Publicité

Ravin Rampersad: «Il faut une redéfinition légale des petites et moyennes entreprises»

4 octobre 2018, 08:09

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Ravin Rampersad: «Il faut une redéfinition légale des petites et moyennes entreprises»

Cela fait trois mois qu’il est à la tête de SME Mauritius, entité qui a officiellement remplacé la SMEDA en janvier 2018. Ravin Rampersad parle pour la première fois de sa stratégie en tant que CEO.

Cela fait déjà quelques mois que vous êtes en poste. Parlez-nous de votre vision et de vos ambitions pour SME Mauritius en tant que nouveau CEO ?

C’est le développement pour le bien des entrepreneurs à Maurice et à Rodrigues. Je pense que nous sommes en train de mettre sur pied une équipe fantastique qui fait déjà du bon travail. D’ailleurs, plusieurs projets ont été appliqués depuis que j’ai pris les rênes.

«Je suis d’avis qu’il faut adopter une approche sectorielle avec un dialogue constructif, dépassionné, rationnel et consensuel afin de trouver des solutions»

Quand vous parlez de «développement des entre- prises à Maurice et à Rodrigues», comment cela se traduit-il dans le concret ?

Nous offrons plusieurs supports. Nous sommes là pour accompagner les entrepreneurs afin qu’ils puissent réussir leur projet d’entreprise, notamment à travers des programmes de financement et d’accompagnement pour les aider à bien se positionner sur le marché. Nous sommes bien partis pour apporter quelque chose de positif à l’entrepreneuriat.

Trois mois ce n’est rien en termes de temps, il nous en faudra plus pour effecteur un vrai bilan. Mais je pense que ce qui a été accompli à ce stade est bien. Nous avons contacté en moyenne 820 entreprises par mois à ce jour. Nous avons également délivré 69 lettres d’intention aux entrepreneurs sous le SME Development Scheme, programme de financement et d’accompagnement que nous offrons conjointement avec la MauBank.

«L’on doit s’assurer que le traitement et le respect des PME soient à la hauteur du rôle prépondérant qu’elles jouent dans l’économie locale»

SME Mauritius a démarré ses opérations avec un manque d’employés, dû au départ tumultueux de plu- sieurs employés de l’ex-SMEDA. Où en êtes-vous avec la constitution de votre équipe à ce jour ?

L’équipe est formée. Nous sommes à 48 personnes à ce jour, dont 20 techniciens. De ce fait, c’est un ratio d’un technicien pour un non-technicien, alors qu’auparavant le ratio était d’un pour quatre. C’est une organisation bien plus légère, flexible, dynamique et ce sont des atouts qui nous permettent de bien mener notre mission différemment avec bien plus de confiance.

Quel constat faites-vous du secteur depuis votre arrivée dans la nouvelle institution ?

L’entrepreneuriat s’est très bien développé. Il y a beaucoup de confiance. Je le vois souvent chez ceux qui viennent nous rencontrer. Ils ont des rêves, des projets bien ficelés et s’il y a des manquements, nous sommes là pour les aider. Je pense que les gens ont compris que l’entrepreneuriat représente une alternative valable. Je pense qu’ils ont compris qu’ils peuvent aujourd’hui, plus que jamais, faire confiance aux institutions et qu’ils ont le soutien nécessaire. Nous avons à ce titre observé une hausse du nombre d’entreprises venues s’inscrire chez nous. Rien que pour la période août-septembre, il y a eu une hausse de 100 % du nombre d’entrepreneurs venus s’inscrire auprès de notre Registration Unit.

«Notre rôle est de soutenir l’entrepreneur dans son projet pour qu’il aille à la banque avec les meilleures chances d’avoir du financement. Mais le financement reste l’affaire des banques»

Je pense par ailleurs que l’on doit s’assurer que le traitement et le respect des PME soient à la hauteur du rôle prépondérant qu’elles jouent dans l’économie locale. Toutefois, une redéfinition légale des PME aiderait car il arrive souvent que les entreprises à fort potentiel de croissance dépassent trop vite la barre au-delà de laquelle elles ne peuvent plus être légalement considérées comme des PME. Ce qui ne les qualifie plus pour qu’elles bénéficient des nombreuses aides et des accompagnements à un moment où elles en ont le plus besoin.

Quelles lacunes avez-vous observées ?

Je pense qu’il y a une trop grande diffusion d’institutions de soutien aux PME. Et c’est peut-être l’une des principales causes d’hésitations chez les entrepreneurs. Rien que pour le financement, il y a plusieurs offres, dont trois banques ou encore des fonds de financement privés, toutes des institutions qui parlent à peu près de la même chose. Difficile pour un entrepreneur de savoir par où commencer. Raison pour laquelle nous tablons sur notre Registration Unit afin de les guider au mieux.

Comment cette unité se différencie-t-elle de la défunte MyBiz, «guichet unique» pour les PME, qui n’aurait pas bien marché ?

