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Recensement ethnique d’un point de vue anthropologique : la classification des Mauriciens est quasi-impossible

1 novembre 2018, 12:38

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Recensement ethnique d’un point de vue anthropologique : la classification des Mauriciens est quasi-impossible

«Le système politique à Maurice est ouvertement communal. Je ne comprends pas pourquoi les brochures touristiques dessinent le portrait d’une nation ayant une coexistence pacifique des groupes multiethniques alors que les conflits ethniques sont ancrés dans tous les aspects du quotidien d’un Mauricien.» Extrait d’un papier de recherche signé Ari Nave, un anthropologue américain, dans le cadre d’une conférence en Ecosse en juin 1997. Les observations de l’Américain datent de plus de deux décennies mais demeurent une réalité.

Ari Nave se demande comment le système à Maurice arrive à «dissiper des formes intenses de violences ethniques et communales». Il dit d’abord que, malgré les apparences, aucun groupe ethnique ne détient la balance du pouvoir. Il évoque également le fait que pendant les élections, les partis politiques utilisent l’identité communautaire pour «guider» les candidats de chaque circonscription.

La topographie sociale de Maurice est, selon Ari Nave, compliquée. La raison? «Les Mauriciens définissent les groupes en fonction de leur héritage linguistique, leur religion, leur caste et autres catégories, ce qui crée une confusion pour les Mauriciens ainsi que pour les étrangers. Par exemple, si on parle d’hindous à Maurice, on ne parle pas forcément d’un groupe religieux mais aussi d’une communauté de personnes qui partagent les mêmes normes et cultures.»

Communauté et non groupe ethnique

Ari Nave cite l’exemple du bureau de l’état civil qui classifie comme hindou ceux qui pratiquent l’hindouisme mais aussi les descendants hindous qui pratiquent le christianisme. «À Maurice, les hindous sont considérés comme étant une communauté et pas un groupe ethnique», poursuit-il dans son observation.

Ari Nave conclut en notant que le Best Loser System de Maurice fait qu’il n’y a pas de violence sur fond d’ethnicité à Maurice. «Le système marche car aucun groupe culturel a une mainmise sur le pouvoir politique ou économique.» L’anthropologue explique toutefois qu’il n’est pas sûr que les Mauriciens continueront ou pas à voter pour les candidats en se basant sur leur caste, ethnie ou communauté.

Recensement comme arbitre politique : danger !

Le chercheur Anthony John Christopher s’est également penché sur la complexité de l’ethnicité, de la communauté et du recensement à Maurice, dans The Geographical Journal, publié par The Royal Geographical Society. En 1991, le professeur en géographie avait axé ses travaux sur la nature «complexe» des compositions ethniques à Maurice et de l’incidence que cela avait dans la classification des différentes communautés existantes.

Plusieurs solutions ont été tentées mais la population continue d’évoluer à travers l’immigration et les mariages entre différents groupes ethniques. «Le problème de classification de la population a été immédiatement apparent dans les années 1830 avec l’émancipation des esclaves.»

L’auteur poursuit en disant que le recensement ethnique et les classifications raciales ont été «entachés » de problèmes politiques. Pour lui, la création de la catégorie «Population générale» démontre «la quasi-impossibilité» de procéder avec une classification raciale.

Il estime que le cas de Maurice doit servir comme exemple à d’autres pays pluriethniques. «Cela comporte un double risque. Le premier danger porte sur l’utilisation un recensement comme arbitre politique et le deuxième est l’abandon des tentatives de reconnaître les communautés qui s’auto-identifient dans le but de parvenir à l’égalité.»