Même dans de jeunes segments comme les technologies de l’information et de la communication, on aspire à une réforme… Mais la politique politicienne risque encore d’influer sur ces attentes.
Business en général
Raj Makoond, CEO de Business Mauritius: «Croissance de 4 % en 2018»
«Nous rejoignons ce que Statistics Mauritius et le FMI prédisent pour 2018 – c’est-à-dire que la croissance économique restera autour de 4 %.» Cela sera réalisable grâce à plusieurs secteurs de notre économie qui continueront sur leur pente ascendante de croissance, estime Raj Makoond.
Le secteur de la construction s’est bien porté en 2017, rappelle le CEO de Business Mauritius. Cela va continuer pour l’année 2018 ; non seulement des bâtiments devront sortir de terre, mais en plus des projets de rénovation, pour les hôtels en particulier, sont prévus. Il y aura aussi une reprise des projets d’infrastructures publiques (avec entre autres le Metro Express et le Road Decongestion Programme).
Quid du secteur du tourisme ? «Lui aussi se porte bien, et devrait continuer sur sa lancée en 2018, avec une croissance des arrivées.»
Les secteurs des services financiers et des technologies de l’information et de la communication (TIC) devraient aussi continuer à se développer. «Il faut noter le projet MElting poT Indianoceanic Submarine System (METISS), une initiative d’un consortium privé d’opérateurs de Maurice, de La Réunion et de Madagascar, pour amener une vraie compétition dans le secteur de la télécommunication en 2019, et qui boostera le secteur des TIC.»
Par ailleurs, avec l’introduction du salaire minimal en 2018, la consommation devrait connaître une meilleure croissance.
En général, l’économie nationale devrait donc bien se porter. Et cela, même si deux secteurs en particulier devront faire face à de sérieux défis : la canne et la manufacture pour l’exportation.
Sucre
Devesh Dukhira, CEO, Syndicat des sucres: «Rendre le secteur plus agile face à la concurrence mondiale»
Devesh Dukhira s’attend à une rationalisation des coûts entrant dans la production de la filière sucre, afin de faire face à des pressions sur le prix du sucre sur le marché international. C’est un des principaux défis auxquels le secteur sera confronté en 2018 et au-delà.
Le Chief Executive Officer du Syndicat des sucres, qui assure le marketing du sucre mauricien sur le marché européen et mondial, constate que la production sucrière à l’échelle mondiale sera encore excédentaire en 2018. Alors que la consommation mondiale n’augmentera que de 3 millions de tonnes métriques en 2018- 2019, la production sucrière disposera, elle, d’un surplus de 5 millions, constate-t-il en s’appuyant sur les estimations de l’International Sugar Organisation.
Du coup, une telle situation est susceptible d’exercer des pressions sur le prix mondial et impactera directement le prix du sucre mauricien écoulé sur le marché européen et non européen. «L’industrie sucrière a déjà tiré la sonnette d’alarme sur cette chute du cours du sucre mondial alors que les coûts de production augmentent localement.»
Devesh Dukhira insiste sur la nécessité de rendre ce secteur plus agile face à la concurrence internationale. Il est urgent, dit-il, de revoir constamment le business plan à la lumière de la nouvelle configuration du marché sucrier international.
TIC
Dev Sunnasy, président de la Mauritius Information and Technology Industry Association: «Je ne m’attends pas à grand-chose dans une période préélectorale»
Après une année 2017 qu’il a qualifiée de «perdue», Dev Sunnasy dit ne pas s’attendre à quoi que ce soit de concret cette année, d’autant plus que le pays entre en «période préélectorale». «La volonté, avec des souhaits, sert-elle à quelque chose si la capacité et la compétence n’y sont pas ? Le gouvernement l’a bien compris, en signant un accord avec le gouvernement estonien, fin octobre 2017. Mais il n’y aura pas de transformation numérique sans réforme du secteur public.»
Or, une véritable réforme ne peut se faire qu’en début de mandat, considère le président de la Mauritius Information and Technology Industry Association. Il sera impossible pour le gouvernement d’apporter des réformes en 2018.
Dev Sunnasy relève toutefois deux points positifs : la création de l’Economic Development Board et les amendements apportés à la Data Protection Act qui aideront le secteur de l’externalisation. «Mais nous avons toujours une vieille loi de 2001, l’ICT Act, qui, sans changement progressiste, n’apportera pas d’innovation à ce secteur.»
Services financiers
Assad Abdullatiff président de l’Association of Trust and Management Companies : «Une année importante»
L’agenda s’annonce chargé pour le secteur financier. Et pour cause, plusieurs mesures et projets devraient être finalisés en 2018, selon Assad Abdullatif. Il s’agit de renégocier tous les traités bilatéraux avec plusieurs pays africains, ce qui devrait avoir un certain impact sur le secteur.
