Publicité

#50ansMoris: bagarres raciales, l’exode

24 janvier 2018, 22:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

#50ansMoris: bagarres raciales, l’exode

Le 24 janvier 1968, la une de l’express fait état du nombre de réfugiés suivant les bagarres raciales qui ont éclaté. Un millier de personnes dorment dans la cour des Casernes centrales, 50 familles occupent les flats des dockers, à Roche-Bois, et 123 autres sont logées à cité Richelieu. «Si les réfugiés continuent d’affluer aux Casernes au taux d’un demi-millier par jour, il est certain que les moyens d’action seront vite dépassés», peut-on lire dans les journaux.

D’où viennent ces personnes ? Pour le savoir, direction cité Martial, à Plaine-Verte. Ce lieu tient son nom des terres que l’armée possédait dans la région, tout comme la route Militaire.

À l’époque, cité Martial n’était pas aussi développée ; il y avait à peine quelques maisons. Illam Maudarbax, 64 ans, est bien placé pour le savoir car son père était le premier habitant de la région. Quand Maurice devient indépendant, il avait 16 ans. «Il n’y avait pas de guerre ici. Il y avait la bourgeoisie créole qui habitait dans les environs et tout le monde s’entendait bien», explique-t-il.

Un des signes, s’il en faut, qui démontrent qu’il existait une cohabitation entre les différents groupes à cité Martial notamment, est le nom des rues, soit rue Alfred Gellé, rue Coringa, rue Réné Maigrot… «Si vous allez à Ste-Croix, les rues portent les noms de personnalités musulmanes. C’est un peu les vestiges de cette ancienne cohabitation pré-indépendance», avance Illam Maudarbax.

«Nouvelles inquiétantes»

Mais en ce début de l’année 68, les choses tournent au vinaigre. Sur place, Abdullah Dawood revient sur cette période sombre de l’histoire. Âgé de 60 ans, il fait partie de ceux qui avaient fui Ste-Croix en 1968.

«Non, les voisins ne nous attaquaient pas. Au contraire, ils veillaient sur nous», fait-il savoir. Mais à Ste-Croix, comme ailleurs, des nouvelles des autres régions arrivaient, parfois déformées. Ainsi sa famille a décidé de quitter la localité. Plusieurs autres habitants de Roche-Bois, de Ste-Croix en font de même.

«Il y a certes eu des morts, mais on parle plus d’actions spontanées», poursuit-il. De citer le cas du chauffeur de taxi Rajack Jogee. «Il passait à la route Nicolay au mauvais moment et il a été tué. Mais ce n’était pas une action planifiée ou quoi que ce soit.»

Mais dans la conscience collective, la bagarre raciale a laissé un traumatisme. Même les jeunes générations en parlent à demi-mot, tant le souhait d’oublier ce pan de l’histoire est présent. Cependant, pour ceux qui étaient au coeur de l’action, il faut faire attention à l’histoire qui se transmet. «Ce n’est pas le pays qui était en guerre. Il y avait quelques groupes qui se battaient. Les crimes étaient spontanés et non prémédités. Personne ne sortait pour tuer son voisin», soutient Monaf Hossenbaccus, habitant de Camp-Yoloff.

Devant la montée des tensions à travers l’île, Abu Subratty et M. Peerboye avaient essayé d’aller calmer les esprits à Ste-Croix. Mais la situation a dégénéré. Abu Subratty a été tué tandis que son ami a été sauvé de justesse. D’ailleurs, dans l’express, les rumeurs concernant le décès de ce dernier sont démenties. Dès lors, les frictions atteignent un nouveau pic.

Un collège transformé en centre de refuge

<p>Lorsque les familles ont commencé à migrer en masse, en 1968, plusieurs d&rsquo;entre elles ne savaient pas où aller. Le Madadul-Islam, un collège privé pour filles, sis à la rue Magon, s&rsquo;est vite transformé en centre de refuge. Il a accueilli 1 300 personnes. À l&rsquo;époque, Plaine-Verte, comme cité Martial, avait une population diverse. Mais, au fur et à mesure que les mauvaises nouvelles arrivaient, la communauté créole a pris peur et a préfèré quitter la région. Dans le collège, transformé en centre de refuge, c&rsquo;est la Croix-Rouge, aidée par les habitants, qui subvenait aux besoins des réfugies.</p>

Photo du jour

Des réfugiés par milliers

Face à la tension qui grimpe, des familles de plusieurs régions décident de migrer vers des endroits plus sûrs, laissant derrière elles tout ce qu’elles possèdent. Elles convergent toutes vers les Casernes et de là, elles sont redirigées vers des centres.

