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Sept ans après la dépénalisation: la loi étant limitative, l’avortement clandestin se poursuit

4 mars 2019, 19:30

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Sept ans après la dépénalisation: la loi étant limitative, l’avortement clandestin se poursuit

Les complications liées à l’avortement sont en baisse. Les mentalités ont changé. Mais l’interruption volontaire de grossesse n’étant permise que dans quatre cas, elle se poursuit dans l’illégalité.

Une adolescente de 15 ans s’est fait avorter avec le coup de main de son petit ami de 22 ans, qui a été arrêté lundi dernier. En Argentine, une césarienne a été pratiquée sur une fillette de 11 ans, violée par le mari de sa grand-mère, les médecins ayant invoqué leur objection de conscience pour ne pas avoir interrompu sa grossesse. L’occasion de revenir sur la situation à Maurice depuis la dépénalisation de l’avortement, dans des cas spécifiques, il y a bientôt sept ans.

Juin 2012. L’avortement est rendu possible, sous des conditions spécifiques, dans les premières quatorze semaines suite à des amendements apportés à l’article 235 du Code Pénal. L’interruption volontaire de grossesse est, depuis, autorisée – sans aucune poursuite – dans quatre circonstances : dans l’éventualité que la poursuite de la grossesse constitue un danger à la vie de la femme enceinte ; dans le cas où l’avortement et nécessaire pour prévenir tout risque pouvant affecter la vie et la santé physique et mentale de la femme enceinte ; dans la mesure où le maintien de la grossesse est susceptible de générer des conséquences graves comme la malformation ou des difformités du fœtus, sur avis de médecins spécialistes, et finalement, si la grossesse est la conséquence d’un viol, de relations sexuelles avec mineure, avec le cas rapporté à la police ou à un médecin.

Est-ce que la dépénalisation a eu une incidence sur le nombre d’avortements clandestins, depuis ? Non, affirme Lindsey Collen du Muvman Libersayon Fam. «Les quatre circonstances indiquées sont limitatives. D’ailleurs, cela prend du temps à prouver qu’il y a eu un viol, par exemple, ou encore un des problèmes mentionnés», affirme-t-elle. Cependant, ce qui a changé c’est la mentalité. Du moins, la pensée de certains. «La société ne s’acharne plus sur les femmes qui ont recours à l’avortement. Il faut aussi se rendre à l’évidence que celles qui souhaitent se faire avorter n’ont pas nécessairement été victimes de viol, ou qui soient tombées enceintes alors qu’elles sont des mineures», souligne Lindsey Collen.

Selon cette dernière, il faut élargir les paramètres de cette loi, et expliquer précisément qui sont ces personnes du domaine médical autorisées à pratiquer un avortement. Car, de nombreuses personnes se rendent à des pharmacies pour se procurer des pilules abortives (voir ci-contre). «Ce n’est pas parce qu’on va changer la loi qu’il y aura plus d’avortements. Enn fam ki santi li bizin fer avortman fode pa lapolis galoup deryer li», estime-t-elle.

Tout en concédant que les amendements apportés constituent un pas en avant, Vidya Charan, présidente de la Mauritius Family Planning & Welfare Association, souligne, elle aussi, qu’il s’agit d’un cadre juridique restreint. «Ce qui fait que celles qui se trouvent dans une situation de détresse, ce qui n’est pas couvert par la loi, vont toujours se tourner vers l’avortement clandestin», dit-elle.

Toutefois, Vidya Charan n’est pas pour la libéralisation totale de l’avortement. Elle prône, plutôt, la responsabilisation. «Il n’y a pas que des adolescentes, mais aussi des femmes qui sont concernées. Et des rapports médicaux indiquent que sur dix cas, une personne va avoir des complications. Il s’agit, après tout, d’un problème médical.»

Pilules abortives

En effet, ce n’est pas un secret que les pilules abortives se vendent sous le comptoir de certaines pharmacies. Une pratique que condamne le président de la Pharmacy Association of Mauritius, Arshad Saroar. «Lorsqu’on prend connaissance de ces cas, on les rapporte au ministère de la Santé. Quant aux personnes qui se présentent à la pharmacie, désirant acheter des pilules, on leur dit qu’il faut que la femme enceinte aille se faire ausculter chez un gynécologue. Car, c’est uniquement contre une prescription médicale qu’on donne les médicaments en question. Toutes les tranches d’âge sont concernées.»

Il ajoute que depuis que les amendements relatifs à l’avortement ont été apportés, il y a eu une baisse du nombre de personnes qui ont recours aux pharmacies. «Sans compter que maintenant, les gens sont plus conscients. Avant de passer à l’acte sexuel, ils savent très bien quelles pourraient être les conséquences. Et puis, davantage de femmes se rendent chez des gynécologues. Les tabous commencent à disparaître», déclare Arshad Saroar.

Certes, la femme rend visite à son gynéco pour des problèmes relatifs à la grossesse. Ce ne serait pas, en règle générale, parce qu’elle ne veut pas du bébé qui grandit en elle, mais plutôt en raison de complications, notamment en cas de grossesse non embryonnée ou encore, d’une fausse couche. «La plupart du temps, ce sont des femmes qui veulent avoir un bébé qui viennent voir le gynécologue. Dans l’éventualité qu’on reçoive une femme qui souhaite se faire avorter pour des raisons qui ne sont pas permissibles juridiquement, on lui dit que ce n’est pas autorisé», explique le Dr Hack Soreefan, gynécologue et membre de la Private Medical Practitioners Association.

Quid des ordonnances médicales permettant à quelqu’un de se procurer des médicaments qui vont provoquer un avortement ? «Le gynécologue n’a pas le droit de prescrire de tels médicaments. Si jamais il y a une indication pour ceux-ci, on demande à la femme d’aller dans un centre hospitalier ou une clinique pour recevoir les soins appropriés», précise le médecin. Lui n’est pas en faveur d’une révision de la loi car, dit-il, il y aura des abus. «L’avortement deviendra une méthode de contraception», soutient-il. Le Dr Hack Soreefan est plutôt en faveur de l’éducation sur les précautions à prendre pour éviter des grossesses non-désirées.

 

Et le cytotec ?

<p style="text-align: justify;">Alors que le Cytotec s&rsquo;est fait un nom en tant que pilule abortive, Arshad Saroar explique qu&rsquo;il n&rsquo;en est pas un. D&rsquo;ailleurs, dit-il, il n&rsquo;y a pas de pilule abortive à Maurice. Dans ce cas, qu&rsquo;est-ce donc que le Cytotec ? <em>&laquo;C&rsquo;est un comprimé qui traite des problèmes gastriques. Comme effets secondaires sur une femme enceinte, il cause l&rsquo;avortement. Tout comme le Viagra, qui n&rsquo;avait pas été créé pour traiter des dysfonctionnements érectiles, mais plutôt pour contrôler la tension artérielle. C&rsquo;est lors d&rsquo;expérimentations que les chercheurs ont trouvé les effets secondaires de ces comprimés&raquo;</em>, explique le président de la <em>Pharmacy Association of Mauritius.</em></p>