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L’Ambassadeur de Chine, Sun Gongyi - «l’aide de la Chine à Maurice : sans condition politique…»

25 juillet 2018, 00:29

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L’Ambassadeur de Chine, Sun Gongyi - «l’aide de la Chine à Maurice : sans condition politique…»

Entre Maurice et la Chine, c’est presque 50 ans de relations diplomatiques. Comment se porte cette relation ?

Avant d'évaluer les relations bilatérales, je pense qu'il est nécessaire de passer en revue l'histoire des deux pays. Maurice est passé à une économie diversifiée et stable, en faisant des industries de la finance, du tourisme et des services ses piliers, et tout cela en se basant sur le bilinguisme, talent indéniable de sa population. Aujourd'hui, Maurice ne cesse d’avancer, et des efforts sont encore déployés pour explorer d’autres moyens de développement afin de devenir un pays à revenu élevé. Depuis les dernières 50 années, la Chine, qui était un pays agricole pauvre, fermé et «à la traîne», est devenue la deuxième économie mondiale. Et ce, grâce aux réformes et à l'ouverture économique, mais aussi grâce au travail acharné de chaque Chinois.

Dans un contexte international qui a connu de profonds changements et où de nouveaux défis ont émergé au niveau mondial, la Chine et Maurice ont su maintenir un développement sain et initier respectivement des miracles économiques. Les échanges bilatéraux de haut niveau se poursuivent. Je tiens à souligner que le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a visité Maurice début 2016. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a également visité la Chine fin 2016 en tant que ministre des Finances, ce qui a permis de jeter les bases d’un grand plan de développement des relations bilatérales entre nos deux pays.

La coopération économique et commerciale bilatérale a donné des résultats fructueux, dont la construction de grands projets tels que la Jinfei Development Zone, le New Airport Terminal Building et le barrage Bagatelle Dam, mais aussi la création d’une branche de la Banque de Chine et l’organisation d’activités culturelles en abondance. Cela a également permis chaque année à plus de 500 amis mauriciens de se rendre en Chine pour des formations diverses.

Il n'y a pas longtemps, le gouvernement chinois a officiellement annoncé que, sur invitation du gouvernement mauricien, le président chinois Xi Jinping effectuerait une visite amicale à Maurice après avoir assisté au sommet des dirigeants des pays du BRICS en Afrique du Sud. Il s'agira de la première visite du président Xi Jinping et de la première visite d’un président chinois depuis les dix dernières années à Maurice. Cela apportera certainement de nouvelles opportunités et constituera assurément une étape importante dans l'histoire des relations sino-mauriciennes. Par ailleurs, Beijing accueillera en septembre le sommet du Forum de coopération Chine-Afrique où Pravind Jugnauth se rendra.

Un accord de libre-échange sera signé entre nos deux pays. Quels sont les avantages d’une telle mesure ?

C’est un événement majeur pour la coopération économique et commerciale entre nos deux pays. Les autorités compétentes des deux parties ont déjà tenu deux sessions de négociations et sont parvenus à un certain nombre de consensus. J’espère sincèrement que les deux équipes pourront finaliser ce projet le plus tôt possible. Après la conclusion de cet accord, Maurice aura avant tout accès de façon plus ouverte au marché chinois où des produits comme les textiles de haute qualité, la nourriture, les sucres spéciaux pourront se faire mieux connaître des consommateurs chinois.

L'expansion des exportations favorisera efficacement le développement des industries connexes ici, ce qui permettra de multiplier les opportunités d'emploi. Maurice deviendra alors une destination d'investissement pour les Chinois, ce qui aidera à promouvoir la croissance économique dans les deux pays. Il est à noter que l’accord de libre-échange sera le premier accord de ce type signé entre la Chine et un pays africain, ce sera donc un modèle pour la coopération économique et commerciale entre la Chine et d'autres pays en Afrique.

L’une des mesures phares du Budget, c’est la construction de 6 800 logements sociaux avec l’aide de la Chine.  Où en est le projet ?

Le projet des logements sociaux proposé dans le nouveau Budget vise à développer les moyens de subsistance des Mauriciens qui en ont besoin. À ma connaissance, le gouvernement mauricien, les départements chinois concernés et certaines entreprises explorent actuellement les voies et moyens de coopération possibles. Les départements chinois concernés évaluent et étudient également le projet. Quant aux choix des entreprises impliquées dans ce projet de développement, il sera déterminé par Maurice, conformément aux lois et règlements nationaux et aux procédures applicables.

Le projet Jinfei a tardé à prendre son envol. Est-ce que les investisseurs chinois sont toujours attirés par Maurice ?

Depuis sa création il y a plus de 10 ans, la Zone de coopération économique et commerciale a connu quelques difficultés en raison du positionnement du parc. Cependant, au cours de ces dernières années, les entreprises chinoises ont investi beaucoup d'argent et de main-d'œuvre pour aménager les infrastructures du parc, y compris pour le nivellement des terres, l'adduction de l’eau, l’électricité, le drainage, l’implantation des télécommunications, les routes, la construction d’appartements, etc. On peut donc dire que l'infrastructure de Jinfei a été fondamentalement améliorée.

En mai 2015, la Chine et Maurice ont conclu un nouvel accord pour le développement de la zone de coopération Jinfei. Au cours des trois dernières années, la zone est passée d’un parc de manufacture primaire à une zone de développement de services intégrant finance, tourisme, formation et culture. Comme le Premier ministre l’a souligné, Jinfei a créé entre 2 000 et 2 500 emplois au cours des trois dernières années et a attiré des investissements dépassant plusieurs milliards de roupies mauriciennes.

