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Budget national 2018-2019 : Maurice doit mettre au propre sa stratégie africaine i
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Budget national 2018-2019 : Maurice doit mettre au propre sa stratégie africaine i
Cela fait plusieurs années que Maurice entend mieux capitaliser sur les opportunités qu’offre le continent africain. Mais selon les opérateurs, les choses ne bougent pas assez vite ni de manière efficace.
Raison pour laquelle la plupart des grandes associations du secteur privé ont demandé un toilettage de notre stratégie africaine dans leur mémoire budgétaire 2018-19. Certains, à l’instar de la Mauritius Export Association (MEXA), ont choisi de prendre le taureau par les cornes en construisant leur propre unité de stockage en Tanzanie. Zoom sur les enjeux.
Embûches africaines et faiblesses mauriciennes
54 états, 54 régimes politiques, 54 marchés distincts. Les observateurs et opérateurs n’ont de cesse de le dire : il est impossible, voire suicidaire, de se lancer dans l’aventure africaine en adoptant un «one size fits all approach». «Si l’on ne fait pas son homework, on aura des difficultés. Avoir la vision est un début, mais il faut par la suite dégager un plan d’action clair. Le travail de recherche en amont est un aspect déterminant et le due diligence sur le terrain l’est encore plus. Sans recherche approfondie du marché, aucune stratégie marketing et opérationnelle ne marchera», explique Afsar Ebrahim, Deputy Group Managing Partner au sein du groupe BDO et cofondateur de l’Africa Business Club.
Beas Cheekhooree, président de la MEXA et directeur de la Mauritius Chemical and Fertilizer Industry (MCFI), abonde dans le même sens. La principale difficulté des opérateurs sur le terrain concerne selon lui, le paiement, notamment pour des ventes à crédit. «Il est impératif de bien choisir ses clients avant d’offrir une ligne de crédit. Au cas contraire, vous courrez le risque de ne jamais récupérer votre paiement.»
Cela peut être évité si l’opérateur travaille avec des clients internationaux approuvés par la Trade Credit Insurance. Les instruments bancaires pour le paiement sont également restreints, selon Beas Cheekhooree. «Par exemple, une ligne de crédit peut être obtenue uniquement si elle est garantie par un cash collateral», déplore-t-il.
Il faut ajouter à cela un problème d’accès aux devises étrangères, comme le dollar, dans certains pays africains et des barrières non-tarifaires. Ce qui explique en partie pourquoi il demeure difficile pour Maurice de profiter pleinement des opportunités qu’offrent les marchés du COMESA et de la SADC, dont le pays fait pourtant partie depuis des années.
De plus, le secteur manufacturier mauricien n’est pour l’heure pas suffisamment élaboré pour desservir les différents marchés africains, explique Beas Cheekhooree. «Nous n’avons pas une large gamme de produits à proposer et c’est cela qu’il faudrait développer.» Citant l’exemple du textile, notre interlocuteur soutient que seul le marché sud-africain a vraisemblablement été exploité. Quant aux autres marchés avoisinants, ceux-ci n’ont pas été suffisamment explorés.
Quid des nombreuses foires organisées sur le continent par la défunte Enterprise Mauritius (EM - absorbée par l’Economic Development Board - EDB - depuis janvier 2018) ? «Nous avons toujours eu quelques différends avec Enterprise Mauritius (EM) sur la stratégie à adopter pour la tenue des foires. Nous pensons qu’il aurait fallu avoir plus de concertation entre les opérateurs et EM en ce sens. Une relation que nous souhaitons développer avec l’EDB», explique le président de la MEXA. Dans son mémoire budgétaire, l’association soutient d’ailleurs que l’organisation des foires n’a pas été efficace. Ce qui fait dire à Beas Cheekhooree que l’heure est venue d’apporter plus de cohérence, d’efficience et de ciblage dans notre approche vis-à-vis du continent.
Zones économiques spéciales et Continental Free Trade Area : des «game changers» ?
Ces deux initiatives sont les projets phares sur lesquels table le gouvernement pour permettre au pays de se positionner sur le continent. Mais est-ce suffisant ? Au dire d’Afsar Ebrahim, ces projets devraient aider à booster le commerce, mais tout n’est pas gagné pour autant. «La compétitivité dépend surtout du fret et de la capacité de transporter les marchandises vers les marchés. Le simple fait d’acheminer des marchandises d’un port à l’autre est déjà compliqué. Reste par la suite à les transporter à l’intérieur des terres, ce qui n’est pas une mince affaire.»
Maurice ne doit pas sous-estimer la forte compétition qui règne déjà sur certains marchés, des États africains y ont déjà des opérateurs dominants. Il parle également de notre faiblesse par rapport à l’économie d’échelle.
Beas Cheekhooree salue pour sa part la création des zones économiques spéciales (ZES). «C’est une bonne stratégie qui s’inscrit surtout sur le long terme.» Les industriels devraient emboîter le pas et exploiter le potentiel de ce type de projets.
Business Mauritius salue également la création de ZES au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. «Un pas positif», qui devrait rendre Maurice plus attrayant vis-à-vis des investisseurs qui pourront utiliser le pays comme plateforme pour investir sur le continent. Raison pour laquelle l’association souhaite que le gouvernement étende cette initiative vers d’autres secteurs comme le retail, les marchés corporate, incluant à la fois le secteur bancaire et financier.
Les ZES sont des projets de développement industriel nés d’accords G2G (government to government) entre Maurice et les pays africains mentionnées plus haut. Le Continental Free Trade Area est un accord signé par 44 pays pour la création d’un marché africain unique. L’accord a été signé par les pays membres de l’Union africaine, dont Maurice, le 21 mars de cette année.
Maigre investissement étranger du continent
Outre la manufacture, l’attraction d’investissement du continent demeure aussi problématique. Sur les Rs 17,4 milliards d’investissements directs étrangers captés en 2017, seulement Rs 2,2 milliards provenaient de l’Afrique.
Pour Afsar Ebrahim, cela s’explique par l’étroitesse du marché local qui n’est pas très attrayant pour les potentiels investisseurs africains. «Pourquoi investir dans un marché plus petit que son propre marché ?» Nous avons toutefois plusieurs investisseurs malgaches et sud-africains dans le secteur immobilier, rappelle-t-il, une tendance qui devrait perdurer.
Le secteur financier demeure l’un des principaux secteurs qui attirent l’investissement africain. Il cite à ce propos l’exemple de Bank One, où BDO était impliqué dans sa création. «Ceci est un parfait exemple de réussite impliquant à la fois I&M Bank Kenya et le groupe CIEL. Un bon modèle qui n’a pas vraiment été répliqué par d’autres.»
Autre grosse transaction qui a attiré l’investissement africain : le rachat des actions de BRITAM par le défunt groupe BAI.
Par ailleurs, ceux à avoir percé sur le continent sont le TPC du groupe Alteo en Tanzanie, le groupe MCB, CIEL ou encore Eclosia à Madagascar, entre autres. Afsar Ebrahim cite aussi l’exemple de la firme sud-africaine GRIT, qui est à la fois listée sur la Bourse de Johannesburg et celle de Maurice. «Nous devons davantage encourager ce type de listing. La Bourse de Maurice fait son travail à son niveau mais les opérateurs doivent faire leur part.»
Afsar Ebrahim ajoute que le gouvernement apportera son soutien aux bonnes initiatives et que la balle est dans le camp des opérateurs qui doivent innover, tout en étant plus osés dans leur approche.
La MCB propose la création d’un Africa Bureau
Entièrement consacré au continent africain, le dernier MCB Focus du groupe bancaire propose une série de mesures pour dépoussiérer notre stratégie africaine. À commencer par une réorganisation de l’Africa Centre of Excellence. La MCB propose en effet de transformer cette entité qui opérait sous le Board of Investment en Africa Bureau. Ce centre est une plateforme de documentation et de facilitation des affaires sur les marchés africains destinés aux opérateurs souhaitant investir sur le continent.
Pour la MCB, cette plateforme pourrait faire plus. Dans la pratique, l’Africa Bureau devrait consolider la disponibilité et la diffusion de l’information sur le climat des affaires des différents pays africains et assister les potentiels investisseurs de manière stratégique lors de leur implantation tout en les aidant à identifier les marchés appropriés pour leurs affaires. Il s’agirait également pour l’Africa Bureau d’entretenir «de solides relations avec les autorités les plus importantes de certains pays africains ainsi que des partenaires stratégiques africains et asiatiques. L’objectif est de concrétiser des projets conjoints, soutenus par des collaborations appropriées sur des domaines d’activités communs et la création de joint -ventures avec des opérateurs locaux» soutient Gilbert Gnany, Chief Strategy Officer de la MCB et auteur du MCB Focus.
MEXA : la construction d’un centre d’entreposage en Tanzanie en juin 2018
<p>Accélérer la pénétration du marché africain en étant sur le terrain. Tel est l’objectif du projet de construction d’un centre d’entreposage en Tanzanie. La construction est prévue pour juin cette année. «<em>À travers la Tanzanie, nous souhaitons atteindre les pays avoisinants comme la Zambie, le Kenya, le Burundi et le Mozambique, ce qui représente un marché de consommation de 104 millions de personnes</em>», explique la MEXA dans son mémoire budgétaire.</p>
<p>La stratégie adoptée par l’association s’articule autour d’un «comptoir du commerce» sous la forme d’un «Mauritius Warehouse». Objectif : vendre le produit à partir du continent sur le continent, à l’opposé de l’approche actuelle qui consiste à essayer de pénétrer les marchés africains à partir de Maurice. Ce qui, selon la MEXA, expliquerait le faible taux de pénétration des exportations mauriciennes sur les marchés régionaux couverts par la SADC et le COMESA, par exemple.</p>
<p><em>«Le projet ne sera pas seulement un entrepôt mais servira également à mettre en avant les produits mauriciens. Il se concentrera sur l’importation de produits de la part des manufacturiers locaux et des pourvoyeurs de service dans l’optique de devenir un grossiste pour les clients de la Tanzanie</em>», explique la MEXA. Ce projet servira également de centre de distribution pour les pays mentionnés plus haut. Beas Cheekhooree ajoute que cette initiative devrait bénéficier aux petites et moyennes entreprises. La MEXA travaille d’ailleurs avec l’Association of Mauritian Manufacturers pour la mise en place d’une stratégie commune. La MEXA propose par ailleurs une série de mesures pour permettre aux entreprises locales de mieux capitaliser sur les marchés africains. Parmi, le développement d’une <em>Comprehensive Regional Export Strategy </em>destinée aux PME et aux entreprises centrées sur le marché local qui commencent à exporter.</p>
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