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Chinese Business Chamber: «Nous ne nous sommes pas adaptés aux touristes chinois»

22 avril 2018, 23:55

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Chinese Business Chamber: «Nous ne nous sommes pas adaptés aux touristes chinois»

Quel bilan faites-vous des opérations de la Chinese Business Chamber (CBC) au bout de 20 ans d’existence ?

La Chambre a travaillé très vite pour se faire une place au sein du monde du business et à l’étranger, comme en Chine, vaste pays avec plusieurs régions. Nous avons signé 18 protocoles d’entente avec diverses organisations, pour la plupart chinoises, à Shanghai et Beijing entre autres. Cela concerne pratiquement tous les secteurs comme la construction ou encore l’agroalimentaire.

La Chambre n’est qu’un catalyseur, un intermédiaire qui permet de connecter businessmen locaux et étrangers, notamment de Chine, Malaisie, Singapour, La Réunion, les Seychelles et même en Afrique. Nous avons à ce jour plus de 300 membres.

Selon certains opérateurs locaux, Maurice n’est pas bien connu comme destination d’investissement en Asie. Qu’en pensez-vous ?

En effet, à ce jour, nous sommes davantage connus pour nos plages et les beaux hôtels. On n’est pas encore suffisamment connus comme une plateforme financière ou encore un pont pour entrer en Afrique. Il y a encore du travail à faire.

C’est la responsabilité de tout un chacun et la Chambre s’y met aussi. Nous organisons en moyenne deux à trois délégations sur l’Asie. Nous avons également écrit au ministère concerné afin de faire partie de la délégation qui va en Chine dans le cadre du projet d’accord de libre-échange car nous voulons en être une véritable partie prenante. Celle-ci est une excellente initiative.

 

«Les producteurs locaux gagneraient à faire de la valeur ajoutée sur leurs produits, à changer de créneau, à ne pas essayer de rivaliser avec la Chine dans le marché de masse.»

 

Justement, dites-nous en plus sur l’implication de la CBC dans les projets de coopération Chine-Maurice, comme l’accord de libre-échange ou encore la «Maritime Silk Road».

La Maritime Silk Road est très intéressante pour Maurice. La vraie route de la soie est terrestre, mais ce projet de route maritime devrait passer par Maurice vers l’Afrique. Cela placera le port de Maurice en forte position vis-à-vis du continent, un peu à la manière du port de Singapour pour l’Asie.

Nous avons eu une conférence sur le sujet avec le Charhar Institute, un des plus grands think tanks de la Chine, composé d’anciens ambassadeurs chinois à travers le monde. Nous avons beaucoup discuté du renforcement des liens entre la CBC et l’institut afin de resserrer les relations entre nos deux pays.

Comment cela aiderait-il vos membres dans le concret ?

Il n’y a pas de business sans diplomatie. Le Charhar Institute propose de créer des liens à travers la diplomatie et d’y greffer des opportunités d’affaires. Maurice peut facilement devenir un back-office pour les entreprises chinoises qui opèrent en Afrique, un peu à la manière de Jin Fei.

Il y a également un autre créneau que nous n’exploitons pas suffisamment. Il s’agit des investisseurs qui travaillent sur le continent et qui vont en vacances. Au lieu de perdre des heures de vol vers d’autres destinations, ils peuvent venir en vacances à Maurice, n’étant qu’entre 2 et 4 heures de vol de l’île.

«Maurice peut facilement devenir un back-office pour les entreprises chinoises qui opèrent en Afrique, un peu à la manière de Jin Fei.»

Comment expliquer la baisse des arrivées touristiques chinoises malgré toutes les relations économiques et diplomatiques que nous entretenons avec la Chine ?

Je pense que nos hôtels, mis à part peut-être le Club Med, ne sont pas très adaptés aux touristes chinois. Nous sommes pour l’heure très axés sur les touristes européens. Nous sommes trop restés figés sur un certain type de clientèle sans nous adapter aux touristes chinois.

Alors que pour les Européens, les vacances riment surtout avec repos et détente, les Chinois aiment explorer de nouveaux endroits, aller prendre des photos dans des lieux idylliques. Niveau culinaire, bien qu’ils ne soient pas contre les saveurs exotiques, ils aiment tout de même retrouver un peu de leur cuisine dans les pays qu’ils visitent.

Il y a aussi la barrière de la langue. Les touristes chinois aiment avoir un guide efficace qui parle leur langue. Je pense également que les centres commerciaux dans nos villes doivent tous faire l’effort d’avoir au moins un membre de leur personnel qui sache au minimum les accueillir en mandarin.

 S’agissant de la connectivité aérienne, s’il n’y a pas de long-courrier qui dessert le marché chinois, cela posera problème.

Le ministère des Affaires étrangères souhaite rééquilibrer la balance commerciale Chine-Maurice à travers l’accord de libre-échange. Pouvons-nous aspirer à nous faire une place sur un marché aussi vaste ?

Cela demandera du temps. La Chine est un marché différent de ce qu’on connaît, c’est-à-dire le marché européen. Le marché chinois demande beaucoup plus de compréhension de sa culture avant de s’y attaquer.

L’accord avec la Chine aidera à éliminer des difficultés que nous avions pour accéder au marché chinois jusqu’ici. C’était tellement protectionniste dans le passé que pratiquement aucune entreprise mauricienne n’avait la chance d’y pénétrer en raison de nombreuses barrières non tarifaires. L’accord devrait résoudre ce problème.

Il y a un gros potentiel pour nos produits artisanaux et qui n’existent pas en Chine, comme des produits à valeur ajoutée tels que le rhum ou les sucres spéciaux. Le marché est énorme. La Chine compte plus de 300 millions de consommateurs au-dessus de la classe moyenne. Il suffirait qu’on s’y engouffre avec un seul produit pour en profiter. De plus l’accord pourrait faire baisser davantage le prix des produits importés de Chine.

 

«Les centres commerciaux dans nos villes doivent tous faire l’effort d’avoir au moins un membre de leur personnel qui sache au minimum les accueillir en mandarin.»

 

Qu’en est-il des producteurs locaux qui craignent d’être encore plus désavantagés face aux importations asiatiques ?

Les producteurs locaux gagneraient à faire de la valeur ajoutée sur leurs produits, à changer de créneau, à ne pas essayer de rivaliser avec la Chine dans le marché de masse. On sera incapables de battre les Chinois sur les denrées de base et la quantité. Mais on pourrait se démarquer sur des produits à valeur ajoutée et le haut de gamme.