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Zulu: «Tout est piston ou presque à Maurice»
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Zulu: «Tout est piston ou presque à Maurice»
Il en a marre de souffrir à chaque accouchement d’un album. Alors que sort son troisième, il nous partage le blues qui berce sa vie depuis qu’il est petit. Sa maman étant partie, il ne veut plus rester petit… Interview avec un artiste qui puise sa force dans les épreuves quotidiennes.
Monsieur Zulu, c’est votre troisième et... dernier album ?
(Gros rires…) J’aime bien «Monsieur Zulu». J’avais choisi le nom de scène «Zulu» pour précisément rendre ses lettres de noblesse au Zulu. Quand vous dites «Monsieur Zulu», je souris intérieurement, je suis content d’avoir atteint, quelque peu, l’objectif...
Pourquoi baissez-vous les bras ? Est-ce si dur à produire un album ?
Je ne veux pas les baisser. J’assume en homme entier ma vie musicale et la trajectoire de ma carrière. À Maurice, un artiste doit être un vrai passionné de musique ou un vrai guerrier pour sortir un album. D’ailleurs Tango Bluz est la somme de deux années de dur labeur, d’acrobaties financières de tous genres.
Alors que l’album est sur le point d’être finalisé, j’essaie encore de joindre les deux bouts. Quand on m’écoute chanter sur les ondes, ou quand on me voit sur scène, personne ne peut, et personne ne doit, douter des problèmes. Tant mieux. Pourtant ils existent. Et empêchent le développement de notre musique.
Pourtant vous êtes l’un des artistes les plus demandés. La semaine dernière, vous lanciez les soirées acoustiques de Hilton…
L’acoustique, c’est précisément le signe distinctif de Tango Bluz. Le retour aux sons de base, à la ravane – on va écouter après vous verrez.. Pour répondre à votre question, quand on m’invite, j’y vais. J’aime varier les décors et les publics. C’est vrai aussi que lorsque vous visionnez la vidéo de La métisse sur YouTube, celle-ci recense plus de 2,4 millions de vues. C’est énorme pour le contexte mauricien. Mais saviezvous que je n’ai reçu aucune compensation pour cela ? En d’autres mots, je suis seul responsable de mon destin de chanteur.
Vous n ’avez tiré aucun profit de la chanson «La métisse» ?
C’est exact. Je n’ai pas eu le moindre sou pour toutes ces vues sur YouTube. Les likes ne paient pas mes factures. Ma musique est ubiquiste, on l’entend sur les plages espagnoles, au Canada, en Australie, et les gens venant de pays différents me félicitent. La musique mauricienne voyage. Mais les musiciens restent an plas, bouz fix. N’est-ce pas normal, alors, qu’ils se laissent gagner par le désespoir, le blues…
Pensez-vous que vos fans connaissent la douleur d’accoucher d’un album ?
Ah non… Soyons cyniques. Tout est piston ou presque à Maurice. Mais les artistes ne doivent pas avoir d’état d’âme. Quels que soient les problèmes auxquels nous sommes confrontés, le moment où nous montons sur scène, nous devons tout laisser derrière nous. C’est du pur show business. The show must go on, my friend!
D’ailleurs, je me souviens, comme si c’était hier, du jour où ma mère m’a quitté pour toujours, l’enterrement était à 16 heures et j’avais un concert à 20 heures. À ce moment-là, je ne savais pas comment j’allais faire, mais machinalement j’ai mis de côté ma vie personnelle, suis monté sur scène, et j’ai joué. Mes larmes ont coulé, mais le public n’a rien vu, même s’il a sans doute senti l’émotion quand j’ai essuyé mes larmes.
Outre la musique, la mer demeure votre deuxième passion. Vous avez un bateau et proposez des promenades dans les alentours de Mahébourg.
La musique et la mer me font vivre. Elles sont indissociables à mon équilibre. À un moment, je voulais consacrer tout mon temps à la musique.
Le succès était là… C’était du Zulu Peak Time et j’ai voulu savourer pleinement cet instant. Vivre pleinement de la musique. Mais c’était un leurre. Je me mentais à moi-même. Je vivais dans un rêve.
Depuis, j’ai repris mon traintrain, je suis sur scène un samedi soir, je rentre à la maison vers 5 heures du matin et à 8 heures je me retrouve à nouveau en train de travailler sur mon bateau.
Il n’y a pas à sortir de là. Parce que l’argent que je gagne est utilisé pour payer les musiciens, ingénieurs du son et les autres personnes qui travaillent avec moi pour faire naître cette musique que je porte en moi. À la fin, ce qu’il me reste comme économie est investi dans un studio, juste pour dire qu’un album est équivalent à deux ans de dettes. C’est la réalité des artistes. Par pudeur, beaucoup se taisent.
Est-ce que ce nouvel album vous aide à apaiser votre blues ?
La plume et le papier m’aident beaucoup à m’exprimer. Je dirai même qu’ils exorcisent mon âme. La musique devient plus puissante qu’autre chose. Tu dors et tu te lèves avec cette même musique. Celle qui va faire vibrer le coeur des autres.
C’est plume et papier et puis mélodie ? Ou est-ce que la mélodie vient en premier ?
(Pause, réflexion) C’est un mélange. Ça peut être la mélodie en premier. Mais dans ce cas-là, ça devient un problème pour moi vu que je dois à ce moment trouver le texte pour ce son et ça peut prendre deux jours tout comme deux mois. Quand j’ai le texte, c’est plus facile. Mais heureusement qu’il y a Uvi aussi.
S’agissant de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, quoi penser des amendements introduits par ce gouvernement ?
Je suis les débats, lis les journaux et me demande pourquoi en Inde une loi similaire n’a pas eu le feu vert de la Cour suprême. J’ai mon opinion, je suis un artiste et non pas un politicien. Je fais ma musique et je laisse les politiciens «diriger» le pays. Néanmoins, je trouve ces 10 ans de prison un peu durs.
Quand vous écrivez, prenez-vous en considération ces limites imposées à la liberté d’expression ?
(Rires) Ces limites que vous mentionnez, je les écris et je les mets dans le tiroir. C’est un peu dû à l’éducation que j’ai eue. Je suis d’une famille modeste où mon papa était pêcheur et gardien de campement des «missié là». Quant à ma mère, elle était bonne à tout faire.
Le matin quand je me levais, il y avait un code que je devais respecter. C’est-à-dire, quand je voyais les patrons, je disais «bonjour monsieur» et «bonjour madame». Ma maman me disait «Petit, fais-toi petit». J’ai grandi petit, je suis devenu un homme petit jusqu’au jour où je décide de ne plus être petit. Je décide alors de me faire grand à travers ma musique contre vents et marées…
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