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Rodrigues: un lever de drapeau dans la confusion
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Rodrigues: un lever de drapeau dans la confusion
12 mars 1968 ou 12 mars 1969 ? La question est sujette à polémique. Alfred North-Coombes, qui a écrit sur l’histoire de Rodrigues dans, notamment, «The Island of Rodrigues», maintient que les Rodriguais voulaient s’attacher à l’Angleterre. Donc, le jour de la cérémonie de lever du drapeau, le 12 mars 1968, des protestations se font entendre à Rodrigues. «Il était impossible de lever le drapeau à Rodrigues jusqu’au 12 mars 1969 (…) après une longue négociation de Jocelyn Forget, le magistrat de la ville», écrit-il.
En revanche, dans le livre, «sir Ben», feu Ben Gontran, figure emblématique de Rodrigues, affirme que le 12 mars 1969, il y a des désordres en ville. «Des gens venus de Port-Mathurin ne cachaient pas du tout leur intention d’empêcher la cérémonie de lever du drapeau.» Les Rodriguais ont l’intention d’exécuter l’ordre donné par Gaëtan Duval, 16 mois plus tôt, quand il a demandé aux Rodriguais de boycotter l’Indépendance, lit-on. Ben Gontran rappelle même que le 12 mars 1968, c’est un drapeau français que des manifestants hissent sur le toit d’un salon de coiffure.
Sandragassen Anthony est l’un des derniers témoins de mars 1968 toujours vivant. Âgé de 89 ans, l’habitant de Port-Mathurin est bien placé pour connaître cette partie de l’histoire. Ancien policier à la retraite, il était le photographe attitré de la force policière. Il maintient que le 12 mars 1968, il n’y a pas eu de grande cérémonie, comme initialement prévu. Le lever du drapeau a lieu sobrement, la nuit, en raison de manifestations. «La cérémonie officielle a eu lieu le même jour qu’à Maurice. Depuis ce jour, le drapeau a toujours flotté à Rodrigues», insiste-t-il. Dans sa maison à Port-Mathurin, il dépose fièrement quelques clichés originaux sur la table pour prouver qu’il était bien là. «Ce sont des photos de la cérémonie de lever du drapeau que j’ai prises moi-même.» L’on y aperçoit des scouts en avant-plan à côté de Jocelyn Forget, magistrat et commissaire civil à l’époque, lors d’une cérémonie du lever de drapeau. Le chef de la police, un certain Lubin, est présent. «Ces photos ont été prises le soir du 12 mars 1968», se remémore-t-il.
À part la date, le récit de Sandragassen Anthony corrobore avec celui de Ben Gontran «Le 12 mars 1968, j’étais au Port-Mathurin avec tous mes collègues policiers. Nous étions tendus, sachant qu’il y avait un risque de débordement. Mais il fallait préparer la cérémonie», raconte Sandragassen Anthony. Le déroulement de lever du drapeau doit se faire sur un court de tennis, à côté du poste de police de Port-Mathurin. Cet espace a laissé sa place au bloc administratif du gouvernement régional de Rodrigues. Les invités d’honneur sont présents. «Il y avait un groupe d’opposants à la cérémonie qui était massé non loin de là. Parmi eux, des partisans du PMSD.» Quelques manifestants essayent d’arracher le drapeau, mais en vain. l’express Lundi 12 mars 2018 . Port-Mathurin, chef-lieu de Rodrigues un jour de foire. Depuis peu, un marché moderne bien fréquenté est apparu. «On a dû utiliser du gaz lacrymogène pour disperser la foule. Il y avait aussi quelques arrestations. Mais on les a relâchés par la suite. Les invités étaient plutôt tristes devant la tournure de la situation.» Ses collègues ramènent le calme dans la ville en fin d’après-midi.
