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Élections générales: ceux qui ne peuvent voter
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Élections générales: ceux qui ne peuvent voter
Ils ne peuvent voter… Pourtant ils estiment qu’ils sont ceux qui en ont le plus «besoin ». C’est le triste sort des centaines, voire des milliers, de sans domicile fixe (SDF) et squatters à Maurice. Une situation pesante pour eux, surtout que leur vie de tous les jours est déjà minée par la stigmatisation, la discrimination. Ne pas pouvoir accomplir leur droit civique parce qu’ils n’ont pas d’adresse – ou alors elle est «illégale » – ajoute à ce sentiment de rejet. Rencontre.
Il est midi. Le soleil tape fort en ce jeudi à cité Longère Tôle. Une dizaine de familles squattent le terrain… «Elles ne sont pas toutes là», nous explique un habitant des lieux. «Éna inn al trasé pou gagn enn ti kas, la.» Il propose de jouer les guides, histoire de nous faire visiter les lieux, que l’on puisse aller à la rencontre de ceux qui habitent «là». À condition de ne pas révéler son identité…
Nous l’appellerons Jean. Nous parcourons les sentiers boueux, où, de chaque côté, des bicoques en tôle et en bois, sont collées les unes aux autres. Jean se confie. Il n’a jamais voté de sa vie, car là où il habite «ce n’est pas une adresse».
C’est dans une petite cour bien fermée en tôle, où des poules côtoient les chats et les chiens, que nous ferons la connaissance d’un groupe de jeunes garçons. Torse nu, ils s’adonnent à une partie de carrom. Les plus âgés ont 29 et 18 ans, les autres sont âgés d’une quinzaine d’années. Les plus grands acceptent de faire la conversation, pendant qu’ils enduisent leurs mains de poudre. Ils n’ont jamais vécu sous un toit en béton. Habitent sur place depuis qu’ils sont enfants…
«Nou vot pa konte…»
«Mo pou al voté mwa… inportan sa!» lance Jacob, 18 ans. Son nom figure-t-il sur le registre électoral ? «Ein anrezistré? Pa nek al dan lekol voté koumsa mem sa?» lâche-t-il visiblement surpris. Le plus étonnant, c’est que même l’aîné de la bande ne sait pas comment se passent les procédures avant le vote. Sans doute est-ce parce qu’aucun officier n’est venu les voir. «C’est triste qu’on ne puisse pas choisir nos gouvernants parce que nous vivons ici ! Zot inn bliyé dimounn res isi. Nou vot de tout fason pa konté…»
Plus loin, Angen Begué affirme la même chose. «J’habite ici depuis mon enfance. Cette année, nous avons cru comprendre qu’il y avait des officiers qui sillonnaient le pays, mais ils ne sont jamais venus chez nous. Jamais !» déplore la jeune femme, dépitée.
Mais les squatters ne sont pas les seuls laissés-pour-compte électoraux. Du côté de Lakaz A, à Cassis, nous allons à la rencontre des sans-abri. Vish, Romain et Jean-François habitent dans la rue depuis un an, 10 ans et 11 ans respectivement. Parmi leurs nombreux regrets : celui de ne pouvoir voter…
Un vote c’est précieux
Surtout que pas un jour ne se passe, disent-ils, sans qu’ils n’ouvrent les yeux, sans qu’ils ne se demandent s’ils survivront à la journée. Et si en fermant les yeux la nuit, dans un coin de rue, ils auront la chance de les rouvrir le lendemain… Une chose est certaine : ils ont conscience du fait qu’un vote, c’est précieux. Surtout pour des gens qui sont dans la même situation qu’eux.
«Se rendre aux urnes, c’est un acte qui peut sembler anodin pour certaines personnes mais pour nous, cela a de la valeur car nous sommes dans la rue tous les jours nous savons qui sont ceux qui peuvent et qui veulent nous aider !» assure Jean-François. Vish abonde dans le même sens. Non seulement parce qu’il est un sans domicile fixe mais aussi parce qu’il souffre d’un handicap, aux mains et aux pieds.
Cependant, pour cet homme de 36 ans, voter aurait aussi pu être une façon pour lui et les autres SDF d’avoir au moins l’impression d’être un peu comme les autres… Ça aurait pu leur donner la chance «d’agir» également comme ceux qui «nek lev néné pasé alé, la».
Contrairement à ses amis, Romain, lui, est déjà allé aux urnes. Une seule fois, alors qu’il avait 20 ans. À cette époque, il vivait toujours chez sa famille. Aujourd’hui âgé de 48 ans, il avoue avec modestie que ce sont ses mauvais choix qui l’ont poussé à en arriver au stade de devoir dormir sur un morceau de carton toutes les nuits. Toutefois, il ne comprend pas pourquoi il faut impérativement avoir une adresse fixe pour voter. «Je suis aussi un citoyen, mo ti osi anvi amenn enn sanzman lor sa laterla avek mo vot. Kapav mo lakrwa ti kapav sanz nou sitiasion, non ?»
Une pétition d’étudiants mauriciens
Presque 500 étudiants mauriciens qui se trouvent à l'étranger ont lancé une pétition ce lundi 14 octobre pour demander à la commission électorale de leur permettre de voter par procuration ou par la poste (comme c'est le cas en Angleterre par exemple).
La commission a apporté des précisions à ce sujet sur sa page Facebook. Ces étudiants ne peuvent voter. La loi permet le vote par proxy uniquement dans certains cas pour les fonctionnaires par exemple, ceux qui travaillent dans les ambassades ou à la commission électorale le jour du vote.
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