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Vassen Kauppaymuthoo: «Il existe un décalage entre la météo et la population.»

14 janvier 2018, 18:00

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Vassen Kauppaymuthoo: «Il existe un décalage entre la météo et la population.»

Il s’offusque mais ne veut pas faire des vagues. Il s’enflamme quand il s’agit du réchauffement climatique et de son impact sur Maurice. Son opinion sur la station météo de Vacoas jette un froid. Embarquons.

Il neige au Sahara, certains pays, dont le Canada, ont droit à des températures polaires, c’est la canicule en Australie. Est-ce vraiment la fin ?

Il se produit des choses que nous n’avions jamais vues jusqu’ici. Certes. Mais il faut bien faire la différence entre le réchauffement climatique et la météo. Le premier se «mesure» sur la durée, l’impact humain entre également en jeu. Alors que le temps est relatif à la météo, que l’on jauge sur le court terme.

À quoi doit-on s’attendre à Maurice ? À un froid de canard ? Une chaleur de plomb ? Les deux ?

Le pays n’a pas connu de «vrai» cyclone depuis bientôt 16 ans, Dina étant le dernier à nous avoir rendu visite. J’ai connu ceux qui nous ont frappés dans les années 75 et 80. En revanche, nous avons droit aux inondations, par exemple, qui ont fait des morts en 2013. Il y a quelques années de cela, nous avions des pluies plus régulières. Aujourd’hui, elles sont davantage localisées, très intenses et elles ne durent pas longtemps. Face à cette menace, nous sommes impuissants.

Nous ne sommes donc pas prêts à faire face à des phénomènes météorologiques ?

Il faut se préparer à faire face à un «gros» cyclone. L’exemple qui me vient en tête, c’est Fantala, en 2016, dont la puissance dépassait tout ce que nous avions connu jusque-là. Il a ravagé l’île Farquhar, avait une durée de vie exceptionnelle et des vents dévastateurs en son sein. Il faut s’attendre à ce type de «bête». Sinon, le pays risque d’être à genoux, d’autant plus que les autorités ont un peu baissé la garde.

Revenons aux inondations. Le temps est-il le seul responsable des accumulations d’eau, du calvaire de certains Mauriciens ?

Ce n’est pas normal d’avoir des inondations de cette ampleur. Il y a eu des rapports qui ont été commandités, un Fact Finding Committee qui a été mis sur pied, des recommandations faites, après les inondations meurtrières de 2013. Pourtant, les autorités jouent les pompiers le temps des inondations et baissent la garde, en attendant le prochain événement. Il faut se rendre à l’évidence, Maurice subi les effets du réchauffement climatique. Des mesures mises en place ne donnent pas les résultats escomptés. L’État a investi des milliards dans des drains à Port-Louis et a délaissé les autres régions. Si toutes les régions étaient traitées sur le même pied d’égalité, le système aurait fonctionné.

À vous entendre, tout va mal…

Maurice est le 13e pays au monde en termes de vulnérabilité liée au réchauffement climatique. On a tendance à taire les risques pour protéger notre industrie touristique. La machine est bien rodée en ce qui concerne les alertes cycloniques, mais nous sommes vulnérables face aux autres catastrophes naturelles. On me dit que j’effraie tout le monde. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Le «disaster risk profile» souligne que Maurice est à risques face aux inondations, cyclones, aux tremblements de terre et aux tsunamis. Nous pourrions subir ces phénomènes au cours des 100 prochaines années et cela pourrait coûter 1,8 milliard de dollars à l’économie.

En parlant d’économie, les Mauriciens ne sont pas avares de critiques à l’encontre de la station météo de Vacoas. Ont-ils raison ?

Ce qui est déplorable, c’est que les recommandations faites pour améliorer les prévisions, comme la mise en service du radar doppler, ne sont pas prises en considération. Il existe un décalage entre la météo et la population. Le système de communication doit changer.

Afzal Goodur, le M. Météo de Facebook, est très populaire. Est-ce normal qu’un citoyen lambda vole la vedette aux prévisionnistes ?

La météo doit utiliser les talents d’Afzal pour communiquer avec les Mauriciens. Le fait qu’il soit suivi pour ses prévisions en est une indication. On devrait lui offrir une formation en météorologie. Sinon, il faut quelqu’un pour être l’Afzal de la station de Vacoas, afin que les gens puissent comprendre les informations clairement.

Passons du coq à l’âne. Ou plutôt aux requins. L’escapade maritime du ministre du Tourisme Anil Gayan à Grand-Gaube, vous en pensez quoi ?

(Il sourit) Le ministre Anil Gayan était mon avocat lorsque je me suis battu contre l’«Aquatic Business Activities Bill» en 2007. Nous avions abordé le sujet de l’aquaculture et de son impact sur l’environnement, des problèmes que cette activité pourrait engendrer. À l’époque, il semblait bien comprendre la situation et a défendu l’affaire en Cour suprême. Aujourd’hui, sa position a quelque peu changé… Il a effectué une visite à un moment donné, cela n’est pas une représentation de la réalité. C’est comme un touriste qui débarque à Maurice et qui dit qu’il faut tout le temps beau. Sauf que le temps change et que les requins bougent.

L’Association des restaurateurs et des hôteliers de l’île Maurice (AHRIM) a décidé de faire appel au Tribunal de l’Environnement pour contester le projet de Growfish. Les touristes et l’aquaculture pourraient-ils faire bon ménage ?

Nous misons sur le tourisme haut de gamme. Comment expliquer au visiteur qu’il va payer des milliers de roupies pour une chambre avec vue sur une ferme aquacole ? Qui plus est, ce projet va générer des problèmes de pollution et va attirer les prédateurs. Je ne comprends pas l’attitude des autorités, qui ont donné leur aval pour ce projet et je salue l’initiative de l’AHRIM. Il faut faire un choix. Le tourisme rapport plus que l’aquaculture.

En parlant de prédateurs, vous faites référence aux dents de la mer, donc ?

Ils ont également besoin de manger. Le requin se déplace dans des endroits où il y a une concentration de nourriture, comme une ferme avec au moins dix poissons par mètre cube. Pourquoi irait-il se nourrir ailleurs ? C’est logique, les fermes aquacoles attirent les requins.