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Au MMM: la fuite continue
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Au MMM: la fuite continue
Après la démission en bloc cette semaine des membres des comités régionaux du Mouvement militant mauricien (MMM) des circonscriptions nos1, 4 et 17, d’autres départs seraient attendus à Flacq–Bon-Accueil (no9), à Grand- Baie–Poudre-d’Or (no6) et à Vieux- Grand-Port–Rose-Belle (no11). Ainsi, le vice-président du comité régional du no9, Ahad Chundoo, affirme que d’ici deux semaines, ses amis et lui annonceront leur départ du MMM. Et on apprend que ce sera aussi le cas aux nos 6 et 11.
Certes, le MMM ne vit pas ses premières crises mais, à en écouter les militants de la première heure, le parti du coeur aura cette fois des difficultés à remonter la pente. La parole à quelques anciens militants.
Dev Virahsawmy, le premier dissident de l’histoire du MMM, en 1973, souligne que Paul Bérenger, le leader de ce parti, n’écoute jamais ceux qui ont une opinion autre que la sienne, préférant, au contraire, dénigrer les contestataires. Selon l’ancien mauve, Paul Bérenger ne veut jamais qu’on remette ses idées en question et que c’est pour cette raison qu’il y a eu tant de départs au fil des années. «Quand je suis parti du MMM, beaucoup de militants estimaient que j’avais tort. Mais ces mêmes personnes reconnaissent le bien-fondé de mon raisonnement aujourd’hui.» Il est d’avis que le MMM se dirige vers la fin de son histoire.
Ram Seegobin, militant de la première heure et dirigeant de Lalit, indique que le parcours du MMM est parsemé de zigzags et que, comme tous les autres partis traditionnels, il continue de perdre le soutien de la population. Il estime que le MMM ne vaut pas plus que 15 % de l’électorat de nos jours. Néanmoins, Ram Seegobin pense que comme ce parti dispose de structures, contrairement à d’autres partis politiques, à chaque fois qu’il y a des démissions, cela est médiatisé. Par contre, dans d’autres partis, on n’en parle pas, faute de structures politiques. Pour lui, le MMM, même grandement affaibli, ne disparaîtra pas de sitôt.
Structures inchangées
Eddy Boissézon, ministre dans le présent gouvernement, est membre du Muvman liberater (ML), une dissidence du MMM. Il est d’avis que la plus grande faute des mauves vient de leurs structures, qui sont restées les mêmes depuis ces 20 dernières années. Il dit que les votes au niveau des différentes instances du parti sont toujours influencés. L’ancien militant soutient aussi qu’il y a beaucoup d’arrogants au sein du MMM et qu’à chaque fois qu’il y a un départ «on parle d’un bon débarras ou d’un Titanic qui coule !» Il est néanmoins chagrin de ce qui se passe au sein de son ancien parti.
Steve Obeegadoo, ancien ministre et militant de longue date, vient de tourner la page MMM. Selon lui, cette fois ce n’est pas seulement le départ de quelques dirigeants que le parti enregistre, mais celui de la base elle-même. Le MMM, dit-il, a dominé la scène politique jusqu’en 2005, mais après, ce parti a connu neuf défaites électorales. Selon lui, une des erreurs capitales des mauves a été l’accord avec le Parti travailliste en 2014, même s’il concède qu’il n’était pas contre. Mais le MMM, dit-il, a connu deux crises peu après, l’une juste avant le scrutin de décembre 2014 et l’autre, juste après, quand le parti a perdu cinq députés sur un total de douze au Parlement. Steve Obeegadoo remarque que tant que le MMM refuse de se réinventer, il lui sera difficile de rebondir.
Pradeep Jeeha, lui aussi ancien ministre et ex-Deputy Leader du MMM, avance que «quand la base est effondrée, c’est l’étage qui va s’écraser ». Déjà, continue-t-il, il y avait une sonnette d’alarme qui a retenti en 2014 mais le MMM n’a pas pris de mesures correctives. Maintenant, il est d’opinion que le parti se dirige vers un précipice même s’il admet que le MMM ne connaît pas sa plus grave crise. Dans un langage imagé, il dira : «kouma dir enn pié lafours. Un gros cyclone arrive et il ne tombera pas, mais passe un petit cyclone et il chutera, car il aura été trop secoué…»
Exercice périodique
Pour Jack Bizlall, ancien parlementaire du MMM, le parti ne va pas vers une implosion. Le président du Muvman Premye Me note que c’est un exercice périodique que fait le MMM lorsqu’il veut entrer dans une logique politique. «Depuis la création du MMM en 1969, combien parmi ceux qui ont été candidats pour le parti sont restés ? C’est une vraie hécatombe. Pour tous ces gens qui ont intégré le parti, combien d’autres l’ont quitté ? Ou inn tann MMM inn teign ?» Selon lui, c’est une stratégie volontaire du «propriétaire» du MMM, en faisant allusion à Paul Bérenger.
