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Elections générales mais pas de villageoises: pagaille dans les administrations rurales
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Elections générales mais pas de villageoises: pagaille dans les administrations rurales
Il n’y a pas eu d’élections villageoises depuis 2012. Entre-temps, frustrations, incompréhensions, guerres politiques, absence de conseillers aux réunions empêchent une administration sereine des conseils de district. À l’approche des élections générales, les choses se corsent et des villages se disent laissés pour compte.
Dix mois après des amendements apportés à la Local Government Act pour renvoyer les élections villageoises à 2020, une grande confusion règne dans l’administration des régions rurales. Des présidents et conseillers de district demeurent à leur poste, des motions sont déposées pour les remplacer et certains ont même eu recours au judiciaire, pour demeurer à leur poste ou faire partir certains, comme c’est le cas à Montagne-Blanche. Hier même, jeudi 19 septembre, le conseil de district de Moka a dû changer de président.
Une des raisons de cette situation, explique Colin Seenauth, président du conseil de village de Moka, est que, quand la loi a été amendée, tous ceux en poste devaient y rester. Résultat, certains sont, depuis trois ans déjà, président, vice-président ou conseiller de district. Et la plupart ne veulent pas céder leur place car ils touchent une rémunération mensuelle. Néanmoins, le conseiller soutient que, dans cette situation, ce sont les villages qui sont les perdants. «Cela fait des années que j’ai soulevé les dangers des maisons à l’amiante mais rien n’a été fait.» Au niveau politique, Colin Seenauth affirme que si, pour le moment, les conseillers n’indiquent pas leur préférence, il sait qu’une fois la date des élections connue, ils afficheront leur couleur.
Conseillers flatteurs de gouvernement
Cependant, la campagne électorale aurait déjà débuté. Vous n’avez qu’à écouter certains conseillers de la majorité pour comprendre. «Nek zot pe flat sa gouvernman-la», déclare un conseiller du conseil de district de Rivière-du-Rempart, sous le couvert de l’anonymat, tous les conseillers de cette instance ayant eu le mot d’ordre de ne pas parler à l’express, «akoz zot tro ekrir négatif lor nou». Il soutient que l’on n’hésite plus à se servir de la moindre inauguration pour faire campagne.
Un autre conseiller évoque l’énorme frustration dans les villages qui fait que plusieurs boudent les réunions du conseil. «C’est dégoûtant de se rendre à ces réunions où nous ne pouvons même plus parler. Ici, c’est un Senior Adviser qui fait la loi. Il ose même bousculer et menacer ceux qui élèvent la voix pour des projets», déplore-t-il, «bien qu’il ne soit rien, à titre officiel, au conseil de district de Rivière-du-Rempart».
Seul le village d’où vient le président du conseil se verrait offrir des projets à plusieurs millions de roupies, tels que les drains et un futsal, affirme le conseiller. «Ensuite, il y a les villages où les conseillers sont proches du président. Zot manzé bwar ansam. Zot kasiet sakenn. Normal pou ena favoritism. Les autres villages sont laissés pour compte.»
Couleur politique
Beaucoup n’osent pas encore afficher leur couleur politique. «Si ou montré ou Rouz, zot boykot ou. Ou bizin mars ek zot pou gagn dévelopman.» Niteen Seetah, conseiller de district de Belle-Vue-Maurel, est le seul à s’afficher pro-travailliste. «Li maléré ki 4-5 vilaz pe resanti sa fristrasion-la. Car la machinerie politique est malsaine. Tout est contrôlé par le gouvernement. Une première dans l’histoire du conseil. Mwa mo dir pa akoz enn konseye dan lopozision akoz sa pa donn li proze.»
Pour y revenir, nombreux sont traités de caméléons. «Ils marchent en fonction du gouvernement au pouvoir. Si c’est le MSM, ils sont orange, une fois le PTr au pouvoir, ils sont rouges. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Sunael Purgus, président du conseil de district de Pamplemousses. Il a été un activiste rouge durant des années avant de suivre Pravind Jugnauth. Vikram Hurdoyal est dans la même situation», soutient un membre des forces vives de Terre-Rouge. «Un président devrait être apolitique.Il travaillerait ainsi dans l’intérêt de tous et tous les villages auraient reçu le même traitement.»
Le conseiller du village de Goodlands depuis 1992, Anand Bahadoor, estime qu’il y a toujours eu une entente entre des conseillers et certains politiciens. Il avance qu’aux dernières élections villageoises en 2012, les neuf élus étaient issus de son groupe et tous proches du Parti travilliste (PTr). Mais, à partir de décembre 2014, certains de ses amis ont changé de bord et il s’est retrouvé en minorité. «Mais je sais que la situation va vite changer», prévient-il.
