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Sudhir Sesungkur: «Si Maurice est placé sur une liste noire, nous pouvons dire adieu à nos acquis»
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Sudhir Sesungkur: «Si Maurice est placé sur une liste noire, nous pouvons dire adieu à nos acquis»
Face à des critiques émises ces dernières semaines contre la juridiction mauricienne, Sudhir Sesungkur défend la réputation du centre financier mauricien. Il rappelle que celui-ci a démontré sa résilience malgré les chocs majeurs liés à l’amendement du traité fiscal avec l’Inde et les révélations de «Mauritius Leaks».
Le secteur des services financiers fait toujours l’objet d’attaques. Par exemple, l’International Consortium of Investigative Journalists avait émis de sérieuses critiques sur la crédibilité de la juridiction mauricienne. Et plus récemment il y a eu la prise de position du porteparole économique du MMM, Reza Uteem, sur la gestion de certains dossiers relevant de votre ministère… Disons d’emblée que le secteur des services financiers est dynamique et volatil. Malgré les critiques, la juridiction mauricienne jouit d’une très bonne réputation sur la scène internationale. Je fonde mon analyse sur le fait que je suis ministre des Services financiers, mais aussi en tant que professionnel ayant plus de 25 ans d’expérience dans le monde de la finance.
Le Global Business avait été lancé à une période où tout le monde parlait de globalisation, soit un mouvement libre de gens et de capitaux. À Maurice, c’est dans les années 90 que nous nous sommes joints, avec raison, à ce mouvement. Depuis, on a fait un long chemin. Tout centre financier est un instrument facilitateur pour le mouvement des capitaux. Le centre financier mauricien a connu un développement spectaculaire malgré les turbulences.
Cela dit, l’accent est trop souvent mis sur les éléments superficiels et périphériques, d’où les critiques non fondées. En 1982, Maurice disposait d’à peine de deux semaines de devises pour couvrir les importations de base alors qu’en 2019, nos réserves en devises nous offrent une couverture de 12 mois d’importation.
Vous ne pouvez pas, non plus, balayer ces critiques d’un revers de main ?
Loin de là. Mais je persiste à dire que certains membres de l’opposition oublient que le système financier mauricien est totalement intégré au système mondial. Les critiques selon lesquelles on reste trop à l’écoute des régulateurs internationaux ne tiennent pas.
Nous faisons partie d’un système globalisé avec des partenaires commerciaux telles l’Union européenne (UE) et autres organisations qui s’attendent que notre système soit bien réglementé et inspire confiance. Il faut que nos partenaires aient la certitude que leurs investissements sont protégés.
C’est pour cette raison que Maurice doit impérativement être en conformité avec les règles prudentielles préconisées par les régulateurs internationaux tels l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Financial Action Task Force (FATF) et le Financial Stability Forum.
Les récentes discussions avec l’UE afin d’harmoniser notre système sont extrêmement importantes pour crédibiliser davantage notre centre financier. Un faux pas peut nous coûter très cher. Par exemple, si Maurice est placé sur une liste noire, nous pouvons dire adieu à nos acquis car les firmes internationales déserteront la place financière mauricienne. Je maintiens que la contribution de notre centre financier international au développement économique ainsi qu’à la consolidation financière du pays est incontestable.
Récemment, le Sénégal a remis en question le traité fiscal signé avec Maurice. Est-ce qu’il y a des lobbies qui travaillent contre la plateforme financière mauricienne ?
Nous avons de bonnes relations diplomatiques avec le Sénégal malgré sa décision unilatérale de mettre un terme au traité fiscal qui lie nos deux pays. Le Sénégal a ses propres raisons que nous ne pouvons exposer publiquement et que d’ailleurs nous respectons.
Les accords de non double imposition fiscale sont extrêmement importants car ils rassurent les investisseurs et apportent de la certitude dans leur plan d’expansion globale et d’investissement. D’ailleurs, récemment l’intérêt porté par le Kenya pour un nouvel accord afin de booster l’investissement dans ce pays en est la preuve. Ce même intérêt est démontré par d’autres pays dont la Tanzanie et le Mozambique. Nous pensons que les négociations avec le Sénégal vont reprendre très bientôt et nous sommes optimistes quant à un heureux dénouement qui apportera plus de certitude et de confiance parmi les investisseurs.
N’empêche que selon des opérateurs, le gouvernement manque de vision pour consolider l’image du pays. Quelle est la stratégie mise en place pour redorer le blason de Maurice ?
La stratégie du gouvernement est de soigner son image comme un centre financier réglementé, crédible et transparent. Notre image de marque dépend de notre capacité à répondre aux exigences des investisseurs internationaux et non pas par des coups de bluff. La thèse selon laquelle il faut promouvoir le centre financier est secondaire car pour un centre financier ce qui importe, c’est la confiance des investisseurs. Nous avons amélioré notre rang dans le rapport de la Banque mondiale ainsi que notre crédibilité dans le ranking de Moody’s. Idem pour la confiance des régulateurs tels l’OCDE, le FATF/l’ESAAMLG et d’autres organisations telles que le Fonds monétaire international et les Nations unies.
Préserver la réputation du centre financier mauricien est l’un des trois axes stratégiques que j’ai mis en oeuvre pendant mon mandat. Les deux autres étant la préservation des acquis de la juridiction et les développements vers de nouveaux marchés. Nous avons de quoi nous féliciter, car Maurice est aujourd’hui considéré comme un centre financier de renom international au même titre que ceux de Singapour, de Londres, de Hong Kong ou du Luxembourg.
Quid des mesures pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des activités liées au terrorisme… ?
Il faut dire que rien n’a été fait dans le passé pour apporter des réformes en dépit du fait que la configuration de notre centre financier avait changé. Nous sommes conscients que la prochaine étape sera d’assurer que les lois et autres réglementations existantes soient effectives. Nous y travaillons en conséquence. De plus, il ne faut pas oublier que Maurice est conforme aux exigences de l’OCDE et de l’Union européenne en donnant plus de transparence et de substance à sa juridiction. Le pays s’est aligné sur ce que prévoit le BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), un pas nécessaire dans la mesure où le pays ne tolère plus les compagnies qui font du treaty shopping.
Comment voyez-vous l’évolution du secteur ?
Le centre financier mauricien a démontré sa résilience malgré des chocs majeurs dont le changement à l’accord de non double imposition avec l’Inde et les récentes «révélations » de Mauritius Leaks. Il connaîtra une grande progression dans les mois à venir car nous avons déjà jeté les jalons de sa modernisation à travers le Blue Print. Maurice s’est donné pour objectif de faire son entrée dans la catégorie des pays à revenu élevé d’ici 2023. Nous visons parallèlement à doubler la taille de notre secteur financier.
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