Au programme également, la finalisation d’une réforme fiscale afin que le pays soit conforme aux réglementations de l’Union européenne (UE) pour que la juridiction mauricienne n’atterrisse pas sur la liste noire. Maurice fait partie des pays à avoir pris l’engagement d’éliminer ce que l’UE qualifie d’«unfair tax practices».
Le blueprint de dix ans pour le secteur financier devrait aussi être finalisé en 2018, souligne le président de l’Association of Trust and Management Companies. «Cette année sera une année importante pour le secteur. Il y a beaucoup de défis à l’horizon mais nous restons optimistes. Tout comme le secteur sucrier ou encore le textile, nous saurons également nous réinventer afin de perdurer», anticipe Assad Abdullatiff.
Manufacture
Bruno Dubarry, Deputy Chief Executive de l’Association of Mauritian Manufacturers: «Synchroniser production et exportation»
Pour 2018, l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) s’attend à ce qu’il y ait une véritable synchronisation de la production locale et de l’exportation. La réussite de l’industrie locale ne pourra se faire qu’à travers un modèle qui concilie la production domestique et la production pour les marchés étrangers.
«Il faudra accompagner la transformation de l’industrie locale pour réussir l’exportation mauricienne», soutient Bruno Dubarry. Le Deputy Chief Executive de l’AMM estime qu’il faut utiliser fortement les «leviers de compétitivité et de durabilité de l’emploi».
Bruno Dubarry s’attend également qu’il y ait plus d’achat local dans les secteurs public et privé ainsi qu’une «utilisation libérée des énergies renouvelables».
Christopher Hart de Keating, président de l’AMM, utilise, lui, une métaphore pour décrire la situation. «L’exportation doit être la cheminée qui tire l’industrie vers le haut, mais il nous faut consolider ensemble le foyer que constitue le marché local. Une cheminée ne fonctionnera que trop peu si son foyer est affaibli.»
Construction
Didier Adam, président de la Building and Civil Engineering Contractor’s Association et CEO de General Construction : «Des avantages pour l’embauche de la main-d’œuvre étrangère»
Au niveau des activités dans le secteur de la construction, l’année 2017 a été définitivement meilleure que les trois années précédentes. «Au vu des indicateurs économiques actuels, tout laisse croire que ce secteur connaîtra un meilleur taux de croissance en 2018, ce qui amènera, pour sûr, un accroissement correspondant dans le volume de nos activités», déclare Didier Adam.
Le président de la Building and Civil Engineering Contractor’s Association, qui regroupe les principaux entrepreneurs du pays, se dit «pleinement conscient» que l’année 2018 devrait être très mouvementée. «Il y aura de nombreux défis à relever afin de répondre aux attentes des promoteurs, tant publics que privés, et de leur donner pleine satisfaction. Nos membres sont pleinement conscients de cela. Nous nous préparons, structurellement et logistiquement, pour que chacun assume ses responsabilités contractuelles.»
Le gros problème auquel ils devront faire face reste la main-d’œuvre ouvrière. Elle se fait de plus en plus rare sur le plan local. Les jeunes sont attirés vers d’autres secteurs de l’économie. «Cette tendance continuera, à moins de trouver, à la longue, la formule secrète pour mieux valoriser les métiers, pourtant nobles, de notre secteur d’activités.»
Dans l’immédiat, le recours à la main-d’œuvre étrangère reste la seule option possible, analyse Didier Adam. «Nous espérons que l’État va nous donner les mêmes avantages que ceux accordés au secteur textile. Notamment en ce qui concerne les frais à payer pour les permis de travail des ouvriers étrangers. Nous en avions fait la demande lors des discussions préalables au Budget 2017- 2018. Nous souhaitons que nos demandes soient considérées favorablement, au plus vite.»
Par contre, les procédures d’obtention des permis de travail se sont bien améliorées ces derniers temps. Elles se font plus rapidement qu’auparavant. Didier Adam pense que nous sommes sur la bonne voie pour améliorer davantage le temps d’exécution de ces procédures.
«Notre association est représentée sur le Construction Industry Development Board. En cette capacité, nous collaborons pleinement avec cet organisme pour permettre au secteur de la construction d’opérer sereinement. Par exemple, nous nous penchons actuellement sur la préparation d’une législation.»
Il s’agit du Construction Contract Acts Bill, qui vise, entre autres, à revoir certaines dispositions qui existent généralement dans les contrats de construction. «Nous partageons notre point de vue sur les propositions faites par le Construction Industry Development Board, afin de nous assurer que le secteur continue d’opérer normalement, et, que chaque partie assume ses responsabilités contractuelles et financières.»
Tourisme
François Eynaud, CEO de Verandah Leisure and Hospitality : «Élaborer une véritable stratégie nationale»
«Les prévisions de croissance au niveau des arrivées touristiques de Statistics Mauritius pour 2018 sont de 4,8 %, ce qui est largement réalisable si l’environnement économique et le dynamisme aérien se maintiennent. Une augmentation trop forte du prix du pétrole pourrait par exemple pénaliser les destinations long-courrier comme Maurice», commente François Eynaud.
