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Margaret Pan Sin: «Le réseautage et le mentorat pour aider les femmes entrepreneures»                        

7 mars 2018, 15:36

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Margaret Pan Sin: «Le réseautage et le mentorat pour aider les femmes entrepreneures»                        

Le chemin est encore long pour faire disparaître les préjugés face à la capacité des femmes à faire carrière dans le monde des affaires et à être des acteurs économiques à part entière. Mais les choses évoluent selon Margaret Pan Sin.

En tant que femme entrepreneure et ancienne présidente de l’Association Mauricienne des Femmes chefs d’entreprises (AMFCE), quel constat faites-vous de la situation des femmes entrepreneures à Maurice ?

Je dois dire qu’à ce jour, les femmes entrepreneures ont pris leurs assises. Mais il reste encore beaucoup de choses à faire pour améliorer leur situation. Si l’on parle de femmes entrepreneures qui opèrent dans le secteur formel, je pense qu’elles sont déjà bien établies dans leurs affaires. Elles savent déjà comment faire marcher leur business, font carrière dans leurs entreprises et font face à des défis comme tout entrepreneur qui se respecte. Mais le fait demeure qu’il n’y a toujours pas beaucoup de femmes business owners. De plus, leur rôle de femme entrepreneure est toujours associé à leur genre (gender based).

C’est-à-dire ?

Dans une société patriarcale comme la nôtre, la femme est toujours considérée comme une maman, une épouse, celle qui prend soin des aînés. Le type d’entrepreneuriat qu’elle pratique est en majeure partie calqué sur ce rôle. Cette mentalité est toujours présente et ne risque pas de changer de sitôt à cause de notre culture patriarcale. Il y a eu une certaine amélioration, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les mentalités évoluent.

Ce que vous dites fait écho à ce qu’a dit la ministre de l’Égalité du genre récemment. Elle disait que l’entrepreneuriat est une formule qui aide les femmes à remplir leur responsabilité familiale…

Ce raisonnement est toujours très ancré. Mais il faut que les femmes veuillent sortir de ce genre de rôle et se dire qu’elles peuvent tout aussi bien contribuer à l’économie et faire avancer la cause de la femme. En fin de compte, c’est toute la société qui doit se poser la question. À l’aube du 50e anniversaire de notre indépendance, il faut se demander à quelle société nous aspirons. Voulons-nous maintenir le statu quo ou arriver enfin à la parité ?

Comment trouvez-vous les différentes mesures mises en place au sein des institutions pour encourager les femmes à se mettre à leur propre compte ?

Il faudrait poser la question différemment. Il y a beaucoup de formations, de programmes d’accompagnement qui sont dispensés et mis à la disposition des femmes. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas de suivi ou de rapport pour venir évaluer et certifier que ces programmes ont été efficaces, s’ils ont réellement servi à augmenter la contribution des femmes à l’économie.

Qu’en est-il du contenu des cours ? Ces derniers tournent souvent autour de la couture, la cuisine et l’artisanat, mais on ne voit pas vraiment de formation autour du secteur des services ou d’autres secteurs émergents…

Ce sont des cours bien ancrés dans le gender role, car on a tendance à se dire que la femme a déjà les qualités et les compétences pour réussir dans ces domaines. Mais il y a beaucoup de femmes dans le secteur des services. Au niveau de l’association par exemple, il y a aussi beaucoup de femmes dans ce secteur. Car la femme a déjà les qualités du relationnel, d’une approche différente.

Au niveau des pays de la SADC, Maurice est le pire élève en matière de «gender pay gap», avec un écart de salaire entre hommes et femmes de 57 %. Qu’en pensez-vous ?

Cela nous renvoie une fois de plus à notre société patriarcale. L’homme a toujours été à l’avant. C’est dans les années 80 qu’on a apporté des changements aux lois pour que la femme ne soit plus considérée comme mineure mais comme épouse à part entière, pour qu’ensuite elle puisse percevoir son propre salaire sans devoir le donner à son mari. Nous voyons déjà qu’à la base, les hommes ont toujours été mis en avant dans le domaine éducatif et professionnel contrairement aux femmes. Ce qui fait que le jour où elle va travailler, on considère qu’elle n’a pas suffisamment de compétences pour avoir le salaire qui va avec.

Pourtant les choses ont grandement évolué. Chaque année, les filles surpassent les garçons au niveau des études, que ce soit à l’échelon primaire, secondaire ou tertiaire. Comment se fait-il que ce problème persiste au niveau professionnel ?

Il faut souligner que cet écart existe surtout dans le privé.Mais il faut bien comprendre que la femme a toutes les qualités pour siéger à des conseils d’administration et occuper des postes à responsabilité. Elles doivent être incluses à tous les niveaux pour le développement social et économique du pays. Je crois que ce serait dommage que le pays n’utilise pas toute cette force féminine. Il est intéressant de voir qu’au rayon des îles de l’océan Indien, plusieurs pays ont devancé Maurice, dont les Seychelles. Idem pour Rodrigues, où l’entrepreneuriat est largement dominé par les femmes.

Pensez-vous que l’entrepreneuriat soit la solution au problème d’écart de salaire pour les femmes ?

L’entrepreneuriat n’est pas LA solution, mais bien un moyen pour que la femme soit économiquement indépendante. En travaillant dans une entreprise, la femme est souvent considérée comme un simple contributive subject. Alors que si elle travaille à son propre compte, elle est bien plus apte à faire progresser son salaire selon ses besoins.

Et vous, en tant que femme entrepreneure, quels sont les tabous et les difficultés qu’il vous a fallu surmonter ?

J’avais deux enfants à l’époque où j’ai eu mon entreprise et un troisième est né durant mon parcours. Il m’a fallu beaucoup de sacrifices. Il faut rester concentré et faire de son mieux pour du quality time. L’autre difficulté est d’essayer d’avoir un équilibre, ce qui n’est pas toujours évident. Cela demande énormément d’efforts. J’ai également la chance d’avoir un époux mature et compréhensif, ouvert et éclairé.

Et que pourrait faire le secteur privé pour aider davantage les femmes entrepreneures ?

En ce qui concerne l’association, nous essayons de faire du coaching et du mentorat à l’intention des jeunes entrepreneurs. Nous pouvons partager notre expérience, raconter où nous avons failli tout en parlant de nos success stories. Le réseautage est un aspect très important en ce sens car il permet aux jeunes entrepreneurs d’avoir ce frottement.