D’ici 2020, Jinfei espère attirer 100 différents types d'entreprises venant de Chine, de Grande-Bretagne, de France, d’Afrique du Sud opérant dans des secteurs aussi divers que l'immobilier, les énergies nouvelles, l’hôtellerie et le commerce dans le port franc, et créer ainsi une ville intelligente répondant vraiment aux besoins et attentes des Mauriciens. Environ 30 entreprises se sont déjà installées dans le parc. Jinfei a donc un avantage naturel pour attirer les investisseurs chinois. Je crois qu'après un certain temps, Jinfei deviendra un succès majeur représentatif de la modernisation de Maurice.

Est-ce que les conditions économiques à Maurice sont propices pour les investisseurs chinois ?

Avec un environnement politique stable, un système juridique solide, une culture sociale diverse, un cadre légal propice à la coopération commerciale avec l'Afrique, des liaisons aériennes pratiques avec l’Afrique et l’Asie, Maurice présente des avantages uniques dans les secteurs de la formation, de la médecine et dans bien d’autres domaines. Le gouvernement mauricien a pris de nombreuses mesures pour attirer les investissements étrangers. L’intérêt des investisseurs chinois pour Maurice grandi, mais il y a toujours un écart qui persiste entre les attentes des deux parties. D’après moi, l’une des raisons pourrait être que Maurice manque de personnes dédiées à la promotion de l’investissement qui comprennent le chinois, la culture chinoise et connaissent les caractéristiques des investisseurs chinois. De nombreux investisseurs chinois, en particulier ceux des petites et moyennes entreprises privées, ne parlent pas couramment l'anglais ou le français, et très peu connaissent les lois et les règlements de la «common law» en application à Maurice. Ils ont besoin d’un guide pour faire face à cet environnement d'investissement auquel ils ne sont pas familiers. Si Maurice peut se doter d’une équipe dédiée à la promotion de l’investissement qui comprend à la fois les contextes mauriciens et chinois, le pays attirera certainement plus d'entrepreneurs chinois.

La Chine et l’Inde sont les plus gros bailleurs de fonds quand il s’agit de projets d’infrastructures. Peut-on parler d’une rivalité grandissante entre les deux grands pays avec Maurice et l’océan Indien comme terrain de jeu ?

C'est une question très intéressante. En tant qu'ambassadeur de Chine, je ne peux que développer la position de la Chine. Le but principal est que Maurice puisse mettre un pied dans le «train économique à grande vitesse» de la Chine, profiter de son développement économique, et de promouvoir ainsi les relations amicales bilatérales. Cela sans aucunes conditions politiques, ni aucune conspiration géopolitique, et sans jamais rivaliser avec un pays tiers : c'est la politique étrangère établie de la Chine.

J'ai remarqué que certains articles de l'Express mentionnaient en même temps la Chine et l'Inde, et je pense que c'est précisément parce que ces deux pays entretiennent des relations amicales spéciales avec Maurice et parce qu’ils se sentent tous deux très concernés par la situation de l’île. La Chine et l'Inde sont deux grandes civilisations anciennes, ce sont actuellement les deux plus grands pays en développement du monde et ce sont deux pays voisins amis d’une population de plus de 1 milliard d'habitants chacun qui se développent très rapidement.

La Chine n'a jamais considéré l'Inde comme un concurrent. Le président Xi Jinping a mentionné à plusieurs reprises que «le dragon et l’éléphant dansent ensemble, le dragon et l’éléphant ne se combattent pas». Le Premier ministre Modi a souvent dit que la Chine et l'Inde sont «deux corps et un seul esprit». La Chine est heureuse de voir le succès des projets de coopération entre Maurice et d’autres pays. La Chine est disposée à coopérer avec les tierces parties pour promouvoir conjointement le développement économique et social de  Maurice.

Au niveau du tourisme, le gouvernement reconnaît que la Chine reste un pays dur à séduire. Pourquoi, selon vous ?

Je pense qu'il y a des conceptions différentes sur cette question. Ces dernières années, le nombre de touristes arrivant de Chine a été de l'ordre de 70 000 à 80 000 par an, ce qui peut paraître peu encourageant par rapport à l’ensemble de la population chinoise. Mais compte tenu de la distance entre les deux pays, je pense que le ministère du Tourisme mauricien peut être très fier de ces chiffres. J'ai vérifié le nombre de touristes chinois dans les autres destinations de la région : Seychelles : 15 000 en 2016, La Réunion : 4 000 en 2017, Madagascar : 4 800 en 2016. Même au Kenya, il n'y avait que 69 000 touristes chinois en 2016. Ces chiffres sont suffisants pour montrer que, pour un pays insulaire de l'océan Indien si loin de la Chine, il y a beaucoup de touristes chinois qui viennent ici !

En 2014, la Chine a tourné un film à Maurice, et le box-office a montré de bons résultats : au cours des deux dernières années, le nombre de touristes chinois a bondi. Je dois avouer que les deux pays sont séparés par des milliers de kilomètres, le vol long-courrier de plus de 10 heures est un véritable défi pour les touristes.

Cependant, je pense que la visite du président Xi Jinping à la fin du mois permettra certainement d’attirer une attention nouvelle de la part des touristes chinois.

Enfin, concernant les Chagos, l’affaire sera bientôt devant la Cour internationale de Justice. Maurice peut-il compter sur le soutien de la Chine ?

La position de la Chine sur la question des îles Chagos reste cohérente : la Chine comprend et soutient la position de Maurice sur la question de la décolonisation, cela ne changera pas. En même temps, elle encourage les parties à résoudre ce désaccord par les consultations bilatérales.