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Catastrophes naturelles: comment lutter contre les inondations

23 janvier 2018, 20:01

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Catastrophes naturelles: comment lutter contre les inondations

Berguitta l’a démontré : le trop-plein de pluie peut se révéler dangereux. Maurice doit repenser ses systèmes de drainage d’eau et sa gestion de l’environnement. Les averses du lundi 22 janvier illustrent ces points. Cernons le problème.

Normes de construction et maintenance

«Nous avons un bon réseau de canalisation. C’est la culture de maintenance qu’il faut», lance d’emblée un ingénieur. Selon lui, le nettoyage des drains doit se faire toutes les semaines. Ensuite, il explique qu’il ne faut pas les recouvrir. Autre suggestion : ne pas faire du bétonnage. «Il faut prendre en considération la hauteur des bâtiments. Avant de donner un permis, il faut s’assurer que le bâtiment soit plus haut que le niveau de la route.» Il ajoute que les drains doivent être plus larges et plus profonds à cause des pluies intenses.

Selon un autre ingénieur, à chaque nouveau projet, il faut procéder à une nouvelle analyse de l’eau de ruissellement, en tenant compte de la nouvelle situation de construction, par rapport à la date à laquelle le drain existant a été conçu. Et, si nécessaire, modifier les drains existants.

Une autre solution consiste à construire de nouveaux drains pour travailler avec ceux existants. Y a-t-il des dimensions spécifiques à respecter ? «Non. Les calculs donnent une section transversale des drains. Puis, selon les conditions du sol, la largeur et la profondeur sont ajustées pour maintenir la zone.»

Interrogé, un autre ingénieur explique qu’il faut veiller à ce que le système de drainage des nouveaux aménagements soit effectivement intégré dans la capacité existante et ne crée pas de pression supplémentaire sur le système existant. Selon lui, il faut également aborder la question du drainage dans une perspective intégrée et développer des solutions de drainage intégrées.

Il affirme que la Land Drainage Authority doit être opérationnelle au plus vite pour développer une approche plus holistique et intégrale du problème et aussi durable. Pour notre interlocuteur, il faut également comprendre l’occurrence des inondations soudaines en tant que phénomène international croissant, nécessitant une préparation adéquate et des protocoles clairs.

Études hydrologiques et hydrauliques

Selon un ingénieur, des études hydrologiques et hydrauliques doivent être faites avant le design d’un drain. «Quand les deux études sont terminées, le design est fait par rapport à la topographie et la surface affectée par une forte précipitation. Ensuite, on a la dimension qu’il faut.»

Deux types de drains sont choisis. Si c’est pour une habitation, dans une ville très fréquentée par des véhicules, les drains en béton sont privilégiés. Quant aux drains construits dans les faubourgs, ils sont en maçonnerie.

Du côté de la Road Development Authority (RDA), on privilégie également le béton armé pour le système de drains sur les routes classées. On explique que ces drains sont conçus pour prendre les débits (volume d’eau qui traverse une surface) de la route. Où l’eau est-elle déversée ? Les drains sont conçus d’une telle façon que l’eau se déverse soit dans les rivières, dans la mer, dans des cours d’eau ou dans d’autres canaux existants.

Mesures préventives

LA NDU a fait construire des murs de soutènement dans plusieurs régions, dont à Cité Hibiscus, Flacq. À Poste-de-Flacq, la rivière a été déviée pour contrer le problème d’inondation. L’Est est en proie aux inondations du fait que «les cours d’eau sont au même niveau que la surface du sol», explique notre source de la NDU. Il faut aussi être plus strict sur l’octroi des permis Environmental Impact Assessment pour un développement foncier.

La topographie, une des responsables

<p>Les zones qui sont habituellement inondées se trouvent, en général, dans des régions basses. Les changements apportés dans le sillage de nouveaux développements rendent le sol plus étanche. Les chemins de drainage naturels sont bitumés, sans compter que des zones humides sont remblayées. En outre, des drains naturels dans des zones agricoles ont été modifiés dans une large mesure.</p>

L’entretien

Nos drains souffrent d’un manque d’entretien. Ils sont trop souvent remplis de déchets qui obstruent le passage d’eau. À la RDA, on affirme que c’est la section maintenance qui est chargée de l’entretien de routine. Il y a également l’entretien périodique qui vient améliorer le réseau existant pour pallier les problèmes de capacités, là où c’est nécessaire. Le personnel est-il suffisant pour assurer un entretien régulier ? «Nous avons notre propre main-d’oeuvre et nous pouvons aussi avoir recours à des entrepreneurs sous contrat.»

