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Nanda Pavaday: «J’ai peur d’écrire»
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Nanda Pavaday: «J’ai peur d’écrire»
Nanda Pavaday, qui s’est fait connaître à travers ses publications sur Facebook, a sorti son premier livre, chaleureusement accueilli, «Ti Zistwar Nou Pays».
«J’ai peur d’écrire.» Ce n’est pas un étudiant devant sa feuille d’examen qui a dit cela, mais bien Nanda Pavaday. Celui qui, au fil des années, est devenu l’un des jongleurs de mots les plus connus de l’île. Au début, les posts humoristiques sur sa page Facebook faisaient rire son entourage. Puis, il a enchaîné avec une page où il se remémore des «zistwar lontan» et, dans la foulée, a publié un livre, qui est sorti fin novembre. Comment passe-ton de la peur des mots à auteur acclamé ? Rencontre…
Dans la vraie vie, Nanda Pavaday est loin de l’image du maître des jeux de mots. Il est presque timide aux premiers abords. Son visage sérieux contraste avec ses yeux taquins. Les gens passent et le reconnaissent. Mais Nanda Pavaday ne le remarque pas, il est occupé à parler de sa passion. «Écrire n’est jamais simple. Quand je regarde les premiers jets que je mets sur papier, je trouve ça horrible», dit-il. Mais étant un homme qui n’aime pas trop être critiqué, cette version, il ne la fait lire à personne. Il la retravaille.
Et dans son écriture, ce n’est pas la sophistication qu’il recherche. «Par exemple, je n’utilise pas le mot subséquemment dans mon livre», plaisante-t-il. Son langage simple et accessible est un choix délibéré : il faut que tout le monde ressente les mêmes émotions en le lisant. «Ce sont les détails et les émotions que les gens cherchent. Par exemple, dans une de mes histoires, je parle du ‘krosé laport’ des boutiques avec lesquels les enfants jouaient lorsqu’ils y accompagnaient leurs parents. Ces détails-là renvoient les gens à leur propre vécu. C’est pour cela qu’ils se reconnaissent dans les histoires. Et pour moi, c’est le plus important, cette connexion que j’ai avec ceux qui me lisent», fait ressortir Nanda Pavaday.
#Noudithé
Depuis qu’il a lancé son livre, ceux qui suivent sa page se sont bousculés pour s’en procurer. Comment est-ce qu’il a vécu l’engouement de ses fans ? Nanda Pavaday marque un temps d’arrêt. Non, il n’est pas d’accord avec le mot. Il n’a pas de fans. Son but, c’est d’essayer de faire ressentir des émotions aux autres. Les mêmes qu’il ressent et qu’il a ressenties durant toutes les épreuves de sa vie.
Le jour où il devait quitter Maurice pour ses études en économie, son père est décédé. Puis, à son retour au pays, il est resté au chômage pendant un an environ. Avant d’être recruté dans une agence de pub. Au fil des ans, il fait ses preuves et ouvre son entreprise. Mais suivant un deal, la compagnie est rachetée et il en est éjecté. Il n’a rien, à part ses dettes. C’est vers cette période qu’il découvre Facebook. Ses posts sont légers et fun. Son groupe d’amis apprécie.
Puis vient le 10 décembre 2015. Un Mauricien de Daech fait un appel pour dénoncer la nudité et demande aux Mauriciens de le rejoindre. Nanda Pavaday écrit son célèbre post «Noudithé». «Bé ki to problem avek noudithé? To pa kontan dithé, pa boir dithé. Al boir café. Ou soit boir dithé importé, bé pa critique nou dithé (sic).» En moins de temps qu’il n’en faut pour prendre un avion pour rejoindre le monsieur en Syrie, le post récolte 1 500 likes, 272 commentaires et 453 partages. «C’est la première fois que mon post sort de ma liste d’amis et atteint le grand public», confie Nanda Pavaday.
