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Bribe électoral: l’interprétation générale de la loi donne lieu à des «abus»
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Bribe électoral: l’interprétation générale de la loi donne lieu à des «abus»
Peut-on parler de corruption électorale à Maurice ? La loi est claire, mais les divers protagonistes semblent jouer au même jeu. La preuve : la surenchère de promesses et l’unique cas porté en cour dans les annales de la politique.
Offrir des take-away de briani aux meetings, distribuer des vivres, cadeaux, surenchérir sur la promesse de hausse de la pension de vieillesse, etc. Autant de faits qui peuvent être considérés comme un bribe électoral ou un pot-de-vin. Car le terme «bribe électoral» définit toute faveur ou tout avantage offert dans le but d’influencer le vote d’un électeur. D’ailleurs, l’article 64 de la Representation of People’s Act concerne la corruption électorale, l’undue influence sur les électeurs pour les convaincre de voter pour un candidat, les pratiques illégales dans une élection et les actes irréguliers qui pourraient influencer le vote des électeurs. C’est, d’ailleurs, sous cette loi que l’élection d’Ashock Jugnauth, en 2005, avait été invalidée devant le Privy Council. À ce jour, c’est le seul cas tangible de bribe de notre histoire électorale.
Quelle différence y a-t-il donc entre un bribe électoral et une promesse électorale ? Selon des juristes, tout acte commis par un politicien qui promet de réaliser des projets et qui offre des faveurs, avantages, services dans le cadre d’un scrutin pour influencer le choix de l’électeur peut être considéré comme un bribe électoral et donc un délit sous la Representation of People’s Act. Un ministre qui fait des promesses dans sa circonscription influence-t-il les votes ? Le Metro Express, annoncé comme gratuit durant le mois de novembre, constitue-t-il un bribe électoral ? Ou encore, la surenchère des promesses électorales, tant du gouvernement sortant que de l’opposition, en cas de victoire, peuvent-elles être considérées comme des bribes ?
D’autre part, il existe la tentation, à la veille des élections, de donner de l’argent, explique un conseiller juridique. Même les recrutements par la Public Service Commission ou par les delegated powers dans des ministères peuvent être considérés comme des promesses électorales. C’est pour cela que la règle prévoit qu’une fois le Parlement dissous, les exercices de recrutement et d’octroi de contrat devraient être mis en veilleuse. Même si légalement, aucune loi n’empêche la tenue d’entretiens d’embauche. Par contre, les dépenses liées à l’organisation des élections ne tombent pas sous l’item bribe électoral. Toutefois, ces dépenses doivent être déclarées lors des returns des candidats à la Commission électorale après le scrutin. Sauf qu’il s’avère que les dépenses exactes ne sont jamais déclarées. Plusieurs observateurs soulignent que souvent les partis au pouvoir utilisent aussi les leviers de l’État pour influencer les votes.
La seule manière de dénoncer, c’est de se tourner vers la Commission électorale et la Cour suprême. Si un candidat détient des preuves que son adversaire a utilisé des moyens illégaux pour se faire élire, il peut entamer une action en Cour suprême à travers une pétition électorale. Il lui suffit de prouver qu’un terrain, des jobs, de l’argent ou d’autres faveurs ont été utilisés pour faciliter l’élection de son adversaire. Celui-ci, ses agents ou ses proches risquent une poursuite au pénal pour corruption électorale et une amende de Rs 2 000 et une peine de prison ne dépassant pas un an de même qu’une disqualification de sept ans comme candidat à une élection.
Seule la Cour suprême peut invalider le siège d’un élu si un adversaire peut prouver que des électeurs ont été incités à voter pour un ou des candidats en échange de faveurs. Par la suite, une élection partielle sera organisée pour le remplacer au Parlement. Comme dans le cas de l’élection d’Ashock Jugnauth au no8, contestée par Raj Ringadoo.
Toutefois, dans le contexte mauricien, on a du mal à faire la différence entre une promesse électorale et un bribe, avance le commissaire électoral, Irfan Rahman. L’interprétation est libre. Gouvernement et opposition promettent les mêmes choses dans l’objectif de garder ou de prendre le pouvoir. Même si les candidats signent leur adhésion à un code de conduite, ce document n’a pas force de loi. L’électeur se prend au jeu et n’a finalement rien à perdre.
Sauf qu’une fois les élections terminées, chacun reprend ses occupations et attend la prochaine échéance. Est-ce que cette fois, ce sera différent ?
La corruption électorale à l’étranger
<p style="text-align: justify;"><strong>France</strong></p>
<p style="text-align: justify;">En 2014, Serge Dassault, sénateur et ancien maire de Corbeil-Essonnes, était soupçonné d’achat de votes. Il aurait acheté un camion, une pizzeria et donné 1,2 million d’euros à Mamadou Kebbeh, un habitant de Corbeil-Essonnes qui le harcelait. L’affaire s’est éteinte avec son décès en 2018.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Inde</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Le 9 avril 2019, G. Hatiram distribuait de l’argent aux électeurs au nom du candidat du TRS Nama Nageswara Rao. Arrêté, on a récupéré Rs 1,17 lakh en argent liquide, des serviettes roses, 29 bulletins de vote modèles et des mannequins EVM. Une inculpation a été déposée contre le seul accusé sans mention du candidat contestataire qui a donné l’argent. Selon la police, il y a eu peu de progrès dans les affaires de corruption électorale contre Maganti Muralimohan, acteur et ancien député du TDP, et Nama Nageswara Rao, député du TRS.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Angleterre</strong></p>
<p style="text-align: justify;">En Angleterre, de 2010 à 2017, 262 à 336 cas de fraude électorale présumée ont été enregistrés par la police. Une proportion importante a démontré que les enquêtes policières ne pouvaient identifier des preuves ou de trouver des preuves suffisantes qu’un crime avait été commis ou qu’il était dans l’intérêt public de poursuivre.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Amérique du Sud</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Odebrecht, une société, a créé tout un système pour soudoyer des électeurs. Cette affaire impliquait des sénateurs brésiliens et la moitié des gouverneurs brésiliens. Le président du Pérou a été contraint de démissionner en mai 2018 à la suite d’allégations concernant Odebrecht. Le vice-président de l’Équateur a été emprisonné. Les actes de corruption s’élevaient à quelque 788 millions de dollars.</p>
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