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Micheal Webb: heureux comme un poisson «sounouk» dans l’eau
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Micheal Webb: heureux comme un poisson «sounouk» dans l’eau
D’une petite fabrique à un grand centre de production, Michael Webb a fait naviguer son poisson salé snoek. Opérationnel depuis 1993 à Maurice ainsi qu’en Australie, Afrique du Sud, au Canada et en Angleterre, il vise maintenant le marché européen. Rencontre à l’occasion de la semaine mondiale de l’entrepreneur célébrée le 18 novembre.
Son premier pied à terre était la Boutique des îles à Rose-Hill. Ainsi dans les années 1990, Michael Webb y commercialise du miel, du piment, du citron entre autres articles rodriguais, réunionnais et malgaches. «Les produits les plus vendus étaient l’ourite grillée et le poisson frais. Mais la rareté de cet aliment nous a poussés vers des alternatives», raconte-t-il. De là, germe l’idée du poisson salé, et du snoek en particulier : «Je n’y connaissais strictement rien au snoek mais comme je suis passionné de cuisine, je l’ai mitonné avec des recettes de grand-mère.» Il se jette rapidement à l’eau. Ébullition, pelage, nettoyage, émiettement et friture: Michael Webb en maîtrise les ficelles et baptise son produit «Snoek frisé» sous la houlette de son entreprise, English Bay.
Vers 1999-2000, il se présente, plateau en main, à une expo-vente à Mer-Rouge. Son poisson salé titille la curiosité d’une représentante de la Banque Mondiale qui y voit un potentiel. Après une étude de marché, il s’allie à un gros distributeur mais n’a pas encore d’espace de production. Entre-temps, Michael Webb assure le service traiteur au sein de Cuisine des îles. «Je n’avais pas les moyens pour la production en masse. Je n’avais rien. Je me suis rendu au ministère de l’Industrie. J’ai pu obtenir un terrain à bail à La Tour Koenig. Puis j’ai dû contracter un emprunt d’une banque», confie-t-il. Mais les choses sérieuses, ainsi que les difficultés, commencent. Pour mener son projet à bon port, sept ministères doivent donner leur aval. L’entrepreneur retrousse ses manches et se bat pour construire sa fabrique. Il débute avec environ cinq à six employés et diversifie ses produits. Au snoek, se rajoutent le bombli et la morue.
Michael Webb divise alors son bâtiment en deux sections : le rez-de-chaussée se concentre sur la production de snoek et l’étage au service traiteur pour les particuliers et une grande surface. «C’est ce qui m’a sauvé. J’avais un permis limité à deux heures par jour pour la production de poisson salé. Pendant trois ans, ça a fonctionné ainsi», confie-t-il. Vers 2005, l’autorisation passe à 4 heures. Une nouvelle idée se pointe : il investit dans des équipements et augmente la production. Évidemment, ce parcours est semé d’embûches, de sacrifice et de persévérance. De fil en aiguille, le snoek se faufile vers le succès. Avec ses sachets en version bouillie ou frite, il produit deux tonnes mensuellement pour le marché local. En 2010, English Bay brasse plus large avec des exportations en Afrique du Sud et en Australie.
Princesse africaine
Après un «rebranding» de sa gamme pour P’tit-Salé vers 2012, il adhère au Mauritius Business Growth Scheme et bénéficie d’un fonds d’investissement pour développer son entreprise. Le chiffre d’affaires passe alors de Rs 6 à 14 millions. Plus de 60% de leur exportation se destine d’ailleurs à l’Australie. Le reste est réparti entre le Canada et l’Angleterre. En 2014, il participe à une exposition en Afrique du Sud avec Jonathan, son fils. À la dégustation du snoek, une princesse africaine est subjuguée et dépêche un représentant de Shoprite pour un contrat de 700 000 sachets pour 450 supermarchés. «C’était trop. Ma capacité était seulement de 120 000 annuellement», indique-t-il.
De retour à Maurice, Michael Webb est encore plus motivé à étendre ses activités. Avec le soutien de sa famille, il s’attelle à un autre défi : être certifié par les normes européennes. Une tâche encore plus ardue pour des procédures en cours depuis deux ans. «On devait assurer la traçabilité du poisson de sa provenance à l’assiette, la sécurité alimentaire et faire des réaménagements conséquents à l’usine», indique-t-il. Du coup, il a dû recruter des officiers pour la maintenance, la qualité entre autres. Ainsi, avant cette démarche, il s’approvisionnait en Afrique du Sud. Mais avec la certification française, le snoek est acheté de Seskel à Riche-Terre. «Ce poisson entier est déjà salé. On l’épluche et on le trempe pour enlever le sel. On le porte ensuite à ébullition puis on ôte les arêtes et on continue avec l’empaquetage ou la friture», explique l’entrepreneur.
De 2017 à 2018, la firme a décroché deux récompenses nationales. La prochaine étape est maintenant la certification qui passera par Bruxelles. Avec celle-ci en poche, les petits sachets de snoek pourront flotter vers La Réunion, où la demande afflue déjà. Aujourd’hui, la compagnie tourne avec 22 employés. Michael Webb espère atteindre une croissance de plus de 25% avec l’ouverture du marché européen. Ique
En chiffre
<p style="text-align: justify;">Selon un responsable de<em> Small and Medium Entreprises (SME) Mauritius</em>, 1 623 petites et moyennes entreprises ont été enregistrées en 2018. Et de janvier à fin octobre 2019, ce taux était de 2 359. Cellesci sont éligibles aux facilités, plans de financement entre autres dispositions de <em>SME Mauritius</em>. Généralement, ces petites compagnies sont enregistrées auprès de la <em>SME Registration Unit </em>du ministère du Développement industriel, des PME et des coopératives.</p>
Pourquoi le prix grimpe-t-il ?
<p style="text-align: justify;">Rs 125 la livre : c’est le prix pratiqué dans les marchés pour le poisson salé en vrac. Or, ceux en sachets de 50 et 80g, coûte entre Rs 60 et Rs 100, commercialisés en supermarché. Pourquoi une telle différence ? <em>« Car pour produire 50g de poisson salé bouilli, il faut 100g. Et pour la friture, il faut 3 kg de poisson salé à l’origine pour en produire 1 kg de produit fini. À chaque étape de la cuisson, du nettoyage, de l’emballage à l’usine, se rajoutent des frais de traitements »</em>, précise Michael Webb. Cela dit, les prix sont fixés par les détaillants et non le producteur. Donc, des frais additionnels par exemple pour le transport, le placement en rayons, la promotion etc., influent sur le tarif payé par le consommateur.</p>
Les origines du snoek
<p style="text-align: justify;">Aussi connu comme le Thyrsite Atun, le snoek est un incontournable de l’assiette mauricienne. <em>English Bay</em> traite également le canard de Bombay (Harpanon Nehereus), plus connu comme le <em>«bombli»,</em> importé d’Inde et la morue, originaire du Portugal. Pendant longtemps, le poisson salé était vendu à la livre et en barquette. Il fallait alors le bouillir et le cuire. Depuis les dernières décennies, les versions prêtes à cuisiner se sont popularisées.</p>
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