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Philippe Boullé: «Le changement climatique engendrera des cyclones plus intenses»
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Philippe Boullé: «Le changement climatique engendrera des cyclones plus intenses»
Le Mozambique est à terre après le passage du cyclone Idai. Le sud-ouest de l’océan Indien est-il de plus en plus à risque ?
Oui, notre région est menacée. Il faut donc que nous soyons bien conscients de l’importance du danger, et que nous prenions les mesures nécessaires pour se protéger. Il faut bien comprendre la situation. La dangerosité du changement climatique pour la Terre entière ne fait plus de doute et requiert des actions très fortes et immédiates des pouvoirs publics. Cependant, le changement climatique ne crée pas directement, par lui-même, une catastrophe naturelle : par exemple, il augmente la température des océans – c’est là son impact direct – et cette mer plus chaude va créer à son tour des cyclones plus intenses. Ces cyclones peuvent mener à une catastrophe naturelle, mais ce n’est pas inéluctable, car nous avons maintenant le moyen d’anticiper leurs capacités destructrices et de réduire leur impact humain et matériel. De grands progrès ont été faits dans ce domaine récemment par les pays membres de la commission de l’océan Indien (COI). L’important, c’est de bien connaître notre ennemi pour mieux le combattre... Et d’avoir les outils nécessaires pour gagner ce combat.
Les îles que nous sommes sont-elles plus vulnérables ? Pourquoi ?
Nos îles sont particulièrement vulnérables, bien qu’elles soient si différentes. Les Seychelles, par exemple, ne connaissent pas vraiment de cyclones, mais des vents de plus de 100 km/h peuvent causer des dégâts considérables, alors que cette force de vent n’est pas une grande menace à la Réunion ou à Maurice. Madagascar, de par sa grande superficie et sa localisation physique, se trouve régulièrement sur la trajectoire des cyclones intenses. Mais le danger demeure cependant pour toutes les îles, grandes ou petites de la région. À l’instar de la puissance destructrice des vagues et de la houle pendant les périodes cycloniques, qui menace les zones côtières.
Pour y faire face toutes les îles ont développé ces dernières années leur capacité de résilience et ont réduit leur vulnérabilité, face aux éléments. Bien que plus menacées, elles sont devenues moins fragiles que d’autres pays en cas de cyclone intense, mais il faut constamment s’assurer de la résilience de ce parc immobilier qui ne cesse de grandir. Tout nouvel immeuble peut devenir un risque nouveau de vulnérabilité.
Qu’a-t-on fait justement pour réduire les risques ?
Grâce à des financements externes, obtenus souvent pour la mise en œuvre du plan d’Action des Nations unies pour le développement durable des petites îles (2005), la COI a pu entreprendre plusieurs projets, en particulier le Projet ISLANDS, pour développer soit au niveau régional soit au niveau de chacun de ses membres, la capacité institutionelle et opérationelle de protection de leurs économies et de leurs populations contre les dégâts causés par les catastrophes naturelles. Le projet a permis l’apport d’une nouvelle technologie pour mieux connaître, anticiper et empêcher l’impact négatif des catastrophes. Grâce à l’appui technique et financier de l’UNISDR (NdlR, United Nations International Strategy for Disaster Reduction) et de la Banque mondiale, un grand nombre de techniciens ont pu être formés aux nouvelles donnes tirées de la révolution numérique pour établir des bases de données fiables sur les dégâts causés par les catastrophes et également pour construire les profils de risques réalistes pour les pays membres. Une base solide a été construite contre le risque de catastrophes. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que nous puissions efficacement protéger pleinement nos populations contre des cyclones très puissants. Ce doit être un combat de tous les instants.
L’ONU et la Banque mondiale, entre autres partenaires, convoquent une rencontre internationale à Genève en mai pour discuter des progrès accomplis…
La Plateforme globale pour la réduction des risques de catastrophes se réunit tous les deux ans pour évaluer les progrès dans la mise en œuvre de la Charte de Sendai, adoptée à la conférence internationale de 2014 au Japon. C’est une charte d’objectifs pratiques, et de moyens de mise en œuvre de ces objectifs, pour rendre plus efficaces les actions d’adaptation au changement climatique et de réduction des risques de catastrophes.
Quid de la stratégie mauricienne ?
Maurice s’est doté d’institutions nécessaires et a atteint un très bon degré de professionnalisme dans le domaine de la protection contre les cyclones et autres menaces dues au changement climatique. Mais le pays se développe et le développement équivaut à de nouvelles vulnérabilités qu’il faut donc constamment s’efforcer de réduire. Il existe en ce moment de nombreux projets en cours qui vont permettre d’affiner la stratégie de protection en utilisant les techniques les plus modernes de recherche et la mise à disposition d’outils très efficaces de réduction des risques...
Sommes-nous donc un peu plus à l’abri ?
Non, on n’est jamais à l’abri d’un évènement exceptionnel qui peut venir bouleverser nos défenses et affecter considérablement notre économie. Le risque zéro n’existe pas. Le gouvernement et toute la population doivent donc travailler continuellement à maintenir notre capacité de résilience... et se doter des moyens nécessaires pour cette défense.
Bio express: Tourbillonnante carrière
<p style="text-align: justify;">Quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie, Philippe Boullé répond ceci: <em>«Je ne fais que passer…»</em> Sinon, il est passé de la Chambre de commerce et d’industrie et de la MCB à Maurice aux Nations unies à New York, d’abord pour s’occuper des programmes de développement industriel, financés par l’ONU, dans les pays les moins avancés de l’Afrique. Mais également pour assister le Directeur général de l’ONU dans ses activités de développement pour le continent africain.</p>
<p style="text-align: justify;">Il était également en charge des services de l’Assemblée générale de l’ONU, fonction qu’il a quittée pour gérer, en Jordanie, les activités de rapatriement des 750 000<em> «third Country nationals» </em>ayant fui le Kowëit et l’Irak en 1990. Commença ensuite la spirale secours en cas de catastrophe/ affaires humanitaires qui l’ont conduit en 1993, à Genève, où il est devenu directeur du secrétariat des Nations unies pour la prévention des catastrophes naturelles et subséquemment directeur du secrétariat de la Stratégie internationale pour la réduction des risques.</p>
<p style="text-align: justify;">Par la suite, en quittant les Nations unies, il a passé quatre ans à élever et produire du (bon !) vin à Bordeaux, tout en étant responsable des programmes internationaux à l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles à Paris.</p>
<p style="text-align: justify;">Philippe Boullé endosse en outre, depuis plusieurs années déjà, le costume d’<em> «adjunct faculty»</em> à l’<em>Africa Center for Strategic Studies</em> de Washington D.C., qui est lié à la <em>National Defense University. </em>Il a, par ailleurs, créé une petite structure de consultant, ce qui lui a permis de faire du travail pour le Programme des Nations unies pour le développement (aux Îles Solomons et à Maurice) et pour l’Organisation météorologique mondiale, à Genève, entre autres.</p>
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