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Éric Milazar: «Parfois, je suis comme un politicien»
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Éric Milazar: «Parfois, je suis comme un politicien»
Le 12 juillet 2000, Éric Milazar devient champion d’Afrique sur 400 m, à Alger. Aujourd’hui, il entraîne les jeunes. Il élude les questions qui fâchent. Reste positif, discret, dans sa bulle, sa passion. Sa bête noire cependant : le téléphone portable !
18 an, ça vous évoque quoi ?
Je suis majeur ! (rires)
C’est tout ?
Beaucoup de choses, en fait. C’est comme si c’était hier. Je me rappelle de la course en entier, la façon dont j’ai couru et les adversaires, là-bas, qui étaient redoutables. Surtout qu’il y avait un enfant du pays. Mais j’ai pu faire face, avec plus d’expérience qu’eux.
Et ça a été parti pour trois années…
Consécutives, 2000, 2002, 2004. J’en suis fier parce qu’à aujourd’hui, personne en Afrique n’a répété cela, même dans d’autres disciplines de l’athlétisme.
Après vous, Buckland et ces autres grands noms, l’athlétisme est-il resté figé ?
Non… (réfléchit, hésite) J’ai connu la génération avant moi, qui était costaud aussi. Après, ma génération est arrivée et maintenant ça commence à venir. Moi-même pour arriver, j’ai pris une dizaine d’années. Pour l’instant, il y a des jeunes qui montent, il faut donner son temps au temps.
Des jeunes de quel âge ?
14-15 ans.
Cela fait un sacré gap générationnel entre 43 ans, votre âge, et 14-15 ans !
Les athlètes ont accompli des choses. Surtout au lancer. Mais oui, à la course, il y a un gap, ça viendra, ce n’est pas alarmant.
Vous aimez toujours autant le foot ?
Oui, je suis un fan de Manchester United. J’étais pour l’Angleterre au Mondial. Dommage… Mais la demi-finale c’est déjà bien. J’avais prédit une finale 100 % européenne et cela a été le cas.
Que pensez-vous de ces débats sur l’équipe de France, si ce sont des Africains, des Français ?
Une équipe c’est une équipe. Ils sont nés là-bas. Ce sont des footballeurs, point. La France a colonisé beaucoup de pays. Dont Maurice. J’ai passé une bonne partie de ma carrière en France, en Italie, plus qu’en Afrique. Depuis 1997, jusqu’à ce que j’arrête, en 2011. J’ai aussi été basé au Sénégal mais avec une bourse et un coach français, le «papa» qui est là, (il montre une photo sur le mur de Jacques Dudal, avec écrit «merci papa»), un Français venu me découvrir à Rodrigues.
S’il n’y avait pas l’Europe pour organiser des compétitions à haut niveau… tous mes records battus c’était là-bas. En Afrique, il n’y a pas beaucoup de compétitions de haut niveau.
«Le sport doit primer dans le préprimaire. Si les enfants ont compris, les parents vont suivre.»
Même si vous êtes champion d’Afrique !
(Rires). À part ce championnat, des petits meetings au niveau africain, peu de monde sportif y vient. Peut-être en raison des moyens mais aussi parce que pour déplacer les gens de l’extérieur c’est un peu compliqué, avec les problèmes de visas. L’Europe est accessible.
Comment expliquez-vous que beaucoup de Rodriguais soient de bons sportifs ?
Oui, il y en a beaucoup, même dans la présélection des Jeux des îles. On marche beaucoup là-bas. Les Rodriguais sont nés bien bâtis. La nourriture peut-être, aussi joue un rôle, ils mangent moins de riz, plus naturel qu’à Maurice, tout est frais. Un entraîneur rodriguais m’a dit «nous, on mange des poulets qui courent, on fait du sport» !
Aux Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI), vous avez été médaillé d’or. Côte-d’Or, vous croyez que ce sera livré à temps ?
(Gros soupir) Je suis dans la préparation de l’athlétisme. Je m’occupe des sprinters, filles et garçons. Tout ce qu’il y a autour, cela ne m’intéresse pas. Tout ce qui compte, c’est que les athlètes se sentent bien, s’entraînent, aient toutes les facilités pour être bien dans leur peau.
Et ils les ont toutes ces facilités ?
Oui. Le ministère de la Jeunesse et des sports a mis des choses en place…
Vous travaillez pour le ministère, vous n’allez pas dire le contraire !
(Rires) Non. Le ministère et la fédération ont mis des choses en place. Avec le lancement hier des 365 jours (NdlR, jeudi, le carnaval sportif pour le compte à rebours des JIOI), je pense qu’ils vont mettre le paquet. Un an ça passe vite, déjà que 18 ans, c’est comme si c’était hier !
L’affaire d’attouchement sur Jessika Rosun impliquant Kaysee Teeroovengadum revient sur le tapis…
(Il fait un geste de la main pour chasser la question, mais avec le sourire…)
Avez-vous rencontré ce problème de machisme dans le sport ?
À ma connaissance jamais.
Vous ne l’avez pas subi, c’est normal, vous n’êtes pas une fille !
Je n’ai pas vu ça dans ma carrière. Aussi, j’étais tellement dans ma bulle, je faisais ce que j’avais à faire et je ne m’occupais pas de ce qu’il y avait autour.
Stéphan Buckland voulait faire une association après ces Jeux du Commonweath, pour les athlètes. Vous n’avez pas voulu le suivre ?
Non.
Vous paraissez bien différents…
Je suis plus posé, plus humble.
Vous ne faites pas partie des artistes et sportifs «plaigné», vous ?
Non. Le sport, c’est des sacrifices, ça forge à la vie.
Ça fait quoi d’être aimé de tout le monde ?
C’est bien ! (rires) J’aborde tout le monde, tout le monde m’aborde facilement. Ce n’est pas moi qui fais que je suis populaire, c’est le public.
Quelle est la différence entre un sportif et un politicien ?
Il n’y a pas grande différence. Je trouve que des fois que je suis politicien. Je suis obligé de parler à tout le monde, je ne veux pas passer sans dire bonjour ou ne pas faire un sourire en réponse à quelqu’un. Le politicien pareil, il est sur le terrain.
Depuis que vous entraînez les jeunes, avez-vous noté un changement chez eux ?
Il y a une différence. Maurice n’était pas prêt à accueillir la nouvelle technologie : le portable. Maintenant les jeunes ne veulent pas bouger, ils veulent aller sur Internet, les jeux, juste le portable, le truc facile. Certains, cependant, s’y mettent vraiment et voient l’importance de faire du sport. Mais il faut qu’on éduque nos enfants dès la maternelle. Le sport doit primer dans le préprimaire. Si les enfants ont compris, les parents vont suivre.
Vous en voulez toujours aux moustiques ?
Oui ! Parce que dans ma tête, j’étais prêt, avant d’attraper le chikungunya, en 2006. Cela allait être mon quatrième championnat d’Afrique et on l’accueillait à Maurice. Ça m’a bousculé dans ma carrière parce que j’étais bien, en forme. J’ai dû batailler pour remonter et me retrouver dans l’équipe des Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Cela a duré presque trois ans avant que je ne retrouve mon niveau.
Quand un athlète est au top de sa forme, il faut toujours faire attention, il y a toujours un petit hic qui peut surgir. Il va avoir la grippe, la fièvre, va se cogner. Il y a quelque chose qui attire toujours les problèmes quand vous êtes en forme.
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