Quid des collectivités locales ? Le maire de Beau-Bassin–Rose-Hill, Ken Fong, par exemple, affirme qu’il existe une unité spéciale au sein de la municipalité qui a été renforcée pour assurer un entretien des drains dans la région. «Ils étaient au nombre de 12 avant. Mais maintenant, ils sont à 21. Chaque mois, ils font des travaux d’entretien.» Il explique que de nouveaux drains, longs de 600 mètres, installés depuis deux ans, ont beaucoup contribué à diminuer les inondations dans plusieurs régions des villes soeurs.

Des aménagements au coût de Rs 720 M

La National Development Unit (NDU) prévoit 375 drains, au coût de Rs 720 millions, pour l’année 2017-18, à travers le pays. À Péreybère, des drains sont en cours d’aménagement pour Rs 52 millions. Ils devraient être complétés en août. Le mois prochain, ceux d’Argy, à Flacq, dont l’enveloppe est de Rs 24 millions, devraient être achevés. Des travaux débuteront incessamment à Clémencia, pour lesquels Rs 60 millions ont été réservées ; à Sébastopol, au coût de Rs 28 millions, et à Belle-Source, Pamplemousses, pour Rs 75 millions. Fond-du-Sac n’est pas en reste. Si des drains y ont déjà été aménagés, il nous revient que de gros travaux seront effectués bientôt. Un budget de Rs 125 millions a été alloué à cet effet. Des études ont été menées par des consultants. L’acquisition des terres doit être effectuée et l’appel d’offres lancé. Gokhoola sera également concerné. Dans cette région, la route Mon-Piton–Rivière-du-Rempart a été inondée la semaine dernière. Des travaux seront entrepris à l’intérieur du village car, à la RDA, on affirme que c’est une zone inondable.

Une meilleure planification urbaine

	<p>Selon une urbaniste, les solutions pour réduire les inondations à Maurice sont multiples.</p>

	<h4>Étude sur la capacité des conduits</h4>

	<p>La première chose à faire serait d&rsquo;effectuer une étude de la capacité des drains à différents endroits du pays. &laquo;Il faudrait aussi penser à construire en hauteur plutôt qu&rsquo;en largeur afin de maintenir un maximum de végétation, ce qui favorisera l&rsquo;infiltration des eaux dans le sol&raquo;, explique l&rsquo;urbaniste. L&rsquo;équation est simple : plus on enlève de la végétation pour la remplacer par le béton, plus on bloque l&rsquo;évacuation de l&rsquo;eau, le béton étant imperméable.</p>

	<h4>Nouveaux matériaux</h4>

	<p>Les autorités pourraient également songer à l&rsquo;utilisation de nouveaux types de béton ou de l&rsquo;asphalte perméable. Par ailleurs, une planification urbaine plus holistique devient de plus en plus pressante car les effets du changement climatique, tels que les cyclones ou les crues soudaines, se feront de plus en plus sentir dans les années à venir.</p>

	<h4>Harmonisation des cahiers des charges</h4>

	<p>Pour l&rsquo;heure, il y a un manque d&rsquo;harmonisation des cahiers des charges pour les différents projets immobiliers tels que les Integrated Resort Schemes, les Real Estate Development Schemes, les Property Development Schemes, les petits morcellements ou encore les Smart Cities. Du reste, l&rsquo;urbaniste souligne que certains promoteurs n&rsquo;accordent pas suffisamment d&rsquo;importance et d&rsquo;investissement dans l&rsquo;intallation de drains adéquats dans leurs projets. Résultat : des accumulations d&rsquo;eau. Et le drainage n&rsquo;est pas suffisamment pris en compte dans plusieurs projets.</p>
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Préservation de l’environnement

Le reboisement

Les arbres ont un rôle très important à jouer dans la réduction des inondations, plus particulièrement sur un terrain pentu. Ils régulent le débit d’eau. Le géomorphologue Prem Saddul rappelle qu’avec un débit normal, la terre a le temps d’absorber l’eau de pluie. «Essayez d’imaginer l’eau de pluie qui tombe sur un terrain sans arbre ou buisson. Elle se déplace très rapidement. Il faudra planter des arbres d’une façon à ce que les troncs et les racines s’opposent au déplacement de l’eau», propose-t-il. Ces arbres, ajoute-t-il, protégeront la terre contre les érosions.