Nous nous différencions à travers le temps que nous dédions aux entrepreneurs ainsi qu’à travers la qualité des services offerts. C’est une unité consacrée à l’accompagnement initial de l’entrepreneur. Lorsqu’il y vient, nous lui expliquons, pas à pas, ce qu’il doit faire pour monter son entreprise.

La mission première de SME Mauritius, c’est la mise en application du SME 10-year Masterplan. Où en êtes-vous à ce niveau ?

Notre approche se veut holistique. Tous les projets que nous avons initiés jusqu’ici et que nous prendrons à l’avenir s’ins- crivent sur le long terme. La somme de tous ces projets donne les grandes lignes de ce que préconise et qui fait progresser l’application du plan directeur.

C’est-à-dire ?

Il y a plusieurs programmes de financement et d’accompagnement ainsi que des formations adressées à différents niveaux entrepreneuriaux que ce soit pour les start-up, ceux qui veulent perdurer ou encore les entreprises ayant besoin de technologie de pointe.

Prenez par exemple le Bar Code Registration Scheme et le Communication, Visibility and Online Presence Scheme. Leur but est de permettre aux entreprises d’accéder à des marchés à travers la technologie. Or, accéder au marché donne une plus grande visibilité, ce qui a une incidence positive sur le chiffre d’affaires, permettant la pérennité de l’entreprise.

L’autre partie de l’équation concerne la qualité des produits et la certification. Nous accompagnons les entrepreneurs sur ces deux aspects à travers le Hologram Scheme, le Made in Moris Scheme et le Certification Scheme. Pourquoi ? C’est parce que nous voulons que nos entrepreneurs fabriquent des produits de qualité avec un standard, et ce quel que soit leur secteur d’opération. L’objectif est de s’assurer que l’entrepreneur fabrique des produits d’après les demandes et exigences du client.

Qu’en est-il de l’export ?

Le troisième volet concerne justement l’export readiness. Nous offrons plusieurs formations à cet effet. D’ailleurs, nous avons déjà un programme très char- gé jusqu’en décembre en ce sens. Ce programme devrait réunir quelque 350 personnes et devrait se poursuivre au cours du premier semestre de 2019. Il y a par ailleurs des formations prévues pour le mid-range management sur des sujets comme la gestion et la comptabilité. Plusieurs institutions devraient collaborer avec nous en ce sens, parmi lesquelles l’Institut de la Francophonie pour l’entrepreneuriat avec lequel nous allons bientôt signer un protocole d’accord. D’autres formations plus pointues sont également prévues avec l’apport de formateurs étrangers. Ces derniers viendront présenter les dernières tendances dans l’industrie.

Quid de l’accès au financement qui reste le problème majeur des PME ?

À ce jour, il y a deux principales banques qui ont les ressources nécessaires pour aider les PME, soit la MauBank et la DBM, deux institutions avec lesquelles nous travaillons. Je pense qu’il y aura une saine compétition entre ces deux institutions pour financer les entrepreneurs et ce sont les PME au final qui en sortiront gagnantes.

Je souhaite aussi faire ressortir qu’au niveau de SME Mauritius, notre rôle est de soutenir l’entrepreneur dans son projet pour qu’il aille à la banque avec les meilleures chances d’avoir du financement. Mais le financement reste l’affaire des banques.

Qu’en est-il des microentreprises ? Ce segment comprend une bonne partie des PME actuelles (selon le SME 10-year Masterplan) tout en étant les plus vulnérables…

Ce sont souvent des entreprises gérées par une seule personne et qui n’ont pas forcément une plus grande vision que de faire ce qu’elles font déjà. Cela dit, il ne faut pas les laisser sans soutien car elles ont un rôle social important à jouer. Les entrepreneurs opérant comme microentreprises gagnent leur vie, n’ont pas besoin d’un emploi et se débrouillent. Notre rôle dans ce cas est de nous assurer qu’ils perdurent le plus longtemps possible. Comment ? À travers des formations en espérant que cela améliorera leurs activités. Nous organisons également des foires, ce qui permet à ce type d’entreprise d’améliorer sa visibilité et de vendre ses produits. Le Hologram Scheme est également une initiative pour aider les microentreprises, ainsi que la création gratuite de leurs sites Web.

Que répondez-vous aux nombreuses critiques formulées à l’encontre de SME Mauritius depuis sa création ?

Je ne crois pas que les critiques soient justifiées. En si peu de temps, SME Mauritius a accompli beaucoup de projets. Aussi longtemps qu’il n’y aura pas une ligne de communication qui nous permettra d’avoir des discussions dépassionnées et rationnelles, on aura toujours des choses à redire. C’est la raison pour laquelle dès mon arrivée, je me suis attelé à créer cette plateforme pour permettre à toutes les parties concernées de se mettre autour d’une table. Et à partir de là, chacun pourra faire entendre sa voix de façon civilisée. Les réunions se feront trois fois par an. Je suis d’avis qu’il faut adopter une approche sectorielle avec un dialogue constructif, dépassionné, rationnel et consensuel afin de trouver des solutions.