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Boycott de l’express: quand Ramgoolam réécrit l’histoire

22 novembre 2018, 21:58

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Boycott de l’express: quand Ramgoolam réécrit l’histoire

SI, officiellement, aucun fonctionnaire ne sait d’où vient l’ordre, un début de boycott du journal l’express a déjà commencé dans plusieurs ministères et départements de l’État. Nos services de vente et de distribution l’ont déjà constaté au grand dam des fonctionnaires, lecteurs de l’express.

Un boycott dénoncé hier, mercredi 21 novembre, par le leader mauve, Paul Bérenger, qui parle d’atteinte grave à la liberté de la presse. Si d’autres partis s’alignent sur la position du MMM, le PTr se retrouve coincé. Le leader rouge, Navin Ramgoolam, qui s’est exprimé à sa sortie de la cour intermédiaire, a tenté de se défendre concernant le boycott gouvernemental de l’express. Il a affirmé que lorsqu’il était au pouvoir de 2005 à 2014, il n’a jamais ordonné à ce que le quotidien soit banni de l’aéroport et des avions.

En effet, à partir de 2005, les journaux de l’express étaient introuvables sur les vols d’Air Mauritius (MK) après la parution d’articles critiques contre la direction, suivant des tensions au sein de la compagnie d’aviation nationale. «Kapav pa inn kominiké kouma bizin, mé pa mwa kinn donn lord», a déclaré mardi l’ancien Premier ministre.

«La décision a été prise dans les hautes sphères»

Qui avait donné l’ordre alors ? Navin Ramgoolam met la faute une nouvelle fois sur Nirvan Veerasamy, ancien directeur général de MK, comme cela a été le cas dans le passé. Ce dernier étant à l’étranger, il n’a pu répondre à nos questions.

En revanche, un ancien membre du conseil d’administration de MK se souvient des pressions pour boycotter le quotidien. «La décision a été prise dans les hautes sphères», dit-il. À cette époque, l’ensemble du gouvernement, et plus particulièrement le bureau du Premier ministre (PMO), avance-t-il, était mécontent de l’express. Et de déplorer que MK soit sous la tutelle du PMO. «C’est un peu ridicule aujourd’hui qu’il vienne dire qu’il (NdlR, Navin Ramgoolam) n’était pas au courant de cela», estime cet ex-board member de MK.

Dans une tentative de se démarquer de l’actuel gouvernement, Navin Ramgoolam devait poursuivre : «Eski mo déza amenn enn lalwa kont bann dimounn ki ékrir lor Facebook ou lézot social media ? Ditou.» Si, en effet, les réseaux sociaux n’ont pas été inquiétés, la presse, elle, n’a pas été épargnée pendant l’ère des travaillistes. Conflits, critiques sur les estrades publiques, intimidation mais aussi menace d’introduire une loi-cadre pour mieux réglementer la presse ont marqué cette période. Navin Ramgoolam avait qualifié les journalistes de «semi intellectuels».

Réaction rétrograde

C’est dans ce contexte tendu que l’avocat britannique Geoffrey Robertson avait été sollicité pour rédiger un rapport sur la presse. Des relations de plus en plus tendues à l’approche et à la fin de la campagne électorale de 2010 où l’alliance de l’Avenir (PTr-MSM) avait remporté les élections.

Bien que le texte de loi ne soit jamais présenté à l’Assemblée, l’express se retrouvera néanmoins sous le coup d’un boycott publicitaire. Avec toujours des ordres venus «d’en haut», l’objectif étant de provoquer l’asphyxie des journaux du groupe. Ces instructions données à l’époque aux Government Information Services de ne plus accorder de publicité gouvernementale aux publications du groupe.

Ces mesures répressives ne s’arrêteront pas là. Les journalistes de l’express se verront aussi interdits d’accès à une conférence de presse de Pravind Jugnauth, vice-Premier ministre et ministre des Finances à l’époque. Suite à quoi, le groupe déposera, le 31 mai 2010, une demande d’injonction devant la Cour suprême. Cette crise entre l’express et l’ancien gouvernement de Navin Ramgoolam inquiétera ainsi Reporters sans frontières.

«Nous condamnons l’attitude du Premier ministre, Navin Ramgoolam, qui met régulièrement en avant la modernité de Maurice, mais réagit en l’occurrence de façon rétrograde», avait déclaré Reporters sans frontières. La décision de ne pas octroyer des publicités et d’interdire les journalistes de La Sentinelle à la conférence de presse avait été déplorée par le Département d’État américain de l’époque.