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Peine renversée: «Nous avons perdu nos mères à cause de cette accusation»

28 septembre 2019, 20:30

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Peine renversée: «Nous avons perdu nos mères à cause de cette accusation»

Ils ont passé pratiquement deux ans en prison après avoir été condamnés à une peine de 18 ans pour viol et complicité de viol par la cour intermédiaire. Ayant fait appel du jugement en Cour suprême, ils ont été acquittés, mercredi dernier, après que le chef juge suppléant, Asraf Caunhye, et la juge Shameem Hamuth-Laulloo ont annulé leur peine. Libéré, le policier écroué pour viol veut tout simplement retrouver son poste et dit n’éprouver aucune rancune envers la femme qui a porté une telle accusation contre lui. 

C’est une personne peinée que nous avons rencontrée, hier, en présence de Mes Rama Valayden et Shahzaad Mungroo, ses avocats. Le policier Omdeo Kumar Budloo ne peut oublier les deux ans passés à la prison de Beau-Bassin. Il revient sur cet incident de mai 2008 qui a chamboulé sa vie. «Mon ami, qui habite à 100 m de chez moi, s’était confié à moi sur son couple qui battait de l’aile. Du coup, il m’avait demandé de convaincre sa femme, que je connaissais également de ne pas déserter le toit conjugal. Lorsque je suis intervenu, elle a fait ces allégations contre son mari et moi-même.»

Alors que le policier est accusé de viol, son ami, le mari de la femme, n’est pas épargné non plus. Veejai Coomar Doobooree est ainsi reconnu coupable de complicité même si sa femme avait, dans un premier temps, expliqué n’avoir eu aucune relation sexuelle avec le premier accusé. «Non, mo’nn pous li, mo pann les li. Pa ti ena insidan», avait dit la femme de 35 ans qui était ensuite revenue sur sa version des faits. 

Les juges ont estimé que la poursuite aurait dû soulever ces deux contradictions majeures car, selon eux, la responsabilité revient aux deux magistrats avant de prononcer un jugement de culpabilité. D’autant que la femme avait concédé lors de la deuxième séance en cour, avoir lu des notes préparées par sa sœur, avant de venir déposer en cour. Ce qui constitue, selon les juges, une «serious misdirection in law». Raisons pour lesquelles le jugement a été renversé.

Omdeo Kumar Budloo dit avoir perdu son emploi après sa condamnation. «J’ai été suspendu dans un premier temps avant de perdre mon poste. Pas de salaire pendant tout ce temps. Le comble, c’est que j’ai perdu ma mère à cause de cette affaire. Elle a eu un gros choc juste après ma convocation en cour», déplore cet homme de 51 ans. Une fois en prison, il dit avoir rencontré des prisonniers qu’il avait coffrés pour contravention. «Le premier jour dans le couloir, je me souviens qu’il y avait des prisonniers qui me dénigraient mais heureusement qu’ils ne m’ont pas maltraité par la suite vu que, vous savez, les violeurs ne jouissent pas d’une meilleure vie en tôle.» 

Sa réputation auprès de ses collègues a aussi pris un sale coup. «J’ai perdu des amis et collègues qui ignoraient mes appels téléphoniques.» L’un de ses proches confie à l’express le calvaire et l’humiliation vécus par les membres de sa famille. «Les voisins scandaient : ‘to frer violer, to frer pé fer prizon, to pé pey pésé’ et nous, les proches, ne pouvions rien dire.»

Toutefois, la prière en prison l’aura aidé à garder espoir sur sa libération malgré l’attente qui semblait longue. Le pire, dit-il, c’est qu’il devait observer avec ses camarades prisonniers chaque grève de la faim. «Ils entament, pour n’importe quelle raison une grève de la faim. Et du coup, je dois m’aligner avec eux, pour éviter de sembler être celui qui est contre leur démarche et je n’osais pas prendre ma nourriture… Sinon ou gagn baté…» Une fois libéré, Omdeo Kumar Budloo veut récupérer son poste pour subvenir aux besoins de sa famille. «Oui, je pardonne à cette femme qui m’a fait du tort. Si jamais je la croise, je ne lui dirai rien. Le chapitre est clos. Ma priorité, c’est de regagner mon poste.» 

Même son de cloche du côté de Veejai Coomar Doobooree, qui a aussi perdu sa mère. «Elle est décédée à 85 ans à la suite d’un choc. Quant à sa femme, elle lui a fait beaucoup de tort», confie un proche, qui déplore le fait qu’il sera désormais difficile pour l’homme de 56 ans de se mettre à la recherche d’un travail. «Sa réputation a été ternie et le mal a déjà été fait. Kan ou tap laport pou gagn travay, dimounn refiz ou kan ou finn fer prizon.» Ce proche dit souhaiter que l’homme, qui vit toujours dans l’angoisse, puisse trouver la lumière au bout du tunnel.