#50ansMoris: la diaspora Témoigne

À 11 ans, il est témoin de l’Indépendance

Ashok Sewraj Goordin a été un témoin privilégié de l’accession de Maurice à l’indépendance. Du haut de ses 11 ans, il chante le tout premier «Glory to thee» avec ses amis de classe. Récit. «Mo ankor rapel non tou bann zélev ki ti dan mo klas ; tou indien, mizilman, katolik, tamoul. Kiso garson, kiso tifi. Nou ti 22 ou 24 zélev dan siziem A. Pou lé 12 mars 1968, bis spésial ti vinn sers nou. Tou zanfan ti met sort blan ek sémiz blan. Sakenn ti éna so ti pavion rouz, blé, zonn, ver. Direksion Porlwi, Champ-de-Mars. Saki ti apel kontanteman. Gato patisri, limonad, Pepsi, lapolitenn ti mo préféré. Aster-la dir sa napolitaine. Mo parmi bann kinn sant «Motherland» pandan ki pé is drapo kadrikolor an ler pou prémié fwa. Ek mo lespri zanfan ti pran sa pou enn fet. Mé adilt, monn réalisé ki mo finn témwin enn gran lévenman pou nou péi. Dan bis kan nou ti pé rétourn Curepipe bis la inn vinn bis piknik. Nou ti pé sant enn santé ki ti lamod sa lépok-la.»

Cassiya lui donne envie de rentrer au pays

Rien que d’y penser, il a, aujourd’hui encore, des frissons. C’était le bonheur à l’état pur, l’auditoire entonnait les chansons mythiques du groupe Cassiya à l’unisson, le sourire aux lèvres, des étincelles dans les yeux et un sentiment d’appartenance et de fierté à chaque note. Sur les paroles phares du groupe, l’individu s’était oublié, il est devenu un avec les autres. Cette soirée du 23 septembre, Ashley Mahadeea, 30 ans et habitant Sydney, n’est pas près de l’oublier… «Tou dimounn kontan Cassiya, tou Morisyen inifié otour Cassiya, konn tou parol bann santé Cassiya. I could see the beautiful mélanz kiltirel; ti éna tou kalité Morisyen. Mo ti ek mo méeyer kamarad, Bertrand. Mo rapel mo ti viré, mo ti dimann li kifer nu pa kapav ini koumsa toulétan.»

Insolite

<h3>Le parapluie, un bien précieux</h3>

<p>Dans l&rsquo;édition du 24 janvier 1968 de l&rsquo;express, une petite annonce peut intriguer. &laquo;Prière au chauffeur de taxi du stand de Rivière-des-Anguilles qui aurait ramassé un parapluie rouge de le rapporter au bureau de l&rsquo;express&raquo;, découvrait le lecteur de l&rsquo;époque. En 1968, la petite annonce de moins de six lignes coûtait Re 1 et un parapluie coûtait environ Rs 2. Pourquoi la personne tenait tant à son bien ? On ne le saura pas&hellip;</p>

Patrick Chui Wan Cheong: «Port-Louis venait d’être décrétée City, d’où le nom de la clinique»

Patrick Chui Wan Cheong, propriétaire de la City Clinic.

Votre clinique a le même âge que l’île Maurice indépendante. Racontez-nous son évolution…
À l’époque, Port-Louis venait d’être décrétée City, d’où le nom de la clinique. L’idée de commencer un tel établissement privé m’est venue lorsqu’un patient est venu me voir un jour pour me dire qu’il devait aller à l’hôpital mais qu’il n’y avait pas assez de lits. Il faut savoir qu’à cette époque, lorsque l’hôpital Dr A.G Jeetoo était rempli, les patients étaient à deux, voire à trois sur le même lit. J’ai donc décidé de venir en aide à ces personnes. Depuis, le groupe a trois autres cliniques et deux hôtels, et tout ça, c’est grâce aux habitants d’ici.

La seconde chose qui me motivait était la volonté d’être le premier dans le domaine, avant tout le monde. C’est pour cela que je me suis toujours intéressé à la technologie médicale.

Pourquoi Plaine-Verte ?
Dans ma tête, il fallait que tout le monde ait accès à des soins décents. Certains à Plaine-Verte et les faubourgs n’avaient pas d’argent, mais ce n’était pas une raison pour les laisser dans leur coin. D’ailleurs, pendant 20 ans, j’ai offert des consultations gratuites aux personnes âgées, les vendredis. Je leur offrais même les médicaments que les laboratoires donnent aux médecins comme échantillon. Lorsque je voyais que le patient était vraiment dans le besoin, je l’aidais financièrement aussi.

À l’époque, Plaine-Verte était assez peu peuplée. J’ai racheté la maison d’une famille et j’ai fait construire sur cet emplacement. À la demande des anciens propriétaires, j’ai quand même gardé une partie du bâtiment d’origine.

Être social et à la pointe de la technologie, estce compatible ?
Bien sûr ! Avec les appareils dernier cri, on peut détecter les maladies très tôt et, de ce fait, le patient est vite traité. Ou encore, il y a beaucoup d’opérations qui étaient auparavant lourdes mais qu’aujourd’hui, se font facilement avec ces appareils dernier cri. Le coût est moindre.

La une de l’express du 24 janvier 1968.