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Steven Obeegadoo: «Une énorme déception»
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Steven Obeegadoo: «Une énorme déception»
L’ébauche de réforme électorale, transmise en fin de semaine par le Premier ministre, ne convainc guère. Steven Obeegadoo n’est pas seulement déçu, mais dépité et inquiet. Il explique pourquoi.
Le gouvernement, disiez-vous jusqu’à vendredi, fait semblant de vouloir réformer le système électoral. Admettez-vous votre erreur ?
La Plateforme militante a marqué le coup et a bien fait. Tous ces bruits de couloirs autour d’une hypothétique réforme électorale ne servaient à rien, sinon à escamoter le vrai débat. Il fallait le dénoncer et le gouvernement a fini par dévoiler clairement ses intentions.
Grâce à vous ?
Je n’ai pas cette prétention. Je dis juste que, contrairement aux autres partis, nous n’avons pas joué à ce jeu petit malsain consistant à commenter des bribes d’information.
Que vous inspire l’ébauche proposée ?
C’est une énorme déception. Je crois qu’il y a méprise sur l’objectif même de la réforme. Tout le monde pensait que l’introduction d’une dose de proportionnelle avait pour objet de corriger les distorsions du First Past The Post (FPTP). On sait aujourd’hui que la priorité du gouvernement est ailleurs : leur but est de trouver une parade, une défense. D’une part, contre les critiques du comité des droits humains de l’ONU. D’autre part, dans le procès logé par Rezistans ek Alternativ.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Les amendements proposés ne s’attaquent pas au problème de fond, qui est celui de l’écart gagnant/perdant – je vais y revenir. Il y a aussi le timing. On est en droit de se demander pourquoi attendre la fin du mandat, quand les partis ont les yeux rivés vers le prochain scrutin. Autre bizarrerie, il n’y a pas eu de consultation préalable avec l’opposition parlementaire : c’est le meilleur moyen de ne pas obtenir de consensus ! Une telle démarche est, pour le moins, intrigante.
Où voulez-vous en venir ?
Je crois que Pravind Jugnauth, contrairement à ce qu’il dit, n’a pas l’intention de moderniser le système électoral. Il cherche un paravent pour se défausser devant les Nations unies et en Cour suprême : «On a essayé, il n’y a pas de consensus politique, ce n’est pas de ma faute.»
Cette attitude pose une question de fond : pourquoi, depuis des lustres, parle-t-on d’une dose de représentation proportionnelle ? Pour corriger – j’insiste sur ce mot – les déséquilibres issus du FPTP. En 1982, le Parti travailliste obtient 30 % des suffrages, mais aucun siège à l’Assemblée nationale. En 1995, on hérite d’un 60-0 alors que le perdant, le MSM, cumule 20 % des votes. Le Premier ministre nous dit que ce système est un gage de «stabilité», en réalité, c’est tout le contraire : le FTPT déséquilibre le rapport de force démocratique. C’est une perversion, un vice. Non seulement le gouvernement n’a pas l’intention d’y remédier, mais il compte le renforcer !
Expliquez-vous…
Ce qui est proposé, c’est d’accroître de façon symbolique le nombre de sièges accordés à l’opposition… tout en maintenant, voire en augmentant, l’écart de sièges au profit du vainqueur. C’est un nonsens absolu, parce que sans volonté de corriger le FPTP, l’introduction la proportionnelle ne sert à rien ! (il appuie).
Et là, je dis à mon ami et ancien camarade de parti : «M. Collendavelloo, réveillez-vous ! Souvenez-vous du comité d’élite que présidiez ! Relisez votre rapport !» Ce document (qui remonte à 2004, NdlR) descendait le modèle que l’on nous sert aujourd’hui. L’enjeu, quel estil ? L’alliance qui détient 75 % des sièges fait ce qu’elle veut de la Constitution. En l’an 2 000, avec 52 % des voix, l’alliance MSM-MMM a raflé plus de 75 % des sièges. C’est ça, le danger… et c’est arrivé quatre fois en onze élections générales depuis l’Indépendance.
Reste que le Premier ministre a été clair : il ne touchera pas au First Past The Post.
Il considère que ce système est intouchable car issu de la volonté du peuple. J’ai une question : est-ce qu’en 2000, le peuple a cautionné 51,5 % des voix pour 87 % des sièges ? Mais non ! Le peuple ne vote pas pour un écart. Il ne vote pas pour les dérives d’un système qu’il n’a pas choisi.
Parlons du reste. Est-ce que tout est à jeter ?
Trois points sont un progrès : la représentation féminine, l’anti-transfugisme et l’élimination de la déclaration obligatoire d’appartenance communale. À côté de ça, il y a de trop de manques. L’autre point qui m’a fait bondir, c’est le pouvoir de cooptation parlementaire accordé aux leaders. J’y vois un retour à l’époque coloniale, lorsque le Gouverneur choisissait ses gens. C’est affligeant… J’ai beau chercher, je ne vois pas quelle démocratie oserait proposer une chose aussi archaïque.
Ferez-vous des contre-propositions?
Nous allons nous réunir pour débattre en profondeur de cette réforme et formuler des propositions. Mais sans illusion… Le Premier ministre a souligné qu’il était prêt à discuter de tout, sauf de l’essentiel, à savoir l’écart gagnant/perdant. À partir de là…
Votre plateforme participera-t-elle aux prochaines élections générales ?
Bien évidemment. Nous sommes une force politique qui émerge, qui se structure au niveau des idées et des équipes. Nous voulons redonner espoir aux orphelins du MMM, mais pas seulement : aux indécis, aux déçus de la politique, à ces 26 % qui ne sont pas déplacés en 2014, à ces 46 % qui n’ont pas voté à la partielle de Quatre-Bornes. La désaffection à l’égard des partis traditionnels est grandissante. Cette rupture est à l’origine d’une crise de démocratie. Il faut la voir, la comprendre et y répondre : c’est notre ambition.
Y répondre avec des candidats dans chaque circonscription ?
Pourquoi pas…
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