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#50ansMoris: l’autonomie des municipalités disparaît peu à peu

27 février 2018, 22:25

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#50ansMoris: l’autonomie des municipalités disparaît peu à peu

«L’indépendance fait des quatre villes des municipalités.» C’est la une de l’express du mardi 27 février 1968. Jusqu’ici, Curepipe, Vacoas–Phoenix, Beau-Bassin–Rose-Hill et Quatre-Bornes sont gérées par des conseils urbains. Parmi ceux qui auront le statut de maire figure, Gaëtan Duval à Curepipe. Il sera, plus tard, élu lord-maire à Port-Louis.

Une référence

Vers la fin des années 80 et pendant les années 90, les municipalités étaient une référence dans le développement social et culturel de toute l’île Maurice. Cette époque semble loin derrière. Les villes paraissent avoir perdu leur efficacité. Il faut toutefois reconnaître qu’elles étaient bien gérées à l’époque.

Pendant de longues années, Port-Louis, qui a le statut de «city», et les autres villes ont été administrées par des personnalités politiques qui ont apporté des changements majeurs dans ces villes. Certains ont même servi le pays au Parlement.

Sir Abdool Razack Mohamed est fait citoyen d’honneur par le lord-maire, sir Gaëtan Duval, sous le regard de sir Seewoosagur Ramgoolam.

À titre d’exemple, sir Seewoosagur Ramgoolam a été le maire de Port-Louis en 1958 alors que la ville n’avait pas encore le titre de cité tandis que Cassam Uteem a été lord-maire de la capitale. Dans les Plaines-Wilhems, Amédée Darga et Jean Claude de l’Estrac ont laissé leurs empreintes à Curepipe et Beau-Bassin–Rose-Hill respectivement.

Rajesh Bhagwan a également apporté sa pierre à l’édifice du développement des villes soeurs. Ancien maire du Mouvement militant mauricien (MMM), Amédée Darga rappelle, lui, que la direction de ce parti choisissait des candidats selon leurs compétences pour les élections municipales. «Quand il s’agissait des maires et des présidents des différentes commissions, il fallait des personnes à la hauteur. C’est pour cette raison qu’on a eu de bons résultats.»

Baptême du feu pour Pravind Jugnauth

Les municipalités ont également été l’occasion pour quelques politiciens de faire leur baptême du feu. L’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth était conseiller municipal dans la ville de Vacoas–Phoenix alors que le ministre du Logement et des terres, Mahen Jhugroo, a été maire, toujours à Vacoas–Phoenix.

Comment faisaient-ils autrefois ? Jean Claude de l’Estrac explique que les municipalités existaient même avant l’Assemblée législative. «Elles avaient beaucoup de pouvoir pour administrer les villes. Quand le MMM a pris possession des trois villes en 1977, il a nommé des gestionnaires de haut niveau. L’on a pu faire beaucoup de choses malgré des contraintes budgétaires », se rappelle-t-il.

«Il y avait de vrais administrateurs à la tête de nos municipalités. De plus, elles étaient autonomes. Les choses avançaient très vite»

Reza Issack, lord-maire du Parti travailliste de 2005 à 2007, reconnaît qu’à la fin des années 80 et au début des années 90, la gestion des municipalités était différente. «Il y avait de vrais administrateurs à la tête de nos municipalités. De plus, elles étaient autonomes. Les choses avançaient très vite», reconnaît-il.

Tel ne semble plus être le cas… À titre d’exemple, ce n’est que maintenant que la rénovation du théâtre de Port-Louis a débuté alors qu’il est fermé depuis 2008. Tristement, l’hôtel de ville de Curepipe tombe en ruine et le Plaza n’est plus opérationnel depuis 2004.

Le pouvoir central

Qu’est-ce qui fait donc que les municipalités ont perdu leur bon fonctionnement ? Les explications varient. Jean Claude de l’Estrac, élu à trois reprises comme maire de Beau-Bassin–Rose-Hill, met cette régression sur le pouvoir qu’exerce le gouvernement sur les municipalités. «Depuis plusieurs années, par moyen financier et législatif, le pouvoir central cherche à contrôler les municipalités. En fin de compte, elles sont moins efficaces», regrette l’ancien maire.

Le choix des administrateurs et des cadres

Autre facteur, ajoute-t-il, c’est le choix des administrateurs et des cadres. À part quelques exceptions, le personnel a été affaibli. La plus grande erreur, estime Jean Claude de l’Estrac, a été l’amendement de la loi pour empêcher que des députés soient des conseillers. «C’est une erreur monumentale. Ils faisaient du bon travail.»

Accès aux ministres

Cet avis est partagé par Reza Issack qui a été le dernier député- lord-maire. «Les députés-maires pouvaient avoir accès aux ministres facilement. Ils pouvaient partager leurs points de vue avec ceux qui avaient le financement et le pouvoir. Depuis quelques années, les maires n’ont pas suffisamment de sous

L’ancien élu travailliste soutient l’explication de Jean Claude de l’Estrac. «Parmi les candidats, il y avait des médecins et des avocats. Maintenant, on tombe dans le populisme. On choisit des activistes qui ont rendu service aux partis politiques. Même pour le choix du maire, on se base sur l’appartenance ethnique au lieu de la capacité à gérer», déplore-t-il.

