Publicité

Bilans financiers 2017: le sucre dans la mélasse

3 avril 2018, 23:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Bilans financiers 2017: le sucre dans la mélasse

Un goût amer. C’est ce qui ressort de la lecture des bilans financiers de nos producteurs de sucre pour la période se terminant au 31 décembre 2017. Ainsi, le sentiment qui se dégage en examinant les données fournies par Beau Vallon Ltée, Omnicane, Médine, Union Sugar Estates, Terra Mauricia, Alteo, ENL ou Constance La Gaieté, est que le sucre est dans la mélasse. Il y a du pain sur la planche pour le comité technique qui se penche sur les maux du sucre mauricien, sous la férule de Raj Makoond, Chief Executive Officer de Business Mauritius, et de Vishnou Gondeea, ex-secrétaire permanent au ministère de l’Agro-industrie.

Les bilans financiers respectifs de ces sociétés, publiés sur le site Web de la Bourse de Maurice, où leurs valeurs sont cotées, démontrent une baisse de revenus. Ce qui a, entre autres, contribué à plonger le bilan de l’ensemble du groupe dans lequel évolue la filière sucre. À l’origine de cette baisse de revenus, un seul facteur : les effets collatéraux de la fin du quota de la production du sucre dans les pays européens.

Les baisses de revenus pour la filière sucre se présentent comme suit, pour quatre des huit opérateurs mentionnés plus haut:

  • Beau Vallon: Rs 87 millions
  • Médine : Rs 51 millions
  • Union Sugar Estates: Rs 33 millions sur l’ensemble des opérations sucrières
  • Terra Mauricia : Rs 168 millions

Du côté d’Alteo, le rapport financier indique que les résultats du segment sucre ont été négativement affectés par les opérations limitées du groupe, en raison du manque de la disponibilité de sucre sur le marché kenyan et au prix auquel le sucre fabriqué à Maurice est vendu et qui ne cesse de baisser.

Au sein du groupe ENL, le prix en baisse auquel le sucre a été vendu a laissé des traces. «Les bénéfices opérationnels, est-il indiqué dans le rapport financier d’ENL Land, ont accusé une baisse de 32 %. C’est le résultat de la fermeture des hôtels Heritage et Veranda Paul et Virginie durant les trois premiers mois de l’année financière. En sus de cela, le prix en baisse du sucre et les récoltes désastreuses ont eu des conséquences sur les possibilités de réaliser des bénéfices.»

Variance négative

Certaines mesures ont certes été envisagées par le syndicat des sucres, de concert avec le Sugar Industry Fund Board (SIFB), dans le but de mitiger l’impact de la baisse du sucre sur les opérateurs locaux. Mais elles ont tout simplement contribué à limiter la casse.

Parmi ces mesures, on relève les avances faites aux producteurs et aux usiniers, par le biais de prêts que le syndicat des sucres a contractés auprès d’institutions financières et auprès du SIFB. Ce qui correspond à un chiffre de Rs 1 450 par tonne de sucre. Sur les recommandations du gouvernement, le SIFB a également accordé une compensation de Rs 1 250 par tonne de sucre. C’est ce qui a permis à des producteurs et à des usiniers de réaliser Rs 13 700 par tonne de sucre pour la récolte de 2017.

L’autre facteur qui peut potentiellement contribuer à empêcher le sucre de décoller concerne la variance qui peut être enregistrée au niveau de la canne à sucre, quand la plante est toujours en terre. Cela, dans le cadre d’un exercice de valorisation d’actifs liée à la notion de la juste valeur. Démarche qui permet, à un moment donné, d’effectuer la valeur de marché d’un produit en attendant sa transformation finale.

Dans les comptes d’Union Sugar Estates, par exemple, cette variance a été négative. Elle a été évaluée à Rs 69 millions. «La variance négative de Rs 69 millions dans le segment Agro résulte tout particulièrement de la réduction drastique du prix du sucre à Rs 12 450 par tonne, qui inclut également le soutien financier de Rs 1 450 par tonne suite à l’intervention du Syndicat des sucres.» La compagnie Beau Vallon Ltée, quant à elle, a enregistré une variance négative de Rs 91 millions.

Le sentiment qui prévaut actuellement dans les groupes disposant d’une filière de culture de la canne et de production du sucre a été répercuté dans un commentaire émanant du rapport financier de Terra Mauricia : «Nous sommes bien inquiets par rapport à l’avenir de l’industrie sucrière après la fin, en 2017, du quota de la production de sucre en Europe

«Nous sommes loin d’une situation où on pouvait attribuer l’origine des problèmes auxquels l’industrie sucrière est confrontée à un phénomène cyclique uniquement. Désormais, l’origine du problème est strictement d’ordre structurel. Des décisions courageuses doivent être envisagées sur le plan national face à une situation d’urgence dont la gestion mérite d’être traitée comme la priorité des priorités. Cela, dans le souci de conserver le niveau de compétitivité de cette industrie», continue Terra Mauricia.

Ce n’est pas la première fois que le secteur sucrier a dû faire face à une situation où le prix du sucre a considéra- blement baissé sur le marché européen et où sa compétitivité fait face à des risques de dégringolade. La réforme du régime sucrier en Europe, à compter du 1er juillet 2006, a débouché sur la mise en place, avec l’aide des Européens, de la Multi-Annual Adaptation Strategy, entre 2006 et 2015.

Marché ouvert

Les sociétés sucrières s’en sont bien sorties grâce à un vaste programme de diversification. D’ailleurs, dans leur rapport financier, deux opérateurs évoquent les bonnes perspectives de la diversification. Du côté de Beau Vallon Ltée, on souligne que «les résultats du programme de diversification se sont améliorés considérablement de Rs 15 millions, soit une hausse de 28 % l’année dernière». Chez Terra Mauricia, aussi bien que chez ENL Land par exemple, à l’exception de la filière sucre, on s’attend que les autres segments produisent les résultats escomptés en termes de perspective.

En 2006, la baisse était de 36 %. La donne était connue d’avance. Mais en 2017, c’est un autre scénario qui s’est manifesté. Le marché est à ciel ouvert. Il n’y a plus de filet de protection. Le sucre mauricien a dû se battre à pied d’égalité avec le sucre produit par des géants européens, asiatiques ou sud-américains.

Lors de sa première année sur le marché ouvert, le sucre mauricien y a laissé des plumes. Les résultats financiers, pour cette période, en témoignent….