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Médias mauriciens: qui possède quoi ?
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Médias mauriciens: qui possède quoi ?
Voici pour la première fois, une enquête sur ceux qui détiennent le 4e pouvoir, la presse. L'objectif en ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse n'est pas de semer la zizanie entre confrères. Nous avons choisi simplement de pas ignorer la menace de l'argent et du capital sur la censure et la liberté des journalistes. A l'ère des fake news, des faux sites d'information, des journaux payés par le pouvoir, il était important de briser ce tabou. Nous expliquons dans cet article que chaque lecteur a le devoir de savoir où va l'argent que génère sa lecture.
Le graphique que nous vous proposons ici est quasi exhaustif. Quasi, puisque nous prenons le parti, au profit de la lisibilité, de ne pas y inclure certains titres moins connus et moins répandus. Quasi aussi, puisqu’il n’est pas toujours possible de connaître les compagnies propriétaires et/ou sociétés éditrices des publications.
Méthodologie : Nous nous sommes appuyés sur les noms qui apparaissent sur les factures des journaux et sites web ou les fiches de paie de leurs journalistes pour en identifier l’entité sociétale quand celle-ci n’est pas citée dans le journal ou le site web. À partir de là, les informations officielles au «Registrar of Companies» nous ont guidés de fil en aiguille jusqu’aux actionnaires. Il est à noter que certaines compagnies présentent différents types d’actions. Devant l’impossibilité d’identifier les «voting shares», nous avons suivi le fil des actions ayant le plus de valeur capitale.
Nouveaux médias indépendants des actionnaires ?
<figure class="image"><img alt="" height="275" src="/sites/lexpress/files/images/edwyb.jpg" width="183" />
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<p>C’est le pari tenté par le site français d’information «<em>Mediapart»,</em> en 2008. Prônant <em>une «radicalité démocratique»</em>, Edwy Plenel , ancien rédacteur en chef du journal «Le Monde», lance le site web dont le contenu est réservé aux abonnés payants. L’objectif, c’est de faire tourner le site uniquement avec l’argent des abonnés. Ainsi, «ne devant rien à personne», la société produirait de l’information complètement libre. Plusieurs courants s’opposent aujourd’hui encore sur la «réelle indépendance» de «<em>Mediapart</em>», car le site est tout de même détenu par la Société Editrice de Mediapart, qui appartient à des actionnaires. Au-delà d’avoir déjoué tous les pronostics en se transformant en un site d’informations payant et rentable, «Mediapart», après avoir fait éclater les affaires Cahuzac, Woerth-Bettencourt ou encore Sarkozy-Khadafi, s’impose aussi comme le journal d’investigation de référence. Plus récemment, en Belgique, un trimestriel d’enquêtes se présentant comme le fruit d’une coopérative reliant journalistes et lecteurs a vu le jour. Proposant des parts à € 20 à qui veut en acheter, «<em>Médor</em>» veut être le symbole d’une presse libre, où les lecteurs sont les actionnaires et donc les décideurs. «<em>Médor»</em> se vante aussi de réaliser tout son magazine avec des logiciels libres.</p>
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Les structures internes pour empêcher la mainmise du capital
<p>La tendance mondiale dans les grandes rédactions tourne autour du principe que «la bonne foi ne suffit pas». Ainsi, au-delà de la confiance du lecteur et des journalistes dans la direction éditoriale et ainsi de son indépendance hermétique, certains journaux ont mis en place des mécanismes comme un «<em>pôle indépendance»,</em> comité de journalistes censé veiller à la totale indépendance de la rédaction ou encore l’interdiction formelle et écrite des actionnaires d’essayer d’entrer en contact avec les journalistes.</p>
<h2>Quand La Sentinelle se fait éjecter de Radio One</h2>
