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Corinne Fleury de l’Atelier des nomades: «Il faut se réveiller et se mobiliser pour promouvoir la lecture»
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Corinne Fleury de l’Atelier des nomades: «Il faut se réveiller et se mobiliser pour promouvoir la lecture»
La première édition du Festival du livre jeunesse, organisée par l’Atelier des nomades, aura lieu les 15 et 16 septembre au Plaza. Corinne Fleury, la directrice de cette maison d’édition, en parle.
Vous organisez la première édition du Festival du livre jeunesse de Maurice. Quel est son but?
L’objectif du festival est de rassembler les Mauriciens autour du livre pour enfants, qu’importe la relation que nous avons avec la lecture ! Le goût du livre et de la lecture n’est pas inné, il s’apprend dès le plus jeune âge, se nourrit et se partage plus tard.
J’ai grandi dans un univers de livres mais mon parcours m’a souvent conduit aux enfants, qui n’ont pas une relation aisée avec le livre. Lorsqu’on se pose pour leur raconter des histoires, pour jouer avec les mots et s’amuser avec eux autour du livre, leurs appréhensions et leurs peurs s’envolent.
Le festival sera l’occasion de s’amuser autour du livre afin de provoquer le plaisir de lire chez l’enfant. Le livre est une porte ouverte vers l’imaginaire et la connaissance. Il est indispensable de le désacraliser.
Parlez-nous de ce festival. Qu’est-ce que le public pourra y découvrir ?
Le festival sera une grande fête du livre où nos plus talentueux auteurs et illustrateurs jeunesse et bandes dessinées seront présents : Shenaz Patel, Amarnath Hosany, Brigitte Masson, Evan Sohun, Henry Coombes, Thierry Permal, Joëlle Maestracci, Pov, Iloë, Céline Chowa, Priya Hein parmi tant d’autres. Nous avons aussi des invités étrangers : Sébastien Pelon, un illustrateur français, Fabienne Jonca et Joëlle Ecormier, qui sont des auteures réunionnaises. Tous trois ont publié pour la jeunesse à Maurice et publient à l’étranger. Une délégation d’auteurs et d’éditeurs réunionnais et malgaches, invités par la Réunion, sera aussi présente. Et finalement, nous bénéficierons de la présence de Wilfried N’Sondé, invité par l’Institut français de Maurice (IFM).
Certains de ces auteurs animeront des ateliers le jeudi 13 septembre en école et association. D’ailleurs, ceux qui souhaitent inscrire leur école ou association peuvent le faire jusqu’au 15 août à FLJM@atelierdesnomades.com
Et pendant le week-end du festival, les 15 et 16 septembre, de nombreuses activités et animations gratuites seront proposées au public : exposition d’originaux sur Tizan, Tikoulou et les animaux rusés; des ateliers artistiques et des ateliers d’écriture ; des lectures à haute voix; des lectures-jeux, des spectacles. Il y aura un espace Bibliothèque hors les murs, qui va réunir plusieurs bibliothèques de l’île au sein d’un même espace. Les invités animeront différentes activités et rencontres. Plusieurs librairies seront aussi présentes pour des ventes de livres et les auteurs pourront dédicacer leurs oeuvres. Et finalement, le festival sera aussi l’occasion de tenues de tables rondes autour de l’enfance et de la lecture.
Vous avez bénéficié de quelles aides pour l’organisation de ce festival et de quelle nature ?
La recherche d’aide a été très difficile… Le livre est malheureusement l’enfant pauvre de la culture à Maurice. Si on entend l’importance de combattre l’illettrisme, on a parfois du mal à entendre que ce combat peut passer par une étape moins immédiate et pourtant essentielle, qui est la transmission du goût de la lecture.
Après avoir contacté de nombreux organismes locaux et aussi fait un crowd-funding, qui se sont tous soldés par un échec, j’ai répondu à un appel à projet de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le projet du Festival du livre a été lauréat de cet appel à projet avec un financement à hauteur de 6 000 €. L’Atelier des nomades, notre maison d’édition contribue aussi à ce projet, ainsi que plusieurs autres partenaires locaux et sponsors, qui depuis, ont rejoint l’aventure : La mairie de Beau- Bassin Rose-Hill, le ministère de la Culture avec le CELPAC, Air Mauritius, Hennessy Park, Radio 1, l’IFM, l’Alliance française, Bookcourt, IPBD et les Editions Vizavi.
