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«Gilets jaunes» à La Réunion: un couple de Mauriciens voit la vie en rose
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«Gilets jaunes» à La Réunion: un couple de Mauriciens voit la vie en rose
Cela fait 15 jours depuis que l’île sœur est paralysée. Tenue en «otage» par des milliers de citoyens verts de rage, portant des Gilets jaunes. Ce qu’ils revendiquent : davantage de justice sociale, un coût de la vie moins élevé, le droit à un avenir meilleur. Pendant qu’ils broient du noir, Sandy et Sheila Ramtohul, des Mauriciens établis à La Réunion depuis plusieurs années et qui gèrent l’échoppe Mina Dhallpuri, voit la vie en rose.
Cinq jours sur 13, ils ont dû fermer boutique. S’ils admettent que la crise sociale les affecte financièrement, Sandy et Sheila Ramtohul, des Mauriciens installés à La Réunion depuis plus de 10 ans, partagent haut et fort leur solidarité avec les «Gilets jaunes». Nous sommes allés à la rencontre de ce couple réputé pour ses dholl puri et «pharata», entre autres spécialités mauriciennes, au petit marché de Saint-Denis, jeudi 29 novembre.
C’est la pause-déjeuner. Leur échoppe, Mina Dhallpuri – en hommage à la maman de Sheila – qui est opérationnelle depuis 2008, est loin de tourner au ralenti. Les clients interrogés ce jour-là soutiennent qu’en sus d’être satisfaits du rapport qualité-prix, le service offert est rapide. N’empêche qu’en ces jours de mobilisation des «Gilets jaunes», le peu de jours qu’ils parviennent à travailler, Sandy et Sheila sont contraints de baisser les rideaux à 14 h 30 alors que le marché ferme à 18 heures en temps normal.
«Gouverna pé fer kouyonad»
Sandy raconte que c’est la première fois qu’il assiste à un tel mouvement, depuis qu’il est installé à La Réunion. «Bann Gilets jaunes éna rézon. Lavi tro ser. Éna boukou somaz. Gouverna pé fer kouyonad», fait ressortir Sandy.
Avant l’île sœur, ce dernier a vécu 18 ans en France, où il a d’ailleurs obtenu ses papiers. Le 17 décembre 2001, avec sa femme Sheila, leurs deux enfants en bas âge, 2 000 francs en poche et trois valises, il débarque à La Réunion. Ce, au bout de six heures de traversée à bord du bateau l’Ahinora–Spirit of Port-Louis.
Le couple explique qu’à Maurice, il n’arrivait pas à joindre les deux bouts et que le compte en banque était maigre bien avant la fin du mois. Comme Sandy avait ses papiers, ils en ont profité pour émigrer à l’île sœur. «Une fois ici, nous n’avions nulle part où aller. Nous avons marché jusqu’à un pensionnat que connaissait mon mari pour passer la nuit. On a dû partir de là dès le lendemain car il n’y avait que des travailleuses du sexe sur place», confie Sheila.
Traînant alors ses trois valises, dans les rues de la capitale réunionnaise, le couple se met à la recherche d’un autre pensionnat. Mari et femme y séjournent jusqu’au jour où des amis acceptent de les héberger. Sandy gagnait alors sa vie en faisant de petits boulots ici et là.
Situation irrégulière
La vie des Ramtohul sera loin d’être un long fleuve tranquille. «Sa kamarad kot nou ti pé resté-la inn vann nou. Mo pa ti ankor éna mo bann papié», se rappelle Sheila, toujours marquée par cette étape de son émigration. La police aux frontières embarquera le couple et celui-ci sera même placé en garde à vue. «Heureusement qu’avant cela, nous avions pu confier les enfants à d’autres amis pour qu’ils ne vivent pas ce qu’on a vécu», fait valoir Sheila.
Pour pouvoir régulariser sa situation, celle-ci est alors contrainte de retourner à Maurice pendant un mois sans ses enfants, restés avec leur papa. Ce qu’elle exécutera sans broyer du noir. Lorsqu’elle regagne à nouveau La Réunion, elle doit retenir les services d’un avocat mauricien là-bas, pour pouvoir entamer ses démarches afin d’obtenir ses papiers. Elle passera également devant le tribunal administratif et son histoire a également fait la une de la presse réunionnaise.
Alors que Sandy, de son côté, a exercé tour à tour comme chef de rang et serveur, Sheila, elle, une fois régularisée, a aussi dû se débrouiller pour gagner sa vie. Elle a été femme de ménage et a travaillé dans un snack. Jusqu’au jour où la mère de famille a commencé à vendre des fritures mauriciennes.
«Mo’nn koumans par dis pima farsi, dis gato brinzel, dis gato lisou», raconte-t-elle sans se départir de son sourire contagieux. C’est un de ses fidèles clients qui lui demandera alors de faire des dholl puri. Au départ, Sheila est réticente à cause du temps que cela prend pour une telle préparation. En raison de la demande, elle s’y lance sans trop y croire.
«Zordi mo kwi vidé»
La notoriété du couple Ramtohul prend alors son envol. «Lontan, mo ti pran dé-zer-tan trwa-zer- tan pou fer dis dalpouri. Zordi mo kwi vidé», se réjouit le cordon-bleu qu’est Sheila. Aujourd’hui, les enfants de Sheila et de Sandy ont 25 et 24 ans respectivement. L’aînée fait son Brevet de Technicien Supérieur (BTS) en alternance dans le bâtiment et travaux publics alors que le benjamin est chef dans la restauration.
En sus d’être les heureux grands-parents de trois petits enfants, le couple Ramtohul a surtout, aujourd’hui, «la tranquillité d’esprit». Ce, à force de patience et de persévérance.
Karen Walter
Anne-Lise Mestry
(de l’île de La Réunion)
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