<p> En 2012, dix ans après avoir cofondé Radio One et en avoir fait la première radio privée de l’île, La Sentinelle, détentrice de 19,9 % d’actions (c’est le maximum que peut détenir, selon la loi, tout groupe de presse ou ses associés dans une radio) au sein de Viva Voce (l’entité légale et sociétale de Radio One), voit son Management Contract être résilié par une majorité du conseil d’administration, à la suite d’une série de mouvements d’actions entre les autres actionnaires. Dans un accord entre le board de Viva Voce et La Sentinelle, cette dernière vend ses actions, annule un procès intenté à Viva Voce pour rupture de contrat et obtient parallèlement le retrait des compagnies de Dawood Rawat de La Sentinelle, où elles avaient pu se procurer un peu plus de 12 % d’actions en deux ans.</p>
L’affaire Bolloré - crédit mutuel
<figure class="image"><img alt="" height="230" src="/sites/lexpress/files/images/special-investigation-s-arrete-aussi_width1024_1.jpg" width="306" />
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<p> En 2015, trois journalistes, auteurs d’une enquête pour l’émission Spécial Investigation sur Canal+, dénoncent Vincent Bolloré, l’actionnaire principal de la chaîne. Ils l’accusent d’avoir appelé le directeur de Canal+ pour déprogrammer leur sujet qui dénonçait un système d’évasion fiscale au sein de Crédit Mutuel. L’argument des journalistes : Vincent Bolloré et Michel Lucas, alors patrons du Crédit Mutuel, sont de très bons amis.</p>
Précision de Rabin Bhujun, Managing Editor de ION News
<h3>«Lecture erronée»</h3>
<p>La partie consacrée à ION News dans votre article et infographie «Qui détient les Médias ?» parus dans l’édition de <em>l’express</em> de ce 3 mai est inexacte.</p>
<p>Une analyse des informations pouvant être consultées au Registrar of Companies ne peut conduire qu’à une seule conclusion : trois actionnaires détiennent le capital d’ION News dans les proportions suivantes : Ventures AA Ltd, 95 actions (45,9%) ; Rabin Bhujun, 56 actions (27,05%) ; et Rogers Corporate Services Ltd, 56 actions (27,05%). Une lecture erronée, l’absence de vérification auprès du Registrar of Companies et une<strong> «méthodologie»</strong> peu fiable vous ont amené à faire une différence entre les «ordinary shares» et ceux simplement qualifiés de «ordinary». Or, contrairement à votre interprétation, les deux types d’actions sont les mêmes. Dans votre article, vous déplorez le possible <em>«emprisonnement de la presse sur le terrain de l’argent</em>». C’est peut-être le cas ailleurs mais pas chez ION News dont le management et la direction éditoriale sont sous la responsabilité directe et exclusive du journaliste qui a co-fondé l’entreprise.</p>
<p>Je vous prie de bien vouloir publier cette mise au point afin d’éclairer convenablement votre audience. </p>
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<p><strong>Notre réponse:</strong></p>
<h3>«Différence de valeur»</h3>
<p>S’il est exact qu’au Registrar of Companies que les actions type «ordinary» et «ordinary shares» sont les mêmes, notre article précisait clairement que «devant l’impossibilité d’identifier les “voting shares”, nous avons suivi le fil des actions ayant le plus de valeur capitale». Car, qu’on l’admette ou pas, il y a bien une différence dans les deux types d’actions selon le Registrar of Companies: une (grosse) différence de valeur que M. Bhujun ne précise pas. L’une est évaluée à Rs 1 000 (100 pour Rs 100 000), l’autre à Rs 98 130, soit 107 pour Rs 10 500 000 – voir capture d’écran. Suivre le fil des actions qui coûtent <strong><u>10 fois plus cher</u></strong> est une décision éditoriale expliquée aux lecteurs dans le même article et que nous assumons. </p>
<figure class="image"><img alt="" height="154" src="/sites/lexpress/files/images/capture_decran_reponse.jpg" width="972" />
<figcaption>Capture d'écran du fichier de Indian Ocean Network News Ltd au Registrar of Companies. Les deux types d'actions "Ordinary" et "Ordinary Shares" n'ont certainement pas la même valeur.</figcaption>
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<p>Notre article fait effectivement mention de «l’emprisonnement de la presse sur le terrain de l’argent» comme une «possibilité» et un «risque». Aucun média, ni ION news, ni aucun autre, n’a été ciblé par cette phrase précise. Nous avons simplement mais rigoureusement reproduit les données du Registrar à propos de pas moins de 11 journaux/groupes de presse/radios/sites d’information. Personne d’autre ne conteste notre infographie et/ou notre méthodologie.</p>
<p>Axcel Chenney</p>
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