Dans la foulée, Nanda Pavaday crée d’autres rubriques. Les fausses nouvelles, Satish le jardinier qui ne comprend rien, ou encore, The Monk who sold his Roche Carri, parodie des pages d’«inspirational quotes». Un journal lui propose d’animer une page. Il s’agissait de BonZour!, de La Sentinelle. «J’avais un espace à remplir, et j’y ai mis une ti zistwar. Le retour a été excellent, se remémore-t-il. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai commencé à avoir un rythme d’écriture.» Ses dimanches sont consacrés à ses oeuvres.
Mais son succès s’arrête à ceux qui le lisent. Lorsque Nanda Pavaday décide de publier son livre, les portes se ferment sur son passage. «On m’a dit que le premier livre d’un auteur ne se vend pas…» Mais il ne lâche pas l’affaire. Il puise de ses fonds personnels et publie quand même, en faisant attention à ce que le prix de vente reste abordable. «Beaucoup de vieilles personnes se sont déplacées pour m’en acheter, car elles ont vécu ce que j’écris. Pa akoz zot pansion pé ogmanté ki mo bizin abiz lor zot», soutient l’écrivain.
Mais pourquoi en français ? L’auteur répond sans détour. Le créole est difficile à lire. Puis, de toute façon, une langue est certes rassembleuse, mais avant, il y a les émotions. «C’est cela qui nous rassemble avant tout, ce sentiment d’être Mauricien.»
Et les projets d’avenir ? Un deuxième Ti zistwar nou pays ?
L’avenir le dira.
Pour commander le livre, rendez-vous sur la page Facebook de Ti zistwar nou pays.
Extrait de «Laboutik sinwa» paru dans «BonZour!» en mars 2018
<p style="text-align: justify;"><em>«K isann-la pou vinn avek mwa laboutik?»</em> Lorsqu’on était petit, on se hâtait de répondre :<em> «Mwa! Mwa! Mwa!»</em> à cette question. Accompagner un adulte à la boutique représentait un voyage dans un univers qui nous faisait rêver, et on y revenait toujours avec plein de choses à raconter.</p>
<p style="text-align: justify;">En ce temps-là, il nous arrivait souvent de croiser en chemin de petits enfants récitant, non pas leurs leçons, mais une liste de commissions à acheter : 5 liv diri, 2 liv disik, 1 kar pwason salé, démi bar savon, 2 dizef. Il leur arrivait toutefois de rencontrer un ami en chemin ou un chien, qu’ils s’arrêtaient pour caresser, avant de reprendre leur route, et d’arriver à la boutique incapables de se souvenir de ce qu’ils étaient venus acheter. Ce qui donnait lieu alors à des scènes comiques : <em>«Mo mama dir ou koumsa donn… 3 liv… Délwil ek 1/2 kar diri…»</em></p>
<p style="text-align: justify;">Ce à quoi le boutiquier répondait : «Délwil pa vandé la liv sa. Ré al lakaz to dimandé bien.»</p>
<p style="text-align: justify;">(…) À l’intérieur de la boutique régnait une odeur de poisson sounouk et de liqueur. Le boutiquier était là, assis derrière son comptoir, au milieu d’une véritable caverne d’Ali Baba d’objets entassés dans chaque recoin. On y voyait des sacs de riz et de grains secs et d’énormes tonneaux d’huile ; derrière lui, des étagères remplies de bouteilles d’alcool et de jus colorées ; une variété d’objets hétéroclites ornaient, eux, les étagères du bas, dont des boîtes de conserve, boîtes d’allumettes, bougies, boîtes Evershine, paquets de cigarettes, aiguilles à coudre, billets de Loterie Verte, eau de Cologne, paille de fer pour laver les assiettes et ourites sec. Ailleurs, dans un bric-à-brac d’objets rangés ou suspendus, l’oeil exercé arrivait parfois à distinguer des cordes de coco, brosses lakaz, savates, balié fatak, arrosoirs et pots de chambre.</p>
<p style="text-align: justify;">Dans la vitrine à côté du comptoir, il y avait des gâteaux français, makatia cocos, tranches de fromage, pains maison ainsi qu’une grosse boîte de beurre à partir de laquelle le boutiquier servait parfois 25 sous diber dans un billet de Loterie Verte aux clients. Au-dessus de la vitrine étaient alignés les uns à côté des