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Grande première depuis 35 ans: une Mauricienne dans un cinéma en Arabie Saoudite

6 mai 2018, 22:00

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Grande première depuis 35 ans: une Mauricienne dans un cinéma en Arabie Saoudite

C’est le début du week-end. Le trajet de sa résidence jusqu’au quartier financier «King Abdullah», dans la capitale Riyad, est surréel. Sameera Damaree, une Mauricienne de 33 ans, est en route avec son époux, pour aller voir Avengers - la guerre de l’infini, au cinéma.

L’enseignante qui a suivi son mari Lutfur Amin Ali, un enseignant britannique, en Arabie Saoudite, il y a cinq ans, se fait tout un film. Comme d’autres habitants du royaume, cinéphiles ou pas, le couple a pu s’offrir des billets afin de profiter de ce divertissement interdit dans ce pays ultraconservateur durant ces 35 dernières années.

«Vous pouvez imaginer la joie et l’excitation de la cinéphile que je suis, à l’annonce de la réouverture d’un cinéma à Riyad. J’ai été d’autant plus enthousiaste quand j’ai appris que le tant attendu Avengers - la guerre de l’infini allait être projeté», confie Sameera, contactée via Internet.

Elle se remémore ces instants «inoubliables». «À notre arrivée au cinéma, nos sacs ont été inspectés et nous sommes passés par le détecteur de métaux. Cette formalité terminée, nous avons été accueillis par une équipe chaleureuse et souriante, celle du géant américain AMC Cinéma (NdlR, qui a décroché le premier permis pour exploiter les salles).»

Quelques rafraîchissements plus tard, direction la salle obscure. Sièges en cuir chics et confortables. En bonus, une table rétractable pour repas et boisson. Cette ancienne salle de concert symphonique, qui peut contenir 500 personnes, a été transformée pour accueillir des familles et des enfants de plus de 12 ans. Salle comble ce soir-là. «Mieux encore, les hommes et les femmes ne sont pas séparés. Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des lieux publics en Arabie Saoudite», poursuit notre interlocutrice.

Avant la projection, un pamphlet décrivant le protocole à respecter pendant chaque séance ainsi que le code vestimentaire à adopter – en ligne avec les valeurs culturelles du pays – est distribué.

Le film va commencer. En prélude, une publicité promotionnelle sur l’historique du cinéma en Arabie Saoudite. S’ensuit une autre réclame, cette fois-ci montrant des femmes au volant.

Bien entendu, il ne faut pas se faire d’illusion. Comme dans la plupart des pays arabes, ce film ainsi que d’autres sont soumis avant projection à la censure, pour gommer les scènes de sexe, de religion et de politique. Les trois grands tabous.

Quoi qu’il en soit, le retour du septième art en Arabie Saoudite a été rendu possible grâce à Mohammed Ben Salman. Depuis deux ans, le prince héritier de 33 ans, fils du roi Salman, a pris l’engagement, avec sa Vision 2030, de renouer avec un islam «modéré, tolérant, ouvert sur le monde et sur toutes les autres religions». C’est ainsi que les pouvoirs de la police religieuse ont été réduits, que les femmes peuvent aspirer à un permis de conduire et que les défilés de mode ainsi des concerts sont aujourd’hui permis.

Alors que l’Arabie Saoudite vit des réformes et des progrès considerables, Sameera et son époux feront eux, leurs adieux à ce pays avant la fin de l’année. Si sa famille, originaire du Bangladesh, réside en Angleterre depuis 2001, Sameera et son époux, qui se sont connus à travers une agence matrimoniale en ligne, poseront leurs valises à Maurice. Le couple rejoindra l’enseignement privé dans un établissement situé dans le Nord.

«J’ai hâte de rentrer et retrouver ma famille élargie», fait ressortir celle qui dit avoir une pensée pour ses grands-parents Shabeer et Farida Damaree, qui les ont soutenus avec leur amour et leurs prières.

Chez nous, Sameera et son mari écriront une autre scène de leur vie. Et pourront se rendre au cinéma, à loisir…