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Milan Meetarbhan: «Réforme électorale : le MSM ne peut pas être juge et partie»
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Milan Meetarbhan: «Réforme électorale : le MSM ne peut pas être juge et partie»
Le MSM souhaite décider du projet de réforme électorale qui aurait l’approbation du Parlement. Mais au dire de Milan Meetarbhan, un parti qui a des intérêts de survie immédiats ne peut pas jouer à l’arbitre central du jeu. D’où le besoin de recourir à une commission indépendante, avance le spécialiste du droit constitutionnel.
On parle beaucoup de réforme électorale, mais l’on semble se diriger vers un autre acte manqué...
Dans toute démocratie qui se respecte, un débat pour réformer le système électoral est crucial. Dans les années 60, durant les consultations constitutionnelles menant à l’Indépendance, ce thème était l’un des principaux enjeux sur la table des discussions. Le système électoral qu’on a finalement retenu pour la Constitution de 1968 (mais déjà mis en pratique durant les élections de 1967) était le fruit de compromis qui nous ont évité de profondes divisions que d’aucuns voulaient instaurer tout en sauvegardant les craintes de plusieurs sections, ou minorités, de la population.
Il est aujourd’hui temps d’aborder la réforme électorale car nous avons vécu pas moins de 11 élections générales selon la formule en vigueur depuis 1967. Nous avons de ce fait des données empiriques qui peuvent nous éclairer sur les faiblesses et l’iniquité du système électoral actuel. De plus, les craintes des années 60 ne sont plus tout à fait les mêmes que celles d’aujourd’hui. Le métissage est d’actualité. Le pays a progressé à bien des égards. Plusieurs propositions ont été formulées depuis.
Soulignons que la première fois qu’un gouvernement a formellement proposé une formule de réforme était en 2014, avec le Consultation Document – des détails des amendements et des recommandations discutés par le Parti travailliste (PTr) et le Mouvement militant mauricien (MMM).
Mais peut-on vraiment avoir un débat de fond quand le procédé de la réforme, lui-même, n’est pas encore finalisé ?
Le présent débat se focalise essentiellement sur les mérites ou critiques des propositions gouvernementales et sur les propositions alternatives. Mais peut-on commencer un jeu sans en connaître les règles d’abord ? On devrait savoir comment et qui va finalement décider de la ou des réforme(s) qui serai(en)t adoptée(s). Actuellement, le seul critère mis en avant, c’est qu’une majorité de trois quarts est requise au Parlement pour que la réforme passe. Ce que cela suppose, c’est qu’étant donné la présente composition de l’Assemblée nationale, si deux partis politiques tombent d’accord sur les propositions de réforme, celles-ci peuvent passer le test parlementaire/législatif !
Dans le contexte mauricien, cela signifie deux leaders politiques (puisqu’ils sont suivis aveuglément par les membres de leur parti respectif). Au final, donc, deux individus peuvent légitimement décider du système électoral qui va organiser la vie politique du pays. Si la réforme est laissée aux partis politiques, elle sera taillée de sorte à satisfaire les intérêts (de survie) de ces politiciens, des intérêts qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux dont la population et le pays ont besoin. One cannot expect party leaders to agree on any electoral reform unless the reform serves their own narrow party interests.
Comment réformer alors ?
En 2014, à la suite de l’accord entre le PTr et le MMM, il y avait suffisamment de votes (au Parlement) pour amender la Constitution et adopter les réformes électorales. Mais le PTr avait insisté sur le fait qu’un mandat du peuple était nécessaire afin d’entériner les propositions de réforme. C’est pour cela que le projet de réforme était dans le programme gouvernemental présenté à l’électorat. At the end of the day, la question demeure : la réforme électorale devrait-elle être laissée uniquement entre les mains des chefs de parti qui ont des vested interests et pas forcément l’intérêt national et l’approfondissement de notre démocratie ?
Par rapport au nombre de parlementaires, par exemple, les leaders pencheront pour une armée encore plus grande, car cela va augmenter leur pouvoir ?
C’est pour cela, entre autres, que nous devons transposer le débat sur le procédé (the process) de la réforme électorale afin qu’on sache, avant de nous lancer dans ce débat, de quoi on parle et si cela vaut vraiment la peine d’en parler dans le détail. Le gouvernement crie sur tous les toits qu’il va considérer des propositions constructives. Pourquoi un parti politique, qui est lui-même un joueur sur le terrain électoral et dont le sort dépendra de la formule électorale dans un an, doit-il déterminer, seul, si telle ou telle proposition est constructive ? Et quelles propositions ne le sont pas !
Quoi que l’on fasse, il y aura toujours le doute que ce parti a privilégié ses propres intérêts au détriment de ceux de la population dans son ensemble, dans sa diversité. Le procédé d’une réforme électorale doit être indépendant et doit être avalisé par le peuple. Les Mauriciens n’ont pas adopté la Constitution en 1968. Cinquante ans plus tard, un changement aussi fondamental de notre démocratie ne peut être fait dans leur dos. Il nous faut donc des recommandations d’un panel indépendant, qui aura écouté et intégré les diverses perspectives. Et la synthèse devrait alors être soumise, par voie référendaire, à la population.
En 2002, il y avait des recommandations formulées par une commission indépendante. Mais le bloc gouvernemental Mouvement socialiste militant (MSM)-MMM n’était pas d’accord avec ces recommandations ; et celles-ci n’ont jamais été présentées au public. Le MSM souhaite maintenant décider quel projet de réforme devrait aller au Parlement et quelle autre formule il pourra adopter avec le soutien d’un allié ponctuel. Un parti qui a des intérêts de survie immédiats ne peut pas jouer à l’arbitre central du jeu ; et siffler sur ce qui est acceptable ou hors-jeu. D’où le besoin de recourir à une commission indépendante.
Et quid du soutien assez surprenant de Rezistans ek Alternativ ?
Je dois avouer que j’ai été surpris par ce parti, qui s’est battu pour des principes dans le passé et qui dit aujourd’hui que les trois partis «mainstream» devraient trouver un accord sur les détails de la réforme avant de les voter au Parlement. Even this party is not talking about approval or a mandate from the people. Cela traduit le fait que chaque regroupement politique court surtout derrière ses propres intérêts dans tout projet de réforme et se mue en un groupe d’opportunistes, comme les partis «mainstream»…
De toute façon, ce n’est pas convenable de proposer des réformes à la veille des élections. Car tout changement aura un impact sur les voting patterns.
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