Système de rotation des chefs exécutifs

Amédée Darga, lui, utilise une autre expression. «Au lieu de compétence, les politiciens préfèrent donner un “bout” à un membre du parti.» Et avec la démotivation engendrée par le système de rotation des chefs exécutifs des municipalités, le résultat, dit-il, est que les mairies ont perdu leur rayonnement.

Le manque de volonté politique

<p>L&rsquo;ancien maire et également ex-rédacteur en chef de <em>l&rsquo;express</em>, Jean Claude de l&rsquo;Estrac, a vu venir le déclin des villes de 1998 à 2003. &laquo;<em>Le procureur Sooben</em>&raquo;, <em>&laquo;Qui a tué le M. maire&raquo;</em>, &laquo;<em>Et la ville devint un cimetière</em>&raquo; et &laquo;<em>La cité à la dérive</em>&raquo;. Ces quatre éditoriaux sont disponibles dans le livre <em>&laquo;Une idée de la nation.</em>&raquo; En somme, il met le mauvais fonctionnement de nos villes sur le dos des dirigeants.</p>

<p>Et tout récemment, la décision des deux derniers gouvernements de légiférer la <em>Landlord and Tenant Act </em>n&rsquo;ont pas arrangé les choses, analyse-t-il. &laquo;<em>C&rsquo;est pour cette raison que les bâtiments dans nos villes sont délabrés. Les propriétaires n&rsquo;arrivent pas à revoir leur loyer. C&rsquo;est malheureux que les gouvernements ont cédé sous la pression des commerçants. On aurait dû l&rsquo;appliquer après consultation entre les deux parties&raquo;</em>, dit-il.</p>

Sanjit Teelock: «Les conseillers ne savent pas utiliser leur pouvoir»

Sanjit Teelock, ancien conseiller au ministère des Administrations régionales.

Est-ce que le fonctionnement des municipalités a évolué depuis 1968 ?

Depuis la première loi de Laventure en 1962, il y a eu beaucoup d’évolution. Autrefois, il y avait des «board». Même Vacoas-Phoenix n’avait pas l’appellation de municipalité. C’était un «town council».

Les municipalités avaient plein pouvoir, même pour les recrutements, mais il y avait des abus. À Curepipe, par exemple, un mécanicien avait été recruté comme secrétaire. Les adversaires du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) qualifiaient les mairies bleues d’Écuries d’Augias.

Que s’est-il passé par la suite ?

Il y a eu le rapport de Puran Ganoo qui a présenté des recommandations. Il y avait trop de recrutements quand les mairies étaient sous le contrôle du PMSD. Cependant, après la cassure de la coalition PTr-PMSD, il y a eu beaucoup de tensions.

Le gouvernement avait nommé des commissions pour gérer les villes. Beaucoup de temps après, le Mouvement militant mauricien (MMM) a pris possession des trois villes d’alors.

C’était le début du changement ?

Après la cassure de 83, sir Anerood Jugnauth n’a pas voulu que le MMM ait trop de pouvoir dans les villes. Il avait mis sur pied la Local Government Services Commission pour empêcher son adversaire de recruter.

Il avait aussi créé la National Development Unit (NDU) pour permettre aux députés de son gouvernement de rentrer dans les villes qui étaientsous le contrôle des mauves. L’argent qui était destiné aux villes était versé à la NDU. Cependant, le MMM avaitde bons maires et la direction de ce parti veillait à ce qu’ils rapportent des résultats.

«L’idée était de permettre aux jeunes politiciens d’émerger,  malheureusement il n’y a pas eu de candidats de calibre.»

Certaines personnes affirment que l’amendement de la loi a restreint le pouvoir des maires...

C’est un mythe. C’est Paul Bérenger et le MMM qui font croire cela. Le ministre a un droit de regard sur quelques dossiers, mais les conseillers ont beaucoup de pouvoir qu’ils ne savent pas utiliser.

Par exemple, ils peuvent fixer les montants des licences, mais c’est le ministre qui doit «gazette» leur décision. D’ailleurs, c’est le gouvernement MMM/MSM qui avait enlevé les droits aux conseillers d’accorder des permis de développement.

Qu’en est-il de l’interdiction aux députés d’être des conseillers ?

Nous reconnaissons que ce n’est pas bien. Cela n’a pas marché comme prévu. Il est vrai qu’un député de l’opposition, également conseiller, aurait pu bien faire.

L’idée était de permettre aux jeunes politiciens d’émerger,  malheureusement il n’y a pas eu de candidats de calibre. C’est également la faute aux partis qui n’accordent pas grande importance aux qualités des candidats et aux mairies.

La une de l’express du 27 février 1968.

L’express parle également de la récolte de riz au Yémen, ce mardi 27 février. Armand Maudave s’est aussi rendu à Londres pour parler des conditions économiques et sociales de Maurice, lors une conférence organisée par l’université d’Oxford. Autre sujet abordé : la motion privée qu’allait présenter le député Marcel Mason au Parlement pour réduire les vacances d’hiver.