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Coopératives: «L’exportation n’est, pour l’heure, pas une option réaliste»

29 juillet 2018, 23:30

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Coopératives: «L’exportation n’est, pour l’heure, pas une option réaliste»

Faire du National Cooperative College (NCC) une institution phare du secteur des coopératives sur le plan local et dans la région. Telle est l’ambition de son directeur, en marge de l’ouverture officielle de l’établissement.

Le NCC ouvrira ses portes incessamment, après plus d’un an de travaux de rénovation. Parlez-nous de la nouvelle orientation de l’institut, anciennement connu comme le National Institute of Cooperative Entrepreneurship.

La nouvelle orientation du NCC, qui émane de la Cooperative Act de 2016, va largement dépendre des défis qui guettent le secteur coopératif à Maurice. Parmi eux, l’intégration des jeunes pour assurer la relève. Car le mouvement coopératif date de 1913 et souffre aujourd’hui d’un problème de vieillissement de ses membres.

Il y a aussi le défi de la diversification vers des secteurs plus porteurs comme l’aquaculture, l’énergie verte, l’agriculture biologique et les produits à valeur ajoutée. Il s’agit aussi pour nous de faire de la recherche pour le développement du secteur. C’est indéniable que le manque d’innovation et de créativité a contribué largement à la stagnation, voire la régression, du mouvement ces deux dernières décennies ou même plus.

Nous voulons aussi mettre le mouvement au diapason avec l’ère des technologies et intégrer plus de femmes. Sinon, le NCC doit servir de plate-forme pour la réflexion coopérative et de centre pour l’échange d’idées parmi les coopérateurs pour la relance du mouvement. Nous souhaitons également tisser des relations avec des institutions internationales.

Quelles sont vos ambitions pour le NCC?

Devenir un centre d’excellence dans le domaine de la formation en entrepreneuriat coopératif. Le gouvernement veut donner un nouveau souffle à ce secteur et le ministère qui est à l’origine de cette initiative fait son possible pour redynamiser le mouvement. Le NCC est partie prenante dans cette action commune et est appelé à œuvrer pour donner une nouvelle dimension à ce secteur qui a été un outil puissant de développement dans l’économie mauricienne. Notre mouvement coopératif est le plus ancien de l’hémisphère sud. Et en tant que tel, le NCC peut devenir un centre de formation coopérative par excellence du continent africain.

Pour ce faire, il est essentiel que le NCC joue un rôle prépondérant dans le domaine de la formation en innovant constamment ses cours et en introduisant la formation en ligne ou à distance. Il faut également être plus visible sur le plan international en participant à des conférences ou en organisant ici même des conférences internationales sur le mouvement coopératif.

Quels manquements avez-vous observés chez les coopérateurs qui viennent se former chez vous?

Le plus gros handicap, c’est que la majorité des membres sont âgés. Bien que l’envie d’apprendre existe, leur âge fait défaut et cela devient une barrière. Il est par exemple difficile de les attirer dans des cours en informatique. Mais il faut les motiver et les encourager à apprendre.

De plus, les coopérateurs sont la plupart du temps des gens très préoccupés par leurs activités économiques. S’ils sont planteurs, nous ne pouvons pas les garder en classe pendant toute une journée. Impossible également d’organiser des cours pendant la récolte ou la coupe de canne.

Comment comptez-vous faire pour attirer des jeunes vers ce secteur?

Pour renverser cette situation, nous avons entrepris depuis quelques années des campagnes d’éducation sur la philosophie coopérative et l’entrepreneuriat coopératif auprès des jeunes dans les collèges secondaires à travers le pays, dans les universités et dans les villages. Nous avons conçu l’Entrepreneurship Development Programme spécialement pour les jeunes qui sont à la recherche d’un emploi. Celui-ci vise principalement à les aider à devenir entrepreneurs en adoptant le modèle coopératif.

De plus, nous dispensons des cours dans de nouveaux domaines plus prometteurs. Nous encourageons par exemple les jeunes à exploiter les opportunités de business qui existent dans l’aquaculture, l’énergie verte, dans le domaine de la transformation des fruits et légumes et de la valeur ajoutée, voire dans la culture bio.

Dans ce contexte, nous travaillons en collaboration avec plusieurs institutions telles que le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI), l’université de Maurice et le Mauritius Research Council pour que nous puissions soutenir les jeunes à devenir self-employed en adoptant le modèle coopératif. Le NCC a signé des accords de coopération avec des institutions internationales comme VAMNICOM, en Inde, et le Cooperative College of Malaysia qui peuvent nous apporter leur soutien en matière de formation professionnelle.

