Publicité
Raj Ringadoo revient sur la contestation de l’élection d’Ashock Jugnauth
Par
Partager cet article
Raj Ringadoo revient sur la contestation de l’élection d’Ashock Jugnauth
Raj Ringadoo avait contesté l’élection d’Ashock Jugnauth au n°8, en 2005. Et avait obtenu gain de cause en Cour suprême. Jugement maintenu par le Privy Council. Nous l’avons sollicité, à l’heure où de nombreuses questions sont soulevées quant au scrutin du 7 novembre.
Vous avez initié le procès qui a mené à l’invalidation de l’élection d’Ashock Jugnauth au n°8 en 2005. Selon votre expérience, quels sont les points valables pour contester une élection ?
Quand j’étais candidat à l’époque, j’ai observé beaucoup d’irrégularités concernant Ashock Jugnauth. Il avait promis aux Mauriciens de foi musulmane du n°8 (Moka-Quartier–Militaire) l’aménagement d’un cimetière à Circonstance, St-Pierre, en échange de leur vote. Il a aussi été impliqué dans l’embauche de 101 habitants du n°8 trois jours avant les élections pour travailler dans les hôpitaux. Ce que je considère comme des bribes électoraux.
Toutefois, je note avec beaucoup de tristesse qu’une requête très importante des Law Lords du Privy Council dans ce jugement à l’Electoral Supervisory Commission (ESC) ne s’est pas concrétisée. À savoir, la mise en place d’un code de conduite à l’intention des ministres, fonctionnaires et autres, après la déclaration d’une élection, pour la tenue de free and fair elections, comme l’avait recommandé la Cour suprême.
Il existe un code de conduite de l’ESC que les candidats s’engagent à respecter lors du dépôt de candidatures. Sauf que son président, Yusuf Aboobaker, a précisé que le code n’a pas force de loi…
Je n’ai jamais entendu parler de ce code alors que le Privy Council a recommandé à l’autorité responsable du bon déroulement des élections de s’inspirer de l’expérience d’autres pays du Commonwealth où de tels codes de conduite ont été préparés et publiés.
Revenons aux éléments pouvant mener à une pétition électorale pour l’annulation d’une élection. Comment avez-vous procédé à l’époque ?
On dispose de 21 jours après la proclamation des résultats pour entrer une pétition électorale en Cour suprême. Avec mon épouse, j’ai compilé tous les éléments. Il y en avait pas mal. Comme une interview d’Ashock Jugnauth où ce dernier a presque avoué avoir recruté des mandants.
Je me souviens aussi que des gens à qui des promesses avaient été faites ou qui avaient été recrutés ont juré des affidavits ou ont témoigné en cour. Pour les recrutements, il y avait aussi des lettres émises par le ministère de la Santé à l’époque après l’annonce de la date des élections.
Le rôle que joue la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) pour favoriser chaque gouvernement sortant durant la campagne peut-il constituer un élément de preuve ?
Oui. Mais pour cela, il faut pouvoir lier ce qu’a fait la MBC et qui a permis au candidat qui est contesté d’être élu. Je ne suis pas juriste, mais je pense que c’est sujet à interprétation.
En ce moment, l’opposition indique travailler sur des contestations dans plus d’une circonscription. Pour avoir été au cœur d’un tel processus, pouvez-vous nous dire si les résultats des élections générales dans leur ensemble peuvent être contestés devant la justice ?
Je le répète, je ne suis pas juriste, mais je pense que c’est possible. Pas sous la Representation of the People Act 1958 mais sous la Constitution si on arrive à prouver que les élections dans leur ensemble n’ont pas été free and fair. J’ai parlé à des amis qui m’ont aidé à préparer mon cas et c’est l’impression qui se dégage. Et si c’est le cas, on est parti pour de très longues procédures. Tout cela est bien sûr sujet à interprétation des juges qui vont juger le cas.
Question honoraires, combien une pétition électorale peut-elle coûter en moyenne au contestataire ?
En Cour suprême ici, les frais ne sont pas énormes. C’est devant le Conseil privé de la Reine, en appel, que le coût est exorbitant, soit 90 % des dépenses. Il faut engager un agent, un avocat, entre autres dépenses. Ce qui fait au moins Rs 1 million.
Quelle peut être la durée d’un tel procès ?
Dans mon cas, le Privy Council a statué en appel plus de trois ans après les élections. C’était un 8 novembre 2008. Je me rappelle de cette date puisqu’elle coïncidait avec la période de l’élection de Barack Obama. Sinon, avant le démarrage de l’affaire sur le fond en Cour suprême, ici, ce sont les demandes et échanges des détails (particulars) entre les deux parties qui prennent du temps. Le procès en lui-même a duré entre trois jours et une semaine et il n’y a pas eu de renvoi.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans le verdict rendu par les Law Lords en appel ?
Personne ne me donnait gagnant. On me disait que les Britanniques n’allaient jamais annuler une élection à Maurice alors que moi, j’étais confiant sur les quatre points que j’avais avancés. Et les Law Lords m’ont en effet donné raison sur les quatre points. Leur façon de penser, de procéder et le fair-play britannique étaient également très impressionnants.
Plus de dix ans après, comment mesurez-vous l’impact de l’annulation de l’élection d’Ashock Jugnauth au n°8 sur la carrière politique de l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth ?
C’est un concours de circonstances. Quand on a gagné en appel au Privy Council à l’époque, au Parti travailliste, on a décidé de ne pas contester le choix que Pravind Jugnauth soit candidat à la partielle. Le parti n’a pas voulu mettre son propre candidat. Ce qui a ensuite débouché sur une alliance PTr-MSM. D’une certaine façon, cela a aidé à relancer la carrière politique de Pravind Jugnauth. Mais mon combat n’était pas de relancer sa carrière mais de prouver qu’il y a eu maldonne. Et je l’ai prouvé.
Publicité
Les plus récents