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Enseignement supérieur gratuit: une mesure, des gains politiques ?
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Enseignement supérieur gratuit: une mesure, des gains politiques ?
Quelle est la portée politique de la mesure-phare annoncée par le Premier ministre ? À ce jour, les états majors politiques préfèrent attendre avant de prendre position. C’est dire à quel point l’éducation demeure un sujet éminemment sensible chez nous...
Ce n’est pas une promesse électorale, mais bel et bien une mesure qu’a annoncée le Premier ministre, Pravind Jugnauth, mardi soir à la nation. Depuis le début de cette année, ceux qui suivent des cours dans une des institutions supérieures publiques ne débourseront plus aucun sou pour payer leurs études.
Les prochaines élections générales n’ont pas encore été fixées mais une telle mesure, qui est d’ailleurs très bien accueillie par l’ensemble de la population, redore le blason du gouvernement, particulièrement celui du Premier ministre, dont l’entourage espère récolter des dividendes politiques. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement fait de grandes annonces en vue d’obtenir des gains politiques.
Nos aînés se souviendront de cette annonce à la veille des élections du 20 décembre 1976, quand le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, lors d’un programme politique, avait annoncé que l’éducation secondaire et universitaire sera gratuite. «Cela a été toujours mon ambition» et il avait qualifié cette annonce de «grande révolution socialiste».
Mais ce n’est pas pour cette raison que le Parti de l’Indépendance que dirigeait sir Seewoosagur Ramgoolam n’allait pas briller au scrutin du 20 décembre, ne remportant que 25 sièges sur un total de 62. Il avait été devancé par le MMM qui a obtenu 30 sièges. Mais une coalition avec le PMSD a alors permis à sir Seewoosagur Ramgoolam de demeurer au pouvoir.
Pour Dharam Gokhool, ancien ministre de l’Éducation, aujourd’hui observateur politique, une telle mesure, si elle est bien planifiée, pourrait donner des points au gouvernement. Mais, dit-il, à ce stade, il manque des détails et la population reste dans le flou. Il cite l’annonce de la fourniture d’eau 24/7 qui aujourd’hui sonne comme un slogan creux. «Parce que quand on a annoncé cette mesure, il n’y avait aucune planification et le gouvernement est critiqué pour cela. Cela pourrait être le cas pour cette mesure.»
Il rappelle que la décision de rendre l’éducation secondaire gratuite était une bonne chose, mais que le gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam avait «trop de casseroles», et cela n’a pas donné les résultats escomptés pour le PTr et ses alliés de l’époque.
«Je suis d’accord»
Un autre ancien ministre de l’Éducation, Armoogum Parsuramen, estime, lui, que si l’intention de rendre l’enseignement supérieur gratuit est une mesure électoraliste, alors «ce n’est pas sérieux». «Mais si le gouvernement veut redorer le blason de cet enseignement et permettre à un plus grand nombre de Mauriciens de fréquenter une institution d’enseignement supérieur, alors je suis d’accord.»
Armoogum Parsuramen est d’avis qu’une telle mesure aura un impact positif pour le gouvernement, mais faut-il avant tout attendre les critères et autres conditions pour connaître le réel poids politique d’une telle décision.
Feizal Jeerooburkhan de Think Mauritius trouve que l’idée de rendre l’enseignement supérieur gratuit est «excellente». Il soutient que tous les politiciens proposent des mesures populaires pour marquer des points. «La population réagit quand on touche à sa poche et cette annonce du Premier ministre intéresse tout le monde et j’estime qu’il y aura un impact sur le plan politique.» Toutefois, il émet des réserves sur l’application de cette mesure car rien n’a été planifié.
Par contre la classe politique refuse pour l’heure de réagir sur l’annonce de cette mesure. Le MMM par la voix de son président, Rajesh Bhagwan, indique que c’est la semaine prochaine que son parti analysera cette décision et Patrick Assirvaden du PTr de suggérer qu’il est «encore tôt» pour commenter cette mesure.
De l’éducation gratuite à l’augmentation des pensions
Il est un fait que des politiciens cherchent toujours une mesure-phare pour épater l’électorat. Il y a certes un manifeste électoral qui contient les différentes promesses électorales, mais un leader politique annonce toujours une mesure populaire à quelques semaines ou jour des élections. Les exemples ne manquent pas à Maurice. En voici quelques uns :
- 1976 : Annonce par sir Seewoosagur Ramgoolam que l’éducation secondaire sera gratuite. Effectivement en janvier 1977, aucun élève fréquentant une institution secondaire ne paie les «fees».
- 1982 : Recrutement de quelque 20 000 jeunes et le Premier ministre sir Seewoosagur Ramgoolam annonce que ces jeunes obtiendront un emploi permanent. Mais deux semaines après les élections du 11 juin, le gouvernement MMM-PSM licencie toutes ces recrues.
- 1995 : Navin Ramgoolam annonce une augmentation de 100 % de la pension de vieillesse. Cela a pris effet à partir de janvier 1996. Sir Anerood Jugnauth , alors Premier ministre annonce une augmentation de 15 % pour tous les fonctionnaires à partir de janvier 1996. Réplique du leader de l’opposition d’alors, Navin Ramgoolam : «Moi ki pou là moi ki pou donné». Résultat, le PTr-MMM obtient un 60-0. Mais pas d’augmentation pour les fonctionnaires. C’est Rashid Imrith de la Government General Services Union qui entame des démarches auprès du Tribunal d’arbitrage permanent pour que les fonctionnaires touchant moins de Rs 20,400 obtiennent trois augmentations au lieu d’une et les autres une augmentation salariale de Rs 1 800.
- 2005 : Navin Ramgoolam, alors dans l’opposition, annonce que le transport deviendra gratuit pour les écoliers et étudiants. Cette mesure prend effet quelques semaines après.
- 2014 : Annonce de l’alliance Lepep pour que les prestations sociales passent à Rs 5,000. Une mesure introduite immédiatement après les élections. Autre annonce, la réintroduction des subventions sur les frais d’examens de SC et de la HSC. Chose promise chose due.
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