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Grève de la faim: l’autodestruction à petit feu

25 juillet 2018, 01:30

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Grève de la faim: l’autodestruction à petit feu

Impuissants face à ceux qui détiennent les rênes du pouvoir, nombreux sont ceux qui brandissent, ces temps-ci, la menace d’une grève de la faim pour faire pencher la balance de leur côté. Durant ces dernières semaines, plusieurs personnes ont entamé une grève de la faim.

Une telle action ne consiste pas seulement à se placer dans un endroit stratégique et dire qu’on arrête de s’alimenter en aliments solides. Faire une grève de la faim, quand elle est respectée sur la durée, peut avoir des conséquences très graves. Il s’agit d’un acte d’autodestruction, soit un long calvaire pouvant mener à la mort.

«Théoriquement, un adulte de 70 kg, qui est bien portant, a suffisamment de réserves pour tenir entre 70 et 80 jours. Chez les obèses, des durées de plus de 100 jours ne sont pas rares. Toutefois, dans la pratique, lors d’une grève de la faim, les décès peuvent survenir plus tôt, soit autour du 40e jour, suite à l’apparition de complications», explique le Fariis Rujubali, médecin généraliste.

Ainsi, dit-il, les effets sur le métabolisme vont dépendre des conditions de santé de l’individu. «Un gréviste maigre au départ, et souffrant déjà de problèmes de santé, aura des problèmes plus rapidement que d’autres personnes. Des complications importantes vont survenir comme une perte de poids de 18 % et la situation deviendra critique quand la perte atteindra les 40 % ou un Body mass Index (BMI) de 12kg/m2.»

Le Dr Fariis Rujubali d’ajouter : «Quand on parle de grève de la faim, il s’agit de l’absence de toute nourriture mais avec des apports liquidiens. Une grève de la soif n’est tenable qu’une semaine au maximum.» C’est pourquoi la consommation d’eau durant une grève de la faim est essentielle. «Il faut un apport de 1,5 à 2 litres par jour. La sensation de soif a tendance à disparaître durant la grève et il devient de plus en plus difficile de respecter cette quantité.»

L’éventualité d’une perfusion en cas d’incapacité à boire suffisamment doit être discutée dès le début de la grève avec la personne concernée. «Outre l’eau, il convient également de s’assurer un apport en sel, soit 1,5g dilué dans l’eau. Un apport plus élevé peut entraîner des complications», explique le Dr Rujubali.

Notre corps n’est pas comme un véhicule sans carburant qui s’éteindrait d’un coup. Pendant une grève de la faim, il fera tout pour essayer de survivre. Il cherchera d’abord de l’énergie dans le sucre stocké dans l’organisme. Une fois ces réserves épuisées, il va se tourner vers les stocks de graisse puis enfin vers les cellules musculaires et les organes. «Trois phases importantes sont observées durant une grève de la faim», souligne le médecin.

La première phase

«Durant la première phase, qui se produit entre le 1er et le 3e jour de la grève, l’organisme épuise ses réserves en glucose. Cela s’accompagne d’une perte de poids importante et rapide, due principalement à une perte d’eau et de sel», dit le Dr Rujubali, avant de souligner que «pendant la première semaine, le gréviste va ressentir une faim douloureuse et souffrira de crampes d’estomac, mais en général, il pourra se déplacer normalement».

La 2e phase

La deuxième phase est la plus longue puisqu’elle peut durer plus de deux semaines. «L’organisme va mettre en place des mécanismes d’adaptation et va puiser l’énergie à partir des graisses stockées et des cellules musculaires. La durée de cette adaptation va dépendre de l’importance des réserves graisseuses du gréviste. Toutefois, l’amaigrissement sera plus lent. Si une fonte des tissus gras est observée, une atrophie musculaire survient également. Le métabolisme baisse de 15% et il y a également une baisse du débit cardiaque et de la tension artérielle. À ce stade, le cerveau qui ne consomme d’ordinaire que du glucose, va se montrer capable d’utiliser les corps cétoniques, produits générés par le foie à partir de la dégradation des acides gras. Dans cette phase, le gréviste de la faim diabétique aura des problèmes de santé plus tôt que les autres.»

Pendant cette 2e phase qui peut s’étendre à partir du 10e au 30e jour de la grève de la faim, la personne souffrira d’une sensation de faiblesse, aura froid et connaîtra une certaine anxiété. La diminution de sa force musculaire peut entraîner des vertiges, des chutes et des migraines. Le gréviste aura une perte de concentration. Il pourra éprouver des difficultés à lire et souffrira également de constipation, de douleurs abdominales et de hoquets. Il ressentira une fatigue croissante et éprouvera des difficultés à communiquer. Insomnies et tristesse compléteront ce tableau.

La 3e phase

«Après un mois de grève, la personne sera franchement malade», explique le médecin. Durant cette phase de jeûne prolongé, l’organisme va tenter de limiter le recours aux protéines en enclenchant la production de glucose par les reins, mais ce mécanisme d’adaptation ne tiendra pas longtemps et la personne entrera dans une phase terminale menant au décès.

Durant cette phase, le gréviste ne pourra plus se déplacer. Grabataire et apathique, sa peau sera squameuse. Il souffrira de jaunisse et de vomissements et sa respiration sera ralentie. Il souffrira également d’hémorragies des gencives et du tube digestif, de troubles de comportement, d’une baisse de l’audition et de l’acuité visuelle.

C’est durant cette phase que les complications surviennent habituellement. Elles peuvent toutefois survenir plus tôt si la personne souffre d’une maladie dont elle n’est pas consciente. Les dégâts durant cette phase sont parfois irréversibles. Parmi les complications pouvant apparaître, on note une altération de la fonction rénale, des convulsions et du délire.

À noter que des manifestations dépressives peuvent mener à des positions politiques extrêmes, qui le renforceront dans son désir de poursuite de la grève.

La phase terminale

Elle peut commencer dès le 40e jour de grève de la faim. «Elle s’accompagne de confusion, de somnolence. À ce stade, les choses vont très vite. Le gréviste pourra, à n’importe quel moment, entrer dans le coma. Le tout peut entraîner la mort en quelques heures», déclare le docteur.

Que se passe-t-il après la grève ?

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		<figcaption>Dr Rujubali</figcaption>
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<p><em>&laquo;L&rsquo;ancien gréviste entrera dans une période de convalescence dont la durée dépendra de la durée de sa grève. Cela variera de quelques jours, si la grève a duré une semaine, à des mois pour une période de grève plus longue. On ne se remet pas facilement d&rsquo;une grève de la faim. La personne ne pourra pas reprendre une vie normale. Elle subira des séquelles, surtout si les reins ont été affectés. Il faudra, entre autres, reprendre l&rsquo;alimentation petit à petit. Le gréviste ne peut pas sortir de sa grève et immédiatement aller manger un briyani, par exemple, car il risque d&rsquo;en mourir. Il faudra commencer par une alimentation semi-liquide et progressivement augmenter la quantité d&rsquo;aliments solides. De plus, les troubles psychologiques ont tendance à persister. Un syndrome dépressif risque de durer un long moment. Un ancien gréviste doit être suivi par un médecin</em>&raquo;, affirme le Dr Rujubali.</p>