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Patrimoine: 50 ans de démolitions
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Patrimoine: 50 ans de démolitions
Il était une fois : «La School», l’ancien bâtiment du collège Royal, la boulangerie du Roy, le Merchant Navy Club, des fortifications navales dans des régions côtières. La semaine dernière : des vestiges du chemin de fer ont été découverts, à la promenade Roland Armand, à Rose-Hill, lors des fouilles. Autant de structures disparues. Avec à chaque fois, le même refrain : elles n’étaient pas classées patrimoine national. Donc pas protégées par la loi.
Il était une fois les dhobi, les «laboutik sinwa», l’utilisation de la «ros kari». Des traditions, une manière de vivre à la mauricienne à laquelle on dit byebye. Au nom de la modernité.
Comment en sommesnous arrivés là ? Philippe La Hausse de Lalouvière, ancien président du National Heritage Trust Fund, souligne qu’en 50 ans, les pertes en patrimoine immatériel sont «énormes». La faute à la «négligence des autorités». Il propose que pour les prochains 50 ans, «l’État définisse clairement son rôle dans la gestion du patrimoine et assume ses responsabilités».
Un changement radical de posture. «On ne peut pas développer en écrasant les vestiges du passé. La création de la richesse doit être sensible au social, à l’environnement.». D’où le rôle prépondérant du secteur privé, en la matière, souligne celui qui est aussi un adhérent de la Société de l’Histoire et est responsable de l’ONG Friends of the Environment.
Sur une note positive, Philippe La Hausse de Lalouvière reconnaît, qu’en 50 ans, «on a gagné la reconnaissance de l’identité mauricienne. On peut critiquer, dire qu’on n’en fait pas assez pour la sauvegardedu patrimoine, mais cette identité mauricienne n’existait pas à l’époque».
Sur le plan juridique, Philippe La Hausse de Lalouvière rappelle que la loi protégeant le patrimoine a été amendée plusieurs fois, «pour voir comment mieux gérer» cet héritage. Et Maurice a signé plusieurs conventions, notamment celles protégeant le patrimoine immatériel.
Pour sa part, l’historienne Vijaya Teelock retient le fait que nous sommes passés d’une époque où l’accent était mis sur «les monuments et les tombes», sur la «démocratisation» du patrimoine.
Par contre, ce que nous n’avons pas su préserver, ce sont les témoignages des personnalités marquantes de Maurice sur ces trésors. «Personne n’a pris la peine d’interviewer ces gens.» Résultat : aujourd’hui, on se fie aux sources qui souvent se trouvent en Grande-Bretagne. Or, souligne Vijaya Teelock, «l’histoire ne s’écrit pas qu’avec des documents officiels. Il faut aller vers des sources directes, écouter les témoins de l’Histoire». L’impossibilité de le faire vient du manque d’archives documentaires, notamment celles de la Mauritius Broadcasting Corporation qui ont partiellement disparu. «Tout cela dépend aussi de celui qui contrôle ces archives. On a tendance à négliger et à jeter ce qui paraît vieux», souligne l’historienne.
Vijaya Teelock a aussi été vice-présidente de la Commission Justice et Vérité. Elle rappelle que la commission avait recommandé la création d’un centre technique pour préserver les antiquités. «Un centre pour la formation de ceux chargés de conserver le patrimoine. On critique l’état des tableaux dans les musées, mais a-t-on formé des professionnels pour les restaurer ?» Cas concret qui saute aux yeux. Vijaya Teelock se demande s’il y a les compétences appropriées, au Mauritius Museums Council, pour la préservation des ossements du dodo. Son expérience lui a montré que, «souvent on recrute des bureaucrates alors que ce sont des muséologues à qu’il faudrait avoir recours».
Cadre légal
Avant la création du National Heritage Fund, le patrimoine relevait de l’Ancient Monuments Act (1944). La National Monuments Act arrive en 1985. La National Heritage Trust Fund Act est votée en 1998 avant d’être remplacée par la National Heritage Fund Act en 2003.
Nouveaux patrimoines
Quels sont les nouveaux arrivés sur la liste du patrimoine national ? Durant le court mandat de Dan Baboo au ministère des Arts et de la culture, il y a fait inscrire une dizaine de lieux de culte, ainsi que l’ex-Publico House, une imposante maison coloniale en état de décrépitude se trouvant à la rue St- George, à Port-Louis.
Rénovations qui s’éternisent
Il est des rénovations qui prennent tout leur temps pour se réaliser. Deux des victimes de l’usure du temps : le théâtre du Plaza à Rose-Hill et celui de Port-Louis. À Rose-Hill (le plus grand théâtre de Maurice) est fermé depuis 2004. La salle des fêtes et les locaux administratifs ont déjà retrouvé leur lustre d’antan. Le théâtre (troisième phase du projet de rénovation) attend toujours des fonds.
Transformation radicale
Un exemple de transformation radicale d’un vieux bâtiment : celui de l’ancienne prison centrale à Port-Louis ; Ces hauts murs de pierre se trouvent à côté du Renganaden Seeneevassen Building, à Port-Louis. Une partie des cellules a été transformée en bureaux pour le ministère des Arts et de la culture. Une autre partie des cellules – la prison des femmes – restée fermée pendant plusieurs décennies, avait été ouverte au public pendant le festival Porlwi by Light.
Liste potentielle
Comment une structure devient-elle patrimoine national ? Le National Heritage Fund a déjà établi un inventaire des sites et bâtiments potentiels. Cette liste, qui répertorie des structures pouvant être inscrits sur la liste du patrimoine par district, compte plus d’une centaine d’items. Ensuite, c’est le NHF qui doit lui-même enclencher les procédures d’inscription. Dans le cas d’un patrimoine appartenant à un propriétaire privé, s’il n’est pas d’accord, cela peut retarder ou faire échouer l’initiative.
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