Depuis 2010 que l’Atelier des nomades existe, combien de livres cette maison d’édition a-t-elle édités ?
Notre catalogue s’est développé jusqu’à présent autour de livres illustrés avec une écriture visuelle forte : beaux livres, art de vivre et littérature jeunesse. Nous avons une vingtaine de titres à notre catalogue. Notre exigence pour le texte nous a poussés naturellement vers la littérature générale. Nous espérons offrir une nouvelle tribune aux auteurs mauriciens.
En tant que directrice d’une maison d’édition, quel regard jetez- vous sur la littérature jeunesse à Maurice ?
Maurice est une terre d’écrivains et d’artistes. La littérature générale mauricienne est riche et foisonnante. Notre littérature jeunesse compte aussi depuis longtemps de nombreux recueils d’histoires et de contes pour enfants mais l’édition jeunesse est plus récente. Tikoulou au pays du dodo des Editions Vizavi a changé le visage de la littérature jeunesse et a ouvert la voie à une édition de qualité pour les enfants. L’Atelier des nomades a su aussi y trouver sa place pour proposer aux enfants des livres qui font rêver et voyager !
Que pensez-vous de la place de la lecture à Maurice?
Mon regard sur la lecture à Maurice est plus sombre… Les Mauriciens lisent très peu alors que nous avons un des meilleurs taux d’alphabétisation de la région. Je crois que notre système scolaire nous a souvent forcés à apprendre à lire sans en tirer un quelconque plaisir. La lecture a été liée à une contrainte pour des générations d’enfants devenus aujourd’hui adultes. Comment alors considérer le livre comme une porte vers l’imaginaire et le bien-être ? Si nous avons créé ce festival c’est que nous sommes convaincus que ce n’est pas irréversible, ce n’est pas une fatalité. Il faut se réveiller et se mobiliser pour promouvoir la lecture. Et cette promotion doit passer par une politique du livre et de la lecture. Nous sommes plusieurs acteurs du livre à nous mobiliser chaque jour pour apporter notre contribution à ce combat mais il aboutira seulement avec l’aide du ministère de la Culture. Un National Arts Fund a été créé mais à quand un fond spécifique pour les métiers du livre ?
Parlez-nous de la distribution de vos livres. Où sontils distribués ?
À Maurice, nos livres sont distribués en librairies, en hyper-marchés, boutiques d’hôtel par IPBD. Nous sommes présents aussi à la Réunion et dans quelques librairies en France. Nous espérons intégrer un distributeur français cette année pour élargir notre réseau en France.
Le marché international s’intéresse- t-il à la littérature jeunesse de Maurice ?
Cela fait deux ans que nous sommes présents au Salon du livre de Montreuil en France. Cette année, l’Atelier des nomades a été invité au Salon du livre de Bologne et nous serons en octobre pour la 2e année au Salon du livre de Francfort. Alors, oui, le marché international s’intéresse à la littérature jeunesse mauricienne mais cet intérêt est récent. En 2017, lors de notre présence au Salon du livre de Francfort, la majorité des éditeurs étrangers découvraient l’existence d’une littérature jeunesse mauricienne ! Le chemin est encore long mais oh combien passionnant ! L’an dernier, tous nos albums ont été classés par la Revue jeunesse de la Bibliothèque de France parmi les 1 000 livres pour enfants à lire en 2017 ! Le Bestiaire mauricien de Shenaz Patel et sEmmanuelle Tchoukriel a aussi eu le Prix spécial du jury au Salon du livre d’Ouessant.
Quels sont vos projets ?
Nous bouclons deux gros projets, tout en préparant le festival ! En septembre : nous ferons le lancement de notre collection de romans de littérature générale avec trois titres : Vent d’Est de Gabrielle Wiehe, un fabuleux premier roman ; Sensitive de Shenaz Patel, qui est un achat de droits de son éditeur français afin de vendre ce roman à un prix plus accessible aux Mauriciens et une réédition de Polyte de Savinien Mérédac, un chef-d’oeuvre méconnu de la littérature mauricienne.
En novembre paraîtra une collection de premiers romans pour enfants : La carte magique de Yianna Amodine et Iloë. Il s’agira de romans illustrés pour les lecteurs autonomes de six à huit ans. Les deux premiers titres de la collection sont : Le Trésor de la citadelle et Le Mystérieux phare d’Albion.
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