Publicité

Olivier Beroud: «Maurice a une très bonne note vu la petite taille de son économie»

26 avril 2018, 01:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Olivier Beroud: «Maurice a une très bonne note vu la petite taille de son économie»

Peut-on d’abord, dans une démarche pédagogique, définir une agence de notation et, accessoirement, une notation ? 

Les agences de notation sont, pour les plus importantes, des entreprises privées à buts lucratifs. Elles réunissent des effectifs importants d’analystes financiers (plusieurs milliers répartis partout dans le monde) spécialisés dans l’évaluation du risque de crédit. Le risque de crédit est le risque qu’un(e) débiteur/trice ne puisse pas ou ne veuille pas rembourser la dette qu’il/elle a contractée. 

Pour pouvoir exprimer ce risque de façon universelle, ces agences ont créé des échelles de notation allant de AAA pour le profil de risques les plus bas, soit le meilleur des risques, jusqu’à C pour les risques les moins bons, les plus élevés (pour lesquels on n’est pas remboursé ou on est confronté à un défaut de l’emprunteur).  

«Techniquement, la notation est l’expression d’une probabilité de défaut sur une période allant jusqu’à 5-7 ans environ.» 

La notation est donc l’expression de ce risque de crédit/défaut en un symbole facile à comprendre et à comparer. Techniquement donc, la notation est l’expression d’une probabilité de défaut sur une période allant jusqu’à 5-7 ans environ. Les agences de crédit telles que Moody’s, S&P ou Fitch, pour ne citer que les plus grandes, publient de la recherche pour expliquer leurs conclusions, leurs méthodes et leurs critères. 

Dans quelle mesure la notation d’un pays est différente de celle d’une entreprise ? 

Les notations de pays ou d’entreprises sont exprimées par la même symbologie (AAA, A, BBB etc.) et sur une même échelle de notation. Elles sont donc comparables et, dans ce sens, utiles aux investisseurs qui peuvent, grâce à cette approche, faire des comparaisons entre des emprunteurs ayant des profils très différents mais des risques similaires. Une entreprise peut être notée au même niveau qu’un pays, par exemple, indiquant que le risque pris par l’investisseur est similaire en termes de probabilité de défaut.  

Là où les notations des entreprises et États diffèrent, par contre, c’est dans la méthode utilisée pour arriver à la note, la façon de les analyser. Les facteurs de notation vont être très différents, bien sûr. Pour un pays, les facteurs macroéconomiques sont prédominants. En revanche, pour une entreprise, l’analyse financière et la microéconomie sont plus importantes. Les agences de notation publient leurs méthodologies spécifiques pour noter ces différents emprunteurs, ce qui permet aux investisseurs de comprendre les critères utilisés. 

Quels sont les critères qui sont pris en considération quand un analyste de Moody’s accorde une note ?  

Tout dépend du secteur d’activités de l’entité qui est notée. Pour prendre l’exemple d’un pays, il est utile de se référer aux piliers principaux des facteurs de la notation souveraine. Il faut se rappeler que la notation exprime la capacité d’un pays à rembourser sa dette. Il s’agit donc d’un exercice pratique et très focalisé sur quelques éléments clés. Dans le cas de Moody’s, par exemple, les facteurs clés sont (1) la santé économique du pays, (2) la résilience des institutions (dans lesquelles sont inclus les indices d’efficacité, de corruption, etc.), (3) la capacité du pays à établir et à collecter l’impôt et (4) le risque de chocs exogènes ou internes. Chacun de ces critères est développé et est techniquement complexe. Dans l’ensemble, néanmoins, un pays reçoit une note qui reflète la taille et l’efficacité de son économie, la transparence de ses organes politiques et judiciaires, et son attitude vis-à-vis des emprunts et de la dette. 

Une entreprise paie cher pour être notée. Quels sont les avantages qu’elle peut tirer d’une notation ?  