«Il y a une implosion. Ce parti s’effrite», lâche Françoise Labelle, elle aussi une dissidente récente du parti. Même si elle reconnaît que Paul Bérenger s’est beaucoup sacrifié pour le parti, elle trouve dommage qu’en fin de carrière, il se retrouve dans cette situation. «Comment peut-on parler de fausses démissions ? En un jour, cette semaine, il y a eu 104 démissionnaires. Personne ne peut dire qu’ils ne sont pas militants.» Selon elle, les militants du no4 ont longtemps attendu un signal mais la direction n’a pas fait un seul pas vers eux.
L’actuel maire de Beau-Bassin– Rose-Hill, Ken Fong, ancien militant du MMM et membre du ML, estime, lui, que ce n’est pas une implosion. «Ils partent un à un, pour des raisons personnelles. C’est triste pour le MMM, surtout pour un leader qui a marqué l’histoire de ce parti», fait ressortir celui qui confie avoir été «sincère avec le MMM pendant 23 ans», mais qui a quitté le parti en 2012 «lor enn kestion prinsip».
Alan Ganoo, ancien haut dirigeant du MMM et actuel président du Mouvement patriotique, observe que son ancien parti passe par la plus mauvaise période de son histoire. Il fait valoir que, si dans le passé, le MMM a su surmonter des crises, c’est que ce parti était à l’apogée de ses jours de gloire. Il soutient que le MMM est fragmenté de nos jours et que cela s’était vu lors de l’élection partielle au no18, en décembre. Aujourd’hui, dit-il, les militants sont déstabilisés. «Pendant trop longtemps, le MMM est resté dans l’opposition et aujourd’hui, la jeune génération ne croit plus dans ce parti», conclut Alan Ganoo.
MMM, une histoire de cassures: les dates clés
<p>1973 : Le MMM fait face à sa première crise interne. Une aile idéologique, dirigée par Dev Virahsawmy, quitte la barque mauve et va fonder le MMM socialiste progressiste.</p>
<p>1982 : Plusieurs courants politiques existaient au sein du parti, dont Lalit de Klas et Lalit Travayer. Le MMM connaît une autre scission et voit le départ de Ram Seegobin, qui forme Lalit, à quelques semaines des élections générales.</p>
<p>1983 : C’est la plus grande crise de l’histoire du MMM. Le parti est au gouvernement avec comme allié le Parti socialiste mauricien (PSM) d’Harish Boodhoo. En mars de cette année-là, une grave crise secoue le gouvernement. Le MMM, qui comptait 42 députés après un 60-0 en juin 1982, voit neuf ministres, dont Paul Bérenger, démissionner du gouvernement. Anerood Jugnauth demeure à son poste de Premier ministre et crée le Mouvement socialiste militant (MSM) avec l’aide de dissidents du MMM et de membres du PSM. Paul Bérenger garde le contrôle du MMM.</p>
<p>1993 : L’alliance gouvernementale MSM-MMM, au pouvoir depuis 1991, vole en éclats. Après le départ de Paul Bérenger du gouvernement, tous les élus du MMM ne le suivent pas. Prem Nababsing, Jean Claude de l’Estrac, Amédée Darga et autres Dharmanand Fokeer créent le Renouveau militant mauricien et demeurent au gouvernement jusqu’à décembre 1995.</p>
<p>2014 : Nouvelle scission au MMM, après que les mauves ont conclu un accord avec le Parti travailliste. Ivan Collendavelloo, un des dirigeants du parti, claque la porte et crée le Muvman liberater, qui va faire partie du gouvernement.</p>
<p>2015 : Des députés du MMM, notamment Alan Ganoo, Kavy Ramano, Jean-Claude Barbier, Joe Lesjongard, Zouberr Joomaye et Raffick Sorefan, quittent le parti et fondent le Mouvement patriotique.</p>
<p>2018 : Pradeep Jeeha, leader-adjoint du MMM, est expulsé. Cela est annonciateur d’une crise qui se perpétue jusqu’à présent. Steve Obeegadoo, Françoise Labelle, Vinay Sobrun et d’autres s’éloignent du parti. Et on assiste actuellement à des démissions en bloc dans quelques régionales mauves.</p>
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