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Dernières heures avant de séparer les siamoises Cléa et Cléanne
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Dernières heures avant de séparer les siamoises Cléa et Cléanne
À l’approche de l’opération fatidique qui doit séparer les siamoises, nous avons rencontré Marie-Helène et Ian Papillon, en Inde, samedi 16 mars. Une mère et un père torturés à l’idée qu’ils pourraient perdre leurs deux filles à l’issue de l’intervention, mais qui gardent la foi malgré tout.
On s’est attaché à elles, on les a vues grandir. Demain, lundi 18 mars, Cléa et Cléanne subiront une intervention visant à les séparer. Une opération à haut risque qu’appréhendent les parents, qui gardent espoir, envers et contre tout. Comment concevoir que cet unique petit cœur puisse cesser de battre ? Nous sommes allés leur rendre visite là-bas, en Inde.
Difficile de rester stoïque quand on les voit en vrai, là. Derrière la vitre, dans leur couveuse, elles sont reliées à des machines. Sur leurs petits bras potelés, des name tags: Twin I et Twin II. Cléanne et Cléa vivent leurs dernières heures ensemble, dans cet hôpital de Bangalore, en Inde...
Tristesse dans l’air
Sur place, au Narayana Hrudayalaya Hospital l’atmosphère est lourde, il y a de la tristesse dans l’air. Il y a de l’espoir aussi. Il réside dans le cœur des parents des siamoises. Ian et Marie-Hélène Papillon ont les traits tirés, un sourire résigné sur le visage. Sur le T-shirt du papa de Cléa et Cléanne, un message: «The pain you feel today is the strength you feel tomorrow...»
De la force, il leur en faut pour faire face à cette épreuve titanesque. Cela fait presque trois mois qu’ils sont dans le doute, qu’ils s’accrochent aux prières, qu’ils croient au miracle.
Les siamoises sont arrivées dans leur vie le 4 janvier. Depuis, les batailles, les combats, financiers et moraux, se sont enchaînés. Et puis, il y a la réalité. Les petites étant reliées par le cœur, Cléa – qui connaît des ennuis de santé – risque de ne pas s’en sortir. C’est demain, lundi, qu’aura lieu l’opération visant à les séparer. À mesure que l’instant fatidique approche, les Papillon ont le cœur qui se serre dans la poitrine. Mais il faut bien se faire une raison, il est impossible de les laisser comme ça, toute une vie durant. «Ki lavenir zot pou ena si zot kolé ansam ?»
Marie-Hélène et Ian Papillon sont d’autant plus inquiets, les médecins les ayant prévenus: Cléanne, elle aussi, risque de ne pas se réveiller... «Les médecins nous ont demandé d’attendre pour voir comment elle allait réagir, parce qu’elle a des artères qui sont reliées à Cléa», soutient le papa, qui se triture les mains d’angoisse. C’est la première fois que les spécialistes indiens traitent un cas pareil. «Zot finn trouvé lot siamois, mais Cléa ek Cleanne zot l’éta dé santé pa pé inspir konfians...»
Entre hôpital et lieux de culte
En ce samedi après-midi, au milieu des appréhensions et de l’attente – interminable – Marie-Helène et Ian tentent de se remonter mutuellement le moral. Mais le chagrin se lit dans leur regard. Pour surmonter cette épreuve, ils se reposent sur leur foi. «Pli for ki bondié péna sa. Nou les tou dan lamé lao-la», affirme haut et fort Marie-Hélène. Depuis qu’elle est en Inde, elle passe son temps entre l’hôpital et les lieux de culte, nombreux dans la Grande péninsule. «Nous avons effectué un voyage de 12 heures en autobus pour aller à Chennai. Nou finn al légliz Velankanni, dan dimans, nou al lames pré kot nou pé resté...»
C’est dur affirment les parents de Cléa et Cléanne, très dur... Ian Papillon, qui a passé plus de temps avec ses filles en Inde, a développé un amour infini pour elles, même s’il ne les a jamais tenues dans ses bras. «Mo disan sa... Mo soufer. Ou koné komié fwa mo finn trouv Marie-Hélène pé ploré? Li pa fasil pou enn mama pou sibir sa...»
Marie-Hélène, qui travaille dans une école maternelle depuis plusieurs années, se perd dans ses pensées. Elle s’imagine ce que devront endurer ses chéries, ses bébés, lors de l’opération. Oui, elle a, à plusieurs reprises, essayé de se résigner, de se faire une raison. Mais son cœur de mère n’y parvient pas. Les questions se bousculent dans sa tête. «Et s’il y avait un autre moyen de les sauver ? Si on repoussait encore la date de l’opération ? Ou koné si ou zanfan mor par aksidan, li instantané, ou bizin fer oumem enn rézon. Mé la, esay pans enn mama ki pé bizin prépar li a lamor so zanfan. Li pa fasil...»
Les Papillon sont logés dans l’enceinte même de l’hôpital, dans une chambre à l’intérieur d’un bâtiment abritant l’International Wing. Les frais sont encourus par le ministère mauricien de la Santé. «Nou pass nou lazourné dan lasam. 10 er ek 17 er nou al guet bann bébé.»
Suivi médical deux fois par mois en Inde
Nous les avons accompagnés, hier. C’est les larmes aux yeux que les parents ne cessent de regarder les petits anges. «Kouma kapav aksepté enn pou alé ? Ou bien toulédé? Pou kit tou, mama, papa... Nanyé zot pa finn koné dan zot lavi.»
C’est la première fois que Marie-Hélène et Ian prennent l’avion. Ils espèrent que ce ne sera pas la dernière. De toute façon, si Cléanne survit, elle devra se rendre deux fois par mois dans la Grande péninsule pour un suivi médical.
Même s’ils sont loin des siens, de leur pays, les Papillon savent bien que tous les Mauriciens sont de tout cœur avec eux. Ils peuvent également compter sur le soutien des gens autour, du personnel médical, des valets, des cleaners, des femmes de chambre. On leur dit bonjour, on demande des nouvelles des bébés, on essaye de plaisanter pour leur arracher un sourire. «Bann dimounn isi finn vinn inpé enn déziem fami.» Ian a même appris à s’exprimer en anglais, petit à petit, pour l’hindi il avoue avoir jeté l’éponge. «Lalang viré, tro konpliké!»
Mais promis: si ses bébés s’en sortent, c’est en hindi et dans toutes les langues, qu’il laissera éclater sa joie.
Shelly CARPAYEN (de l’Inde)
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