Une notation est en général obtenue par une entreprise dès lors que celle-ci a le projet d’emprunter sur le marché international des obligations. La notation est un facteur clé de communication avec les investisseurs potentiels. Avoir accès à de tels capitaux à long terme à des taux favorables peut devenir un avantage concurrentiel majeur pour une entreprise. En effet, cela peut lui permettre de mieux gérer sa liquidité ou de baisser le coût de sa dette. Dans ce contexte, le coût de la notation n’est pas en réalité un frein à l’accès aux marchés des capitaux. 

Pour un pays, c’est la note souveraine qui est accordée principalement pour mesurer les risques de non remboursement de ses dettes. Comment échapper à l’interprétation politique qu’on peut donner à cette notation ?  

Cela peut arriver, en effet, que la note d’un pays devienne un enjeu politique. Cela ne mène souvent pas à grand-chose car les agences ont l’habitude de rester ferme face aux pressions qui peuvent être exercées, même par un État courroucé.  

«Maurice a accès aux marchés de capitaux internationaux et peut emprunter sur le long terme à des taux compétitifs.» 

À mon avis, il vaut bien mieux prendre la notation pour ce qu’elle est : un moyen d’accéder aux marchés financiers, et s’en tenir à cette ligne. Par exemple, la France et la Grande-Bretagne ont été sujettes à des baisses de notes dans le passé. Cela n’a pas affecté leur capacité à accéder aux marchés ni le coût de leur dette outre mesure. Il vaut mieux dédramatiser. Souvent, pourtant, les agences sont prises à partie et utilisées à des fins plus politiques, ce qui n’est pas leur rôle. 

Maurice est noté par Moody’s d’un Baa1. Quels sont les champs d’amélioration pour monter d’un cran et améliorer cette note ?  

Ça c’est toujours une des questions que se posent les émetteurs, bien sûr. Dans la logique des facteurs exposés précédemment, une amélioration dans un ou plusieurs de ces domaines peut amener à une note plus élevée, sur le moyen ou long terme. Par exemple, une plus grande diversification de l’économie ou une réduction du niveau de la dette par rapport au PIB du pays. 

Cela étant dit, et de mon point de vue extérieur, quand je considère l’analyse faite par Moody’s de la qualité de crédit de Maurice en tant qu’emprunteur sur les marchés internationaux, je suis frappé par le fait que le pays a une très bonne note au vu de la petite taille de son économie. C’est l’évidence même lorsqu’on considère d’autres pays ayant une note similaire.  

Par exemple, Maurice a une note équivalente à celle de l’Espagne, de la Thaïlande, supérieure à celle de Panama ou de l’Italie, et ce pour un pays de 1,3 million d’habitants seulement. Il s’agit donc d’une performance remarquable. D’ailleurs, l’analyse de Moody’s signale la grande qualité de ses institutions. Encore une fois, vu la taille du pays, c’est la preuve que la stratégie de diversification et d’ouverture de l’économie est payante, tout au moins en termes de notation. En pratique, cela veut dire que Maurice a accès aux marchés de capitaux internationaux et peut emprunter sur le long terme à des taux compétitifs, ce qui est favorable au développement économique et humain du pays. 

Pourquoi existe-t-il des variations au niveau des indicateurs (croissance économique) dans un rapport d’une agence de notation, que ce soit Moody’s ou autre, et ce comparé à d’autres institutions d’État, comme Statistics Mauritius ou la Banque de Maurice, si on prend le cas de Maurice. Est-ce une question de méthodologie ?  

J’aurais du mal à aborder cette question sans faire une analyse plus poussée des différences que vous soulevez, mais il me semble en effet que votre explication est la plus probable. Les agences ont tendance à ajuster les données pour les rendre plus comparables, ce qui est compréhensible puisque le but de la notation est d’offrir une échelle où le risque est exprimé de façon constante. Cela est utile aux investisseurs, qui peuvent grâce à cette approche faire des comparaisons entre des emprunteurs ayant des profils très différents mais des risques similaires. 

«Maurice a une note équivalente à celle de l’Espagne, de la Thaïlande, supérieure à celle de Panama ou de l’Italie, et ce pour un pays de 1,3 million d’habitants seulement.»