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Kenny Emile: on n’est jamais mieux servi que par soi-même
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Kenny Emile: on n’est jamais mieux servi que par soi-même
Interrompre sa scolarité à un jeune âge ne fait pas obligatoirement de soi un raté. Kenny Emile en est la preuve. Ce quadragénaire, issu d’une famille très modeste de Roches-Bois, n’a pas étudié audelà du primaire. Malgré cela, il a su mener sa barque et est aujourd’hui propriétaire du Kenny Car Wash.
Bien qu’il y ait cinq à six stations de lavage de voitures dans cette localité périphérique de Port-Louis, le Kenny Car Wash est sans conteste le plus populaire. Kenny Emile, son propriétaire, compte parmi ses clients de nombreux particuliers, certes, mais aussi des compagnies et des corps parapublics. «Les gens savent que je suis méticuleux et exigeant. J’inspecte chaque véhicule lavé, qui a subi un toilettage, dont la carrosserie a été lustrée et si je trouve que le travail a été mal fait, même si le client est pressé, je le refais. Ce qui explique qu’en trois ans, je n’ai essuyé aucun reproche et que mes clients sont satisfaits et reviennent», déclare Kenny Emile.
Le Kenny Car Wash campe sur un terrain, à la route Cocoterie et seules trois des quatre extrémités sont exploitées. À l’entrée se trouve le coin hangar où trois voitures peuvent être lavées en simultanée. En face, dans un autre coin, trônent, une immense citerne d’eau d’une capacité de 9 000 litres et deux plus modestes de 1 000 litres chacune, histoire de ne pas être pris au dépourvu lors de coupures d’eau courante. Attenant, il y a un petit entrepôt où, à la fermeture, sont rangés les équipements et les produits nettoyants et où figurent aussi des toilettes et un évier au-dessus d’une pompe sécurisée. Et un peu plus loin, une table surmontée d’un immense parasol où Kenny Emile se pose, tout en ayant l’oeil à tout. L’espace au milieu est réservé aux véhicules qui attendent leur tour. Kenny Emile est l’aîné d’une famille très modeste qui compte six enfants. Son défunt père a longtemps travaillé comme mécanicien de la police alors que sa mère a pendant un temps été cuisinière dans un hôtel du Nord. Il a fréquenté l’École de la Salle, à Port-Louis, jusqu’en Standard VI mais ne pouvait se payer des leçons particulières. «À cette époque, ma mère n’avait pas encore trouvé du travail à l’hôtel. É bann léné ti bizin sakrifié pou bann tipti», précise-t-il, sans vouloir s’attarder sur cet épisode de sa vie.
À l’époque, il vivait chez son grandpère à la route Cocoterie. À la mort de ce dernier, sa mère le laisse vivre seul. «Mo ti éna 20 an ler mo mama donn mwa lakaz mo granper é li dir mwaki ler mo trap pwalon-la ki mo pou koné. Li ti lé mo pran mo sarz par momem.» Il doit alors décider s’il va s’égarer et mener une vie de patachon ou devenir responsable. «Mo ti bizin dzsidz ki mo lz vini. Ler lztan pasz, monn lz vinn enn dimounn responsab», raconte-t-il.
Il apprend la mécanique de son père et trouve de l’embauche auprès de trois différents employeurs. Il décide ensuite de puiser dans ses maigres économies et de s’acheter un camion pour opérer comme taxi carrier. Il transporte des marchandises, mais la concurrence est rude. L’idée d’ouvrir une station de lavage de voitures lui trotte en tête à chaque fois qu’il fait laver la sienne et il n’est jamais satisfait du résultat. «Ler bann travayer pé lav mo loto, mo oblizé dir zot fer si, pa bliyé fer sa ou bien sa finn mal fer. Mo répet momem ki si mo ouver enn car wash pou mwa, mo pou fer li dan mo manier.»
Une évaluation du capital nécessaire à la réalisation de son rêve se monte à Rs 350 000, argent dont il ne dispose pas. Il décide alors de vendre son camion et se fait aussi financièrement aider par un oncle pour compléter la somme. C’est ainsi qu’il trouve le terrain à la route Cocoterie, qu’il loue et qu’il aménage en conséquence.
Cela fait trois ans que Kenny Car Wash a ouvert ses portes. «Monn ouver li ar boukou difikilté mais par la grâce de Dieu, mo finn rési. Boukou personn pa finn krwar dan mwa. Mo mama mi mé léres dimounn ki ti bizin krwar pa ti krwar. Ler zot inn trouvé, zot inn sirpri.»
Si au début de ses opérations, il n’avait que cinq à six voitures à laver, aujourd’hui, il en a 25 à 30 par jour et il travaille sept jours sur sept (du lundi au vendredi, de 8 à 17 heures et le dimanche, de 8 heures à midi). Pour mener à bien son affaire, il donne de l’embauche à cinq personnes, dont le plus jeune a 23 ans. Parmi ses employés, il y a aussi une femme de 47 ans. En général, ce sont des personnes qui, comme lui, n’ont pu aller au bout de leur scolarité primaire. Il les a tous formés pour qu’ils offrent un service similaire au sien. «Monn rési parski travay ki mo fer sé enn travay ki fer dimounn satisfé. Mo fasilit lavi enn ta dimounn parski mo al rékiper zot loto a domisil, sirtou pou bann dimounn ki abit Roches-Bois ek Baie-du-Tombeau. Sé enn servis konplé ki mo ofer.»
La réussite des uns faisant toujours des jaloux, un matin, en ouvrant son CarWash, il découvre qu’une personne mal intentionnée a percé sa citerne de 9 000 litres d’eau. Il a dû la remplacer au coût de Rs 45 000. Un autre matin, il a eu la surprise de constater que la pompe desservant l’évier et les toilettes s’était envolée, de même que quatre tabourets en plastique et un vélo. Il a dû faire sécuriser la nouvelle pompe et racheter des fauteuils en plastique, qu’il met sous clé lorsqu’il ferme boutique.
L’autre difficulté à laquelle il fait face, c’est l’inconstance des employés. «La Mauritius Revenue Authority demande à ce que l’on enregistre les employés, mais dans le passé j’ai eu affaire à tant de gens pas sérieux qui venaient et repartaient aussi rapidement que cela a été difficile pour moi de le faire. Aujourd’hui, mes employés sont plus sérieux et ma situation est un peu plus stable.»
Grâce à son business, il a pu faire construire sa maison dans la cour de son défunt grandpère et il peut nourrir les siens, à savoir Francess, son épouse, et leurs quatre enfants, Ezékiel, 16 ans, guitariste qui fréquente l’atelier Mo’zar, Kenzel, 11 ans, qui s’intéresse particulièrement au business de son père, la petite Kerny, 13 ans, et Kimalyé, six ans. Kenny Emile caresse le rêve d’avoir une deuxième station de lavage de voitures dans une autre région de l’île. «Li ankor stad prozé.»
Il estime qu’une personne qui n’a pas été au bout de ses études ne sera pas forcément un raté. «Mo sort dan géto. Éna ti krwar mo pa ti pou rési. Ti krwar ki mo ti pou vinn enn vakabon. Mé monn fer bon zanfan, monn ékouté. A bann zénes ki pa finn rési terminn lékol mo anvi dir zot pa bes lébra. Si met séryé ek éna enn vizion, zot pou rési. Fodé pa zot les zot infliansé ar ladrog ek lot bétiz. Éna enn ta travay dan Moris pou bann dimounn ki lé travay…»
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