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Budget 2018-19: des chiffres et des questions

29 juin 2018, 03:30

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Budget 2018-19: des chiffres et des questions

La polémique n’est pas nouvelle. Elle occupe l’espace médiatique depuis quelque temps. Lundi 25 juin, elle a pris une nouvelle tournure au Parlement, quand le leader mauve, Paul Bérenger, a accusé formellement le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, d’avoir utilisé des astuces pour maquiller les chiffres de certains indicateurs macroéconomiques, dont la dette publique. Et aussi d’avoir manipulé d’autres, comme la croissance économique et le déficit budgétaire.

Lors des débats budgétaires, Paul Bérenger s’est référé à ses propres calculs pour clouer au pilori le Grand argentier sur la gestion de la dette publique. En faisant appel à des Special Purpose Vehicles ou carrément à des entreprises d’État comme la State Bank of Mauritius et Mauritius Telecom pour emprunter sur le marché financier étranger, nommément dans le cas du Metro Express et du projet Safe City, le ministre des Finances n’a fait, selon Paul Bérenger, que camoufler les chiffres réels de la dette publique.

«Le gouvernement a approuvé ces deux prêts, ce qui doit techniquement être comptabilisé dans la dette publique. Ce qu’il n’a pas fait», affirme l’économiste Azad Jeetun.

Une analyse partagée par Anthony Leung Shing, Senior Partner chez PricewaterhouseCoopers, dans ses commentaires sur le troisième Budget de Pravind Jugnauth.

Définition modifiée de la dette publique

Comme Paul Bérenger et d’autres observateurs économiques, il reproche au gouvernement le fait qu’il s’agisse de prêts approuvés par ce dernier mais qui ne sont pas comptabilisés dans la dette publique du pays. Laquelle dette devrait être ramenée de 64,8 % du produit intérieur brut (PIB) en juin 2017, à 63,4 % du PIB à la fin de cette année fiscale, selon les projections budgétaires de 2018-19. Ce qui fait dire à Anthony Leung Shing que cette pratique (off «balance sheet financing) signifie nécessairement que certaines dettes ne sont pas reconnues officiellement et masquent le niveau réel d’endettement du pays.

Sushil Khushiram, économiste et ex-ministre des Services financiers et du développement économique, rappelle, dans un article qu’il signe dans l’express du mercredi 27 juin, que l’objectif statutaire de 50 % du PIB, selon le Public Debt Management Act de 2008, a été raté en 2013 et qu’un premier amendement apporté à cette loi avait repoussé cette échéance à 2018. «Un nouveau amendement intervenu l’année dernière a changé la définition locale de la dette publique pour la remplacer par celle qui est internationale alors que l’objectif est passé à 60 % du PIB, et ce, à la fin de juin 2021.»

Approbation du FMI et de la Banque mondiale

Pravind Jugnauth ne l’entend pas de cette oreille et n’a pas tardé à riposter. Il a cité la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), ces institutions ne trouvant rien à dire sur ces prêts étrangers et leur impact sur la dette publique. Idem pour Moody’s. Mieux, il trouve qu’il crédibilise ses chiffres, voire ses projections.

Le ministre des Finances cite le FMI, qui avait tablé sur un taux de croissance de 4 % en 2018, pour passer à 4,1 % en 2019. Dans le dernier exercice budgétaire, le Grand argentier a projeté une croissance de 4,1 % pour l’année fiscale 2018-19, comparée à 3,9 % en 2017-18.

Quant au déficit budgétaire ramené à 3,2 % du PIB à l’issue de l’année fiscale 2018-19, Paul Bérenger n’y croit pas car il devrait dépasser les 5 % du PIB malgré les donations et autres aides financières. Eric Ng pousse, lui, le bouchon plus loin. Il soutient que Pravind Jugnauth a pu ramener le déficit à 3,2 %, notamment en raison des économies qu’il a faites au niveau du budget courant. Sur une enveloppe de Rs 15,5 milliards, dit-il, le ministre des Finances n’a utilisé que Rs 8,8 milliards. Résultat des courses : le déficit budgétaire a pu être maintenu à 3,2 % du PIB à la fin de juin 2018.