Éviter l’épierrage

Avec la mécanisation et l’urbanisation, beaucoup de champs et de terrains ont été défrichés et épierrés. «Il faut éviter d’épierrer les champs tant que c’est possible. Il est vrai qu’il y a l’aspect économique. Tout comme les arbres, les pierres empêchent l’eau de courir pour permettre au sol de l’absorber», souligne Prem Saddul.

Gérer les déchets volumineux

Une campagne de ramassage pour les déchets encombrants, tels que des meubles et des appareils électroménagers, a lieu une fois par an dans toutes les collectivités locales. Les habitants sont informés par des dépliants déposés dans chaque maison à travers le pays. Ce type de ramassagea implique un coût plus important que d’ordinaire. Toutefois, le ministère des Collectivités locales étudie la possibilité d’augmenter la fréquence pour avoir au moins deux campagnes de ce type par an, même si cela ne paraît pas suffisant.

Déchetteries pour objets encombrants

Des rivières obstruées par de vieux réfrigérateurs, ou de fours... C’est ce qui provoque des inondations bien souvent. Patrick Maurel, le directeur de Securiclean, propose que, dans chaque district, il y ait des déchetteries où les Mauriciens peuvent entreposer leurs vieux appareils électroménagers. Une fois par semaine, une compagnie spécialisée pourra ensuite les transférer à la station de La Chaumière pour y être démantelés. Les pièces électroniques pourraient être envoyées à l’étranger tandis que la ferraille irait aux fonderies.

Sensibiliser les gens

«Souvent, à Maurice, les gens ont tendance à raccorder leurs conduites d’eau de pluie aux drains des routes secondaires, provoquant un débordement, en particulier dans des agglomérations.» À la RDA, on explique qu’il faut sensibiliser le public à ne pas se débarrasser de toutes sortes de débris dans les drains. Conséquence : les drains des routes secondaires et non-classifiées sont bouchés, ce qui peut mener à un débordement sur les routes principales.

Quant aux collectivités locales, elles dressent le même constat : les détritus jetés n’importe où par la population continuent à poser problème. Ce qui pousse la ministre de tutelle, Fazila Jeewa-Daureeawoo, à affirmer que «nous avons besoin de la collaboration de la population. Je fais un appel pour que les gens ne jettent pas les ordures partout, car cela a des conséquences très graves lorsque nous faisons face à un cyclone ou à de grosses pluies».

Sauvegarder les marécages

«Les très grands marécages contrôlent les inondations car l’argile qui y est présente absorbe l’eau», explique Farook Mowlabucus, hydrologue. Ce dernier rappelle que l’eau s’achemine toujours vers ces bassins couverts de plantes où elle est filtrée. S’ils font combler ces zones humides pour des projets immobiliers, le risque d’inondation est grand. «Quand les marécages sont comblés, l’eau reste à une certaine profondeur pour ensuite inonder les endroits habitables», dit-il.

Ne pas combler les berges des rivières

Combler la berge d’une rivière pour hausser son niveau est une très mauvaise idée. Quand il pleut dans une localité traversée par une rivière, l’eau va toujours vers cette dernière. Cependant, si la berge est plus élevée ou même niveau que les endroits habités, l’eau ne sera pas évacuée, déclare Prem Saddul.

Des amendes plus lourdes

«Si les Mauriciens continuent à jeter leurs déchets dans les drains, des amendes plus sévères seraient la solution la plus appropriée à l’avenir.» C’est ce qu’a affirmé la NDU au sujet de ceux qui continuent à jeter illégalement des déchets dans des caniveaux. Pour ce faire, l’Environment Act devra être amendée. Au ministère de l’Environnement, l’on déclare que le contrevenant est passible d’une amende de pas moins de Rs 5 000 mais pouvant aller jusqu’à Rs 15 000 si c’est pour une première infraction. En cas de récidive, l’amende est de Rs 25 000, avec une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.