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Marjaana Sall: «Le problème d’approvisionnement en thon, c’est l’affaire des armateurs européens et des entrepreneurs mauriciens»
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Marjaana Sall: «Le problème d’approvisionnement en thon, c’est l’affaire des armateurs européens et des entrepreneurs mauriciens»
Critiquée pour sa position face au mode d’opération des armateurs sous pavillon communautaire, l’Union européenne – par la voix de sa représentante dans la région – situe son rôle dans la question d’approvisionnement de thons des opérateurs mauriciens et seychellois.
Les bateaux de pêche sous pavillon communautaire pêchent leur quota plus vite que les autres, entraînant un risque de rupture d’approvisionnement des usines de transformation tant à Maurice qu’aux Seychelles. Qu’a entrepris l’Union européenne (UE) pour remédier à ce problème ?
Les services de la Commission européenne à Bruxelles et moi-même avons rencontré plusieurs fois les représentants de la Mauritius Export Association (MEXA) au cours de 2017. Le sujet a été discuté à plusieurs reprises. Le principe d’une limitation annuelle tel que prévu par les limites de capture préconisées par la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI) n’impose pas d’obligation à étaler les activités de pêche sur toute une année pour les grands migrateurs, parmi les- quels le thon. Certaines flottes peuvent adopter cette posture si elle s’avère profitable par rapport à leurs stratégies de pêche, leurs coûts d’exploitation, aux marchés ou aux contrats, qu’elles peuvent conclure. Un thonier-senneur à quai pendant deux mois constitue une lourde perte pour un armateur
D’ailleurs, il n’y a pas de quotas à la CTOI mais des plafonds de capture. Nous œuvrons pour mettre en œuvre les principes de la Politique communautaire des pêches, qui s’articulent autour d’une pêche durable et responsable, du respect des limites biologiques pour la survie des stocks et d’une alimentation saine pour les consommateurs européens.
La perception de ces échanges entre la Commission européenne, vous-même et les représentants de la MEXA est qu’ils peinent, parfois, à donner les résultats escomptés dans les délais souhaités. L’UE a-t-elle pris la mesure de l’impact économique du mode de fonctionnement des armateurs dans la région?
En tant que partenaires privilégiés ayant un intérêt pour le développement économique de Maurice et des Seychelles, nous comprenons les impacts économiques générés par les armateurs dans la gestion de leurs quotas. C’est dans cet esprit de concertation que, dans l’agenda de chaque visite d’un haut représentant de l’UE, une rencontre avec les opérateurs privés, la MEXA et les organisations de pêcheurs artisanaux est prévue.
Lors de la visite du directeur général des Affaires maritimes et de la pêche, João Aguiar-Machado, à Maurice, en mai, les membres de la MEXA ont pu faire part de leurs inquiétudes concernant les ruptures d’approvisionnement pour 2018. João Aguiar-Machado a été très attentif aux inquiétudes des opérateurs. Il s’est engagé à étudier la possibilité de favoriser un dialogue réunissant les parties concernées. À ce jour, les services à Bruxelles travaillent sur des propositions d’axes de concertation entre acteurs de la filière.
Qu’est-ce qui empêche l’UE d’intervenir ou de prendre des sanctions contre les bateaux de pêche qui, volontairement, refusent d’étaler la prise de leur quota sur l’année ? Ils créent un risque de rupture d’approvisionnement des usines de transformation de la région.
Il n’existe pas de cadre juridique contraignant, dans la Politique communautaire des pêches ou les textes de la CTOI, pour étaler sur l’année la pêche de grands migrateurs, comme les thons tropicaux, dans la gestion des limites des captures.
Faut-il alors déduire que le problème d’approvisionnement n’est pas l’affaire de l’UE ?