Notre industrie touristique se porte bien mais reste fragile, car très dépendante de nombreux facteurs tant internes qu’externes. «La priorité de nos attentes se rapporte à la nécessité d’élaborer une véritable stratégie nationale, avec pour principal objectif la protection de notre fragile environnement, nos plages et nos lagons. Il faudra démontrer beaucoup de vigilance et de sagesse concernant les projets d’aquaculture et de hub pétrolier. Nous prônons un développement durable et raisonnable», partage le CEO de Verandah Hotel.
Un autre gros défi est le manque de main-d’œuvre qualifiée. La situation risque de s’aggraver avec la mise en route de nouveaux projets hôteliers qui démarrent en 2018. «Collectivement, il nous faut trouver des solutions à ces problèmes.»
Une autre priorité qui préoccupe les opérateurs : la sécurité dans le pays. Il est indispensable que Maurice maintienne l’image d’une destination où la sécurité prime. «Il faut tout entreprendre pour préserver cette image qui pourrait être mise à mal si on ne règle pas les problèmes de drogue et de vols.»
Enfin, l’industrie devrait se garder de s’endormir sur ses lauriers comme cela a pu être le cas dans le passé. «Nous devons faire preuve de créativité, d’innovation. Nous devons accroître notre capacité à proposer plus d’offres de loisirs, d’activités culturelles ainsi que notre prédisposition à développer davantage le tourisme sportif. Pour atteindre un tel objectif, certaines de nos législations doivent être revues afin d’éliminer les situations susceptibles d’occasionner une lenteur et des complications administratives.»
Exportation
Lilowtee Rajmun-Joosery, directrice de la Mauritius Export Association : «Reprise et renouveau, les maîtres-mots»
Après deux années de décroissance dans le secteur des exportations, le gouvernement et l’ensemble des opérateurs souhaitent une reprise du secteur. «Mais de quel type de reprise parlons-nous ? Celui qui consisterait à renverser la vapeur ? Est-ce suffisant ? Ou faudrait-on se diriger vers le renouveau du secteur ?» s’interroge Lilowtee Rajmun-Joosery.
En termes de reprise, il est évident que les compagnies existantes souhaitent améliorer leurs volumes d’exportations. Le secteur reste néanmoins à la merci du marché international, commente la directrice de la Mauritius Export Association (MEXA). Par ailleurs, 2018 s’annonce l’année de la stabilisation post-effet Brexit. Le secteur a été affecté par le Brexit et il est passé par une phase d’adaptation nécessaire avant de reprendre ses marques.
«Pour la MEXA, 2018 sera surtout l’année du renouveau. Le secteur a atteint l’optimum d’un cycle de vie. Il est temps maintenant de repenser l’exportation et faire preuve de volonté pour encourager l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux investisseurs. Actuellement, 80 % des exportations sont réalisées par l’État et 20 % par la MEXA.»
Il est grand temps d’attirer l’Industrial Foreign Investment, pour qu’il y ait de véritables industries qui s’installent. «Pour cela, nous suivons avec intérêt le projet Jin Fei qui, à notre avis, saura attirer ces nouvelles sections telles que l’ingénierie légère. Il y a eu des mesures incitatives très importantes annoncées dans le Budget 2017-2018, comme le Corporate Tax Rebate. Cela prendra du temps pour capitaliser sur ces mesures et développer le secteur de l’exportation. Il faut, a minima, compter deux ou trois ans avant que la mise en application de ces mesures ne porte ses fruits.»
Entre-temps, les défis à relever sont de continuer à développer le High quality manufacturing market. «Mais pour que cela soit un pari gagnant, il faut absolument booster et mettre en oeuvre le concept de Speed to market, notamment, via des livraisons aériennes. Ainsi, la rapidité de livraison des produits entraînera la production et l’exportation vers le haut.»
Ce sont de telles mesures qui permettront aux petites et moyennes entreprises (PME) et compagnies manufacturières à vocation locale de se développer. Et notamment d’avoir une réelle politique d’exportation régionale.
Pour qu’il y ait du renouveau et de l’innovation, il faut porter le jeune entrepreneuriat, comme c’est le cas en Amérique. Et aussi faire matière de réflexion et de prévision en ce qui concerne la main-d’oeuvre nécessaire pour encourager une PME à se développer. L’entrepreneuriat ne représente qu’environ 10 % de la population active. Il faut une stratégie d’accompagnement entre quatre et cinq ans pour qu’une PME puisse enfin voler de ses propres ailes et venir renforcer le secteur de l’exportation régionale et mondiale.
«À la MEXA, nous serons force de proposition afin de réellement repenser le secteur en profondeur. Il est temps de relancer le secteur manufacturier, à l’échelle industrielle, et de donner un nouveau visage à l’exportation pour le bien de notre économie sur le long terme.»
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