Plus tôt, vous parliez de stagnation et de vieillissement du secteur. Comment entamer une diversification dans ces conditions?

La diversification est un défi majeur et une nécessité absolue. Par exemple, le secteur des coopératives est pour l’heure dominé par les Credit Unions. Ces dernières n’ont pas vraiment évolué dans leurs offres, se contentant surtout d’encourager leurs membres à épargner et de leur offrir des emprunts par la suite.

Or, pour attirer plus de jeunes dans ces sociétés, il faut davantage de plans taillés sur mesure. Les possibilités sont multiples, d’autant que la concurrence est rude avec les autres institutions financières qui offrent des plans de plus en plus attrayants. Les Credit Unions peuvent, par exemple, offrir des plans d’épargne logement ou encore des plans d’épargne études, notamment.

Et le secteur agricole?

C’est sans doute un secteur clé de notre économie. Malheureusement, la méthode traditionnelle de cultures vivrières ou ornementales ne va pas attirer les jeunes. Pour les encourager à exploiter la terre, on doit nécessairement les initier à adopter les techniques modernes de culture comme l’hydroponie, l’agriculture bio ou la culture sous serre. Il faut aussi encourager les jeunes à avoir recours à la transformation de produits agricoles ou même avoir recours à la valeur ajoutée.

Au NCC, nous avons lancé des cours semblables avec la collaboration de FAREI et il y a une grande demande pour ces cours par les jeunes. Aussi, le secteur coopératif n’exploite pas l’opportunité de business et de l’entrepreneuriat qui existe dans le segment du tourisme, la fabrication des produits artisanaux et l’aménagement des fermes intégrées, parmi d’autres.

Qu’en est-il de l’exportation, qui est le cheval de bataille du gouvernement pour les entrepreneurs?

L’exportation est certes primordiale pour les coopératives, mais pas sur les court et moyen termes. Dans la conjoncture actuelle, en tenant compte de la capacité de nos sociétés coopératives engagées dans la production des légumes, fruits ou autres objets artisanaux, et en s’appuyant sur les données statistiques, l’exportation n’est pour l’heure pas une option réaliste.

Les coopératives ont encore une grande marge de manœuvre sur le marché local. Par exemple, elles ne produisent que 40 % de nos besoins en pommes de terre au niveau local. Mais dans le long terme, au cas où la production des coopératives dépasse la consommation locale, l’exportation serait une avenue à considérer.

L’affaire de la «credit union» de Vacoas Popular Multipurpose Cooperative Society continue de faire des vagues. Quel rôle peut jouer le NCC pour éviter qu’un tel scandale ne se répète?

Les scandales financiers dans les coopératives sont, selon moi, la conséquence d’une mauvaise gestion, d’un manque de contrôle systématique et rigoureux, d’une absence de la bonne gouvernance ou encore de l’indifférence des membres de ce qui se passe dans leurs sociétés. Le manque de connaissance des droits et responsabilités des leaders et membres comme définis dans l’article 33 de la loi coopérative est aussi un des facteurs.

Les solutions sont l’éducation et la formation continue des leaders et membres des coopératives. D’où le rôle grandissant du NCC. Celui-ci organise au moins un programme de formation chaque mois sur la gestion des coopératives, la loi coopérative et la bonne gouvernance avec le concours des institutions telles que la Financial Intelligence Unit, l’Independent Commission against Corruption et autres.

Quels projets prévoyez-vous après l’inauguration du NCC?

Nous avons conçu un plan stratégique triennal (2018-2020) sur la formation. Ce plan s’appuie sur six piliers qui guideront le NCC sur son orientation professionnelle. Donc, après l’ouverture, dans le court terme, le NCC introduira deux cours menant au Certificate in Cooperative Management et, par la suite, au Diploma in Cooperative Management pour les coopérateurs et entrepreneurs.

Nous sommes aussi en pourparlers avec le Cooperative College of Malaysia ainsi que l’université de Maurice pour avoir leur soutien dans le domaine de la recherche. Dans le long terme, nous envisageons de doter le NCC de facilités résidentielles afin d’accueillir des coopérateurs rodriguais chez nous pour qu’ils puissent suivre nos cours et, pourquoi pas, des conférenciers pour animer des ateliers de travail.

Nous avons en outre l’intention d’organiser des conférences internationales sur les coopératives et l’entrepreneuriat.