Démotivation
Les opinions sont divisées dans l’Ouest. Pour Désiré John Claudius Anseline, président du village de Bambous, «il n’y a aucun problème avec le conseil de district. Tout se passe bien. D’ailleurs, peu importe qui est à la tête du gouvernement, personne n’affiche sa couleur politique. Il n’y a pas de tension car tout le monde travaille dans la même direction». Idem pour Deeplall Moneeram, président du village de Flic-en-Flac, «Isi personn pa pe montre so kouler politik… li personel. Travay pe fer. Nou solider ar konsey district.»
Kemraz Ortoo, conseiller du district de Gros-Cailloux, n’est pas de cet avis. «Nous sommes démotivés. Nous sommes tous frustrés. District council anba lao.» Il estime que le conseil est malsain car plusieurs n’assument pas leurs responsabilités à cause de leur couleur politique et que le président ne jouerait pas son rôle dans l’intérêt de tous. «Sa zafer prezidan ziska 2020 la pe poz problem kar si zot pa pe bien fer zot travay se bann vilaz ki soufer. Nou konsey distrik divizé. Kan pouvwar mont lor latet ou aret pans lintere lezot.»
Vinod Babajee, conseiller de Grande-Rivière-Noire, abonde dans le même sens. «Il y a effectivement une tension au conseil. Et le travail dans de nombreux villages tarde à se concrétiser.» Mais, selon la règle tacite, aucun conseiller n’ose montrer sa couleur politique de peur d’être mis à l’écart.
Affaires bloquées
Rajaye Putanah, conseiller du village de Tyack, déplore un gros problème entre l’administration et le conseil de district de Savanne. Beaucoup de décisions du conseil ne sont pas exécutées. Ces derniers temps les affaires sont vraiment bloquées. «Certains sont pour le PTr, certains pour le MSM. Au moins 10 personnes m’ont affirmé qu’elles seront candidats du PTr. Elles sont sur le terrain tous les jours.»
Le président du conseil de district de Savanne, Kamalsaw Gajadur, dont le nom est cité pour être candidat du MSM, avance pour sa part que «nous sommes en démocratie et que chacun peut avoir une préférence pour un parti politique». Il ajoute toutefois que, même si au niveau du conseil de district, tout se passe bien, il ne peut pas dire si c’est le cas pour tous les villages du Sud. Son avis est partagé par Nirmal Domah qui préside, lui, le conseil de district de Grand-Port.
Fazila Jeewah-Dawreeawoo: «Les conseils de district sont autonomes»
<p style="text-align: justify;">Invitée à donner son point de vue sur la situation qui prévaut au niveau des villages, la ministre des Collectivités locales, Fazila Jeewah-Dawreeawoo, a déclaré, par le biais de son attachée de presse, que les conseils de district et de village sont autonomes. De ce fait, ils sont libres d’organiser leurs élections et, quand cela ne marche pas, des motions sont déposées pour remplacer un président ou vice-président.</p>
Le conseil de district de Moka a un nouveau président
<p style="text-align: justify;">Mahess Sudhirchandra Soonarane a été élu à l’unanimité président du conseil de district de Moka, lors de l’élection tenue jeudi 19 septembre. Le nouveau président, qui est depuis 2005 conseiller de village à Providence, soutient avoir plusieurs projets en tête. Il souligne que c’est la première fois qu’il est à la tête du conseil. <em>«Pena okenn fristrasion isi. Tou dimounn pe travay lamé dan lamé, dan mem direksion</em>.»</p>
<p style="text-align: justify;">Pour rappel, son nom était déjà connu depuis la démission de l’ancien président, Vinaye Busawon. Si les autres conseillers avançaient que des directives avaient déjà été données, le principal concerné dit remercier le Premier ministre pour cette chance. «<em>Mo remersie sa gouvernman-la pou tou</em>.»</p>
Combien touchent les élus ruraux ?
<p style="text-align: justify;">Depuis 2012, les élus des localités rurales sont rémunérés. Avant les derniers réajustements salariaux, les allocations étaient comme suit :<br />
Président de conseil de district : Rs 35 000 + Rs 13 000 comme allocation de carburant + Rs 2 000 pour frais de téléphone ainsi que l’usage d’une chauffeur-<em>driven car</em><br />
Vice-président : Rs 17 000<br />
Conseiller de district et président de village : Rs 11 900<br />
Vice-président de village : Rs 6 900<br />
Conseiller de village : Rs 2 000</p>
Plus d’électeurs ruraux qu’urbains
515 633. C’est le nombre d’électeurs villageois au sein de 14 des 20 circonscriptions de l’île. Ces chiffres proviennent du recensement effectué en 2018 par la commission électorale. Par contre, en ce qui concerne le dernier recensement comptabilisé en vue des prochaines élections générales, en omettant Rodrigues, 911 320 votants seront appelés aux urnes, provenant des villes et des villages. Ce qui démontre que plus de la moitié des électeurs viennent des régions rurales. Le village de Triolet (circonscription n° 5) avec 18 114 électeurs, comptabilise le plus grand nombre de votants, devant Goodlands (n° 6) qui en totalise, lui, 15 601.
Voir le tableau détaillé ci-dessous :
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