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Pluies torrentielles: où est le problème ?

10 janvier 2018, 01:30

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Pluies torrentielles: où est le problème ?

Ce sont des litres et des litres d’eau de pluie qui se sont déversés et, une fois de plus, de nombreuses familles se sont retrouvées sous les eaux.

C’est la même rengaine à toutes les saisons pluvieuses. Dès que la pluie commence à tomber drue en début d’année, des centaines de personnes autour de l’île se retrouvent à la merci des eaux. Depuis mercredi, avec la proximité d’Ava et les nuages extérieurs de la tempête, plusieurs centaines de millimètres d’eau sont tombés. Parfois il n’a pas fallu beaucoup, comme à Chitrakoot, Fond-du-Sac, Sainte-Croix... Les rivières ont débordé et l’eau a lessivé le sol. Quel est le problème ? 

Malgré les dispositions du gouvernement, force est de constater que des dégâts ont quand même eu lieu. Le premier fautif est le Mauricien lui-même. Entre drains bouchés par les déchets et endommagés par la négligence, l’omniprésence de l’asphalte et du béton n’a pas arrangé la chose. 

«Les Mauriciens et les autorités doivent prendre leurs responsabilités pour conserver les évacuations et les cours d’eau en état», lance l’ancien directeur de la station météorologique de Vacoas et hydrologue Subiraj Sok Appadu. 

«On ne peut pas attendre la veille des risques de grosse pluie pour tenter de déblayer les drains. Et il est nécessaire de prendre soin des rivières du pays. Combien ne sont elles pas remplies de déchets qui gênent le débit d’eau ?» 

Être préventif 

La façon dont les Mauriciens et le gouvernement agissent, soit réactive au lieu d’être préventive, exacerbe les effets des dégâts lors des pluies. «Si l’on ne se prend pas en avance, de façon à être prêts pour les pluies, nous allons toujours être à la merci d’inondations de ce genre», ajoute l’hydrologue. 

«Nous devons travailler ensemble, même quand nous sommes de différents partis politiques, sur les projets pour trouver des solutions sur le long terme.» 

Le développement rapide de Maurice et la monoculture massive commencent à être cher payés et de plus en plus durement. Les villes et villages en béton et en asphalte jouent leur rôle. 

La disparition systématique de zones capables d’absorber l’eau de pluie et de ruissèlement commence drastiquement à se faire sentir, les forêts endémiques et les zones humides avant tout. Port-Louis, par exemple, a été construit sur un ancien estuaire où pratiquement toutes les zones de rétention d’eau ont été comblées. Tel est aussi le cas pour Fond-du- Sac et Grand-Baie. Quand les rivières sont bloquées, détournées pour des travaux de développement, comme à Sainte-Croix, dès les moindres pluies, les habitants se retrouvent sous les eaux. 

«Pour le développement à venir il faut plus de planification urbaine afin d’éviter les accumulations d’eau. C’est toute l’importance des études avant la réalisation d’un projet, surtout quand celui-ci est d’envergure », lance pour sa part Vasant Jogoo. 

«Il manque trop de verdure et d’espace vert pour retenir l’eau et la terre qui absorbe l’eau dans Maurice pour éviter des accumulations.» 

L’eau de ruissellement peut être grandement réduite par des lopins de terre où pousse la végétation avec des racines solides qui vont éviter que la terre ne soit lessivée. Le problème de la terre lessivée est aussi celui de la boue qui se déverse dans le lagon. 

Quand il y a trop d’eau trouble, ce sont les coraux qui en pâtissent et trop d’eau douce se déversant en mer affecte aussi temporairement la salinité et tue les coraux. Il faut désormais trouver un équilibre entre le développement et la responsabilité face à la pluie. Simplement installer des drains n’est pas la solution au problème. Il faut trouver l’équilibre sinon il n’y aura pas de répit pour les personnes inondées.

Pourquoi l’eau n’est-elle pas captée ?

<p>À cause de la forme générale et de la taille restreinte de Maurice, l&rsquo;eau ruisselle facilement sur l&rsquo;île, ce qui est une complication pour la capter mais cependant les eaux de pluie représentent un potentiel important. <em>&laquo;C&rsquo;est vrai que l&rsquo;eau de pluie peut être captée mais ce n&rsquo;est pas une chose simple. Quand cela ruisselle en ville, par exemple, il aurait fallu prévoir des bassins de remplissage pour contenir l&rsquo;eau avant de l&rsquo;acheminer vers les réservoirs</em>&raquo;, explique Vasant Jogoo. <em>&laquo;Cela peut aussi entrer dans la planification urbaine.&raquo;</em> Pour Subiraj Sok Appadu, si <em>&laquo;nous pouvions récupérer une partie des pluies, même 50 %, on pourrait remplir les réservoirs.&raquo;</em> Il est d&rsquo;avis que si le travail est bien fait et que le gouvernement en fasse l&rsquo;effort, ce pourrait être une solution au problème. Le besoin d&rsquo;eau de Maurice augmente avec la demande, cela avec le déplacement des pluies et le changement climatique qui ajoutent à la problématique de l&rsquo;eau dans le pays.</p>

La crainte des habitants de Cité La Cure

Les habitants de Cité La Cure sont inquiets vu l’eau qui déferle de la colline et s’accumule à la moindre pluie.

Cité La Cure et Sainte- Croix représentent bien les problèmes qui surviennent quand des travaux sont effectués à tout va sur des cours d’eau, des canaux d’évacuation, des drains et des marécages (wetlands). Au pied de la colline, les habitants font face à un torrent qui submerge les maisons dès que les pluies sont importantes. Ici, les canaux ne sont pas assez larges et l’eau qui avait l’habitude de s’écouler dans les drains ou d’être absorbée se déverse maintenant dans les habitations. 

«La situation est comme cela depuis les travaux entrepris pour faire un morcellement sur la colline. Lors des pluies de 2015 c’était un déluge. 2016 a été la même chose. Actuellement il y a très peu d’eau qui s’écoule mais on a vu pire. C’est un sérieux problème et maintenant nous avons peur des flashs floods», fait part un des habitants de la région. «Nous avons témoigné de la progression des travaux qui ont détourné et endommagé les canaux d’évacuation d’eau.» 

Le «peu d’eau» que disent les habitants est déjà un débit important que la terre ne peut absorber et qui déferle en endommageant aussi bien les maisons où elle s’infiltre que la route. Des nids-depoule se creusent partout. 

«Nous avons perdu nos denrées alimentaires, des meubles ont été endommagés, les pompiers ont même dû intervenir», lance une mère de famille désemparée. «Ce n’est pas vivable une situation pareille.» 

Désormais à Sainte-Croix et Cité La Cure, depuis les modifications apportées au terrain et à la moindre goutte de pluie, la route se retrouve sous plusieurs centimètres d’eau torrentielle et le spectre des inondations leur fait craindre pour leur sécurité. 

«Est-ce qu’il faut qu’un accident ait lieu avant que le gouvernement prenne une décision ? Comment estce possible d’obtenir les permis pour faire de tels travaux ?», se demande un habitant exaspéré. 

Plusieurs demandes ont été faites et des visites organisées pour attester des dégâts de l’écoulement des eaux selon des habitants. On se penche sur le problème pendant un temps mais à chaque fois rien ne se passe. 

Si le dossier était au point mort, il semblerait qu’il devrait repartir car il serait arrivé apparemment sur le bureau du Premier ministre. 

À la mairie de Port-Louis on indique qu’aucun permis ne serait octroyé tant que les drains naturels ne seront pas en état car des travaux ne peuvent s’y dérouler. Une nouvelle visite des lieux est prévue. 

Depuis mars 2013 et les inondations éclair à Port-Louis, les Mauriciens sont de plus en plus inquiets face aux inondations. Et le nombre de wetlands se réduit comme peau de chagrin, comme c’est le cas à Grand-Baie. Mais ce n’est pas le seul coin du pays dans pareil cas.