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L’opinion publique se mobilise
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L’opinion publique se mobilise
La majorité est sous le feu des critiques depuis le vote, en catimini, du Judicial and Legal Provisions Bill aux petites heures le mercredi 31 octobre. Tentative d’intimidation, de limiter les libertés, de museler la presse et les critiques contre le gouvernement sur les réseaux sociaux. Autant de motifs attribués à la majorité après l’adoption du projet de loi. En attendant la promulgation de la loi suivant l’assentiment du président par intérim, Barlen Vyapoory, l’opinion publique se mobilise.
Ce sont surtout les amendements à l’Information and Communication Technologies Act (ICTA) qui inquiètent, notamment l’article 47. Une fois la loi promulguée, tout utilisateur de Facebook, WhatsApp, Twitter et YouTube court le risque de se retrouver dans le collimateur de la police. La raison étant que toute publication sur les réseaux sociaux ou message «likely to cause or causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person» pourrait lui valoir une accusation provisoire.
Un délit passible de dix ans d’emprisonnement, contre cinq auparavant. D’ailleurs, avant l’amendement, cet article de l’ICTA faisait simplement mention d’une personne ayant été «distressed» ou ayant subi une forme d’«anxiety». Il lui fallait de plus prouver que l’auteur d’un post ou d’un message avait l’intention de lui nuire.
Même un fan de Manchester United…
Dénonçant un «government of censorship», le chef de file du Parti travailliste (PTr) au Parlement est d’avis que la loi ne vise pas principalement les politiciens. Selon Shakeel Mohamed, c’est le citoyen lambda qui sera sanctionné. «Un simple fan de Manchester United peut se plaindre d’avoir été agacé par un post sarcastique ou critique. Tout le monde est menacé et surtout les jeunes.»
Pour lui, l’Attorney General et les parlementaires de la majorité ont utilisé de faux arguments pour justifier ce durcissement des peines. L’armada juridique est suffisante concernant le harcèlement sur Facebook ou encore la pornographie infantile. Tout comme les propos à caractère racial et sexuel, souligne Shakeel Mohamed.
Concernant le terme «annoyance», ce terme existait certes déjà dans la loi. Sauf que, «avant, il fallait prouver spécifiquement qu’il y avait intention de nuire». Dorénavant, «ce ne sera plus nécessaire». Le PTr a, du reste, annoncé qu’il va «repeal» ces lois qui portent atteinte à la liberté d’expression, une fois au pouvoir.
Arme électorale
Au Mouvement militant mauricien (MMM) et au Parti mauricien social-démocrate (PMSD) aussi, l’on martèle que le gouvernement n’hésitera pas à utiliser cette nouvelle arme, surtout en cette période préélectorale. De faire remarquer que le Premier ministre a récemment affirmé être victime de dénigrement, en brandissant une caricature. Il avait aussi dénoncé, il y a peu, la circulation d’une photo de son épouse, Kobita Jugnauth, en compagnie du Chief Executive Officer de Mauritius Telecom, Sherry Singh. «Il faut être aveugle pour ne voir la motivation du gouvernement qui brandira des peines plus sévères afin de protéger Pravind Jugnauth contre les critiques», affirme Adrien Duval, député du PMSD.
La presse aussi ne sera épargnée, prévient-il. Désormais les journaux publiant des articles critiques sur le Web risquent d’être poursuivis, déclare-t-il. Raison pour laquelle les termes «to annoy, to cause inconvenience et any message» n’ont pas été définis et demeurent extrêmement vagues. Ce serait, insiste Adrien Duval, pour faire pression sur la presse et autres voix discordantes.
Reza Uteem, président du MMM, parle, de son côté, d’un copier-coller d’une loi indienne sur la censure de l’Internet, «cassée» par la Cour suprême en 2015. Loi controversée qui, grâce à un vocabulaire très vague, avait permis des arrestations arbitraires de dissidents politiques. En septembre 2012, par exemple, une adolescente avait été détenue pour avoir écrit sur son compte Facebook qu’elle ne comprenait pas pourquoi tous les commerces de Mumbai avaient dû fermer suivant le décès d’un politicien d’extrême droite. Les politiciens indiens avaient utilisé cette loi pour faire taire des voix dissidentes.
Une certitude pour les opposants politiques : il ne sera pas possible de faire campagne sur les réseaux sociaux comme cela avait été le cas en 2014. «C’est un fait que la campagne sur Facebook, surtout le clip Vire Mam, a grandement contribué à ce que l’alliance Lepep remporte les dernières élections», fait valoir Adrien Duval. C’est justement cela que le pouvoir en place veut éviter à l’approche des législatives, soutiennent les députés de l’opposition. «Mais au contraire, c’est une mesure qui provoque davantage de critiques», observent-ils.
Les partis politiques n’écartent pas la possibilité de «challenge» en justice ces amendements à la loi, en se basant sur l’article 12 de la Constitution. D’ici là, la loi va changer le comportement des gens dans leur quotidien, pensent des spécialistes, dont Ish Sookun, qui avance que la plupart d’entre eux ne font pas la différence entre un post et un commentaire dans la rue. Les 400 000 membres mauriciens de Facebook sont prévenus.
Manque de ressources policières
À la Cybercrime Unit entre-temps, l’on s’attend à une augmentation considérable du nombre de plaintes après la promulgation du Judicial and Legal Provisions Bill (2). Officiellement, au niveau de cette unité, pas de déclaration malgré nos sollicitations. Il nous revient cependant que la Cybercrime Unit et l’IT Unit manquent cruellement de formation et de ressources pour faire face à la nouvelle donne.
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