Le problème d’approvisionnement que connaissent les entreprises de transformation est, avant tout, un problème entre les armateurs européens et les entrepreneurs mauriciens ou seychellois. À ce titre, nous encourageons les armateurs européens et les industries de transformation à dialoguer afin que les intérêts de chaque partie soient préservés et qu’une action concertée globale au niveau de la filière soit convenue.
L’intervention de l’UE se situe donc au niveau des produits transformés ?
Les produits transformés dans les usines de Maurice et des Seychelles à partir de thons pêchés par les flottes de l’UE et celles de vos pays bénéficient d’une exemption totale de taxes à l’importation en Europe. Pour les produits de la pêche, l’exemption totale est liée au pavillon du bateau, pas à l’usine. Si du thon est pêché par des pays tiers comme la Chine, l’Indonésie ou la Thaïlande, les importateurs devront payer les droits de douane respectifs en dehors des 8 000 tonnes prévues dans la dérogation automatique. C’est la raison pour laquelle l’origine des produits doit être contrôlée afin de garantir leur provenance.
Ce qui présuppose qu’il y ait des frontières que l’UE ne peut pas franchir ?
Il y a des domaines tels que les prix où nous ne pouvons intervenir. Il existe une différence importante entre le prix des thonidés dans l’océan Indien, l’Asie et le Pacifique. C’est la raison pour laquelle les enjeux commerciaux à titre privé entrent en ligne de compte.
Que se passe-t-il en cas de violation des règlements des pêches ?
Si l’UE parvenait à mettre en évidence des infractions au règlement des pêches ou à découvrir des pratiques illicites conduisant à des sanctions, nous inviterions l’État du pavillon à agir en conséquence.
Imaginons un cas de figure où les acheteurs locaux ne peuvent pas trouver la quantité de thons requise dans la région. Quelles conditions doivent-ils honorer pour s’approvisionner sur d’autres marchés ?
Il existe différentes possibilités qui sont toutes clairement énoncées dans les Accords de partenariat économique (APE) intérimaire entre la Communauté des États d’Afrique orientale et australe (ESA) et l’UE. Il y a d’abord la dérogation automatique entre les trois pays pêcheurs que sont Maurice, Madagascar et les Seychelles pour un stock-tampon de 8 000 tonnes. Il s’agit d’une sorte de réserve destinée aux trois États insulaires quand l’un d’entre eux n’utilise pas tout son quota.
Une deuxième disposition consiste en la dérogation aux règles d’origine. Elle permet de s’approvisionner dans d’autres régions régies par des APE.
Suit une troisième disposition, intitulée cumulation des règles d’origine, qui autorise les apports extérieurs sur la base d’accords bilatéraux. Cependant, ce n’est pas l’UE seule qui décide de l’octroi de ces dérogations. Une telle dérogation est obtenue dans le cadre du Comité de coopération douanière et après avis favorable de tous les États-membres de l’UE.
Y a-t-il des restrictions associées à la liberté accordée aux acheteurs de thons à Maurice ou aux Seychelles ?
Ils peuvent s’approvisionner là où ils le souhaitent. Ils peuvent même exporter ce thon, acheté sur les marchés extérieurs, vers l’UE. Par contre, ils ne peuvent pas exporter le thon acheté sur d’autres marchés et bénéficier des préférences douanières prévues dans l’Accord de partenariat économique. Ces dernières existent pour donner la préférence aux signataires des accords, à savoir Maurice, les Seychelles et les pays de l’UE. Si les acheteurs de thon locaux exportent vers les pays de l’UE un produit acheté auprès d’un pays tiers, les importateurs européens devront payer le droit de douane correspondant au statut de ce pays tiers aux yeux de l’UE.
La possibilité de bénéficier du droit zéro correspondant au thon originaire de Maurice et Seychelles est donc exclue. C’est une évidence que nous œuvrons en concertation avec toutes les parties prenantes afin de rechercher les solutions qui ont un impact positif sur les économies des pays dans lesquelles notre coopération se veut exemplaire comme c’est le cas de Maurice ou des Seychelles.
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