Pour sa part, ses supérieurs lui demandent de rester au poste jusqu’à tard. Et pendant la nuit, une cérémonie se tient en toute sobriété. «J’avais un vieil appareil photo en ma possession. C’était difficile de prendre de belles photos la nuit», se défend-il. Des photographes et des historiens font des clichés de cette cérémonie. Connaissant leur valeur historique, l’ancien photographe de la police les garde jalousement, dans un classeur, à l’abri de la poussière et de l’humidité.
Quand cendrillon était convoitée par les partis ntionaux
Il n’y a pas toujours eu l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR) ou le Mouvement rodriguais (MR), les deux partis qui dominent actuellement la scène politique à Rodrigues. Le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) d’abord et le Mouvement militant mauricien (MMM) ensuite ont convoité l’électorat de cette île, qui est la 21e circonscription.
En janvier 1966, lors des négociations pré-Indépendance, il est décidé que, pour les élections législatives, l’île Maurice serait divisée en 20 circonscriptions, avec trois représentants plus Rodrigues avec deux élus. Une décision prise par rapport au nombre d’habitants. Alfred North-Coombes explique dans son livre, The Island of Rodrigues, que le Parti travailliste, convaincu qu’il ne pourrait pas remporter les deux sièges de Rodrigues, n’aligne pas de candidat aux élections de 1967.
En revanche, le PMSD, sous le leadership de Gaëtan Duval, présente deux candidats : Guy Ollivry et un Rodriguais, Clement Roussety. Trois autres natifs sont également de la course : Bazile Allas, un maître d’école, Karl Elysée, et Max Lucchesi. Finalement, 96 % des 7 061 électeurs votent pour le PMSD.
Il n’y a pas que le parti dirigé par Gaëtan Duval. Le MMM est aussi intéressé par l’île. Paul Bérenger, le leader de ce parti, foule le sol rodriguais pour la première fois le 24 février 1975. L’objectif : «faire disparaître Duval de la scène politique rodriguaise», lit-on dans Passions politiques de Jean Claude de L’Estrac.
Finalement, les mauves n’alignent pas de candidat lors des élections de 1976. Le PMSD garde les deux sièges avec les élections de Cyril Guimbeau et de Nicol François. C’est pendant cette élection que Serge Clair (l’actuel chef commissaire) se porte candidat sous la bannière de l’OPR pour la première fois. Avec 34,04 % de votes, il prend la 3e place. Ce n’est que partie remise. En 1982, il est élu derrière France Félicité. Les deux candidats de l’OPR battent Gaëtan Duval, candidat dans la 21e circonscription. Après la défaite de 1987, le PMSD abandonne Rodrigues pour de bon.
Cette année-là est aussi marquée par la candidature d’un jeune homme, Nicolas Von-Mally, sous la bannière du Regroupement du peuple de Rodrigues, un parti créé par France Félicité, l’ancien ministre de l’OPR.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La scène politique est dominée par Nicolas Von-Mally et Serge Clair.
Une démographie qui évolue
Quand l’île Maurice accède à son Indépendance, la population rodriguaise est estimée à plus de 20 000. Selon Statistics Mauritius, elle est passée de 495 en 1851 à 40 434 en 2011. Ces habitants vivent sur une superficie de 110 km2.
Date Hommes Femmes Population
20 nov 1851 327 168 495
8 avr 1861 464 229 693
11 avr 1871 693 415 1 108
4 avr 1881 812 619 1 431
6 mar 1891 1 154 914 2 068
1er avr 1901 1 685 1 477 3 162
31 mar 1911 2 523 2 306 4 829
21 mai 1921 3 300 3 284 6 584
26 avr 1931 4 033 4 169 8 202
11 juin 1944 5 740 6 145 11 885
30 juin 1952 5 947 7 386 13 333
30 juin 1962 9 062 9 273 18 335
30 juin 1972 12 270 12 499 24 769
2 jul 1983 16 552 16 530 33 082
1 jul 1990 17 084 17 120 34 204
2 jul 2000 17 700 18 079 35 779
3 jul 2011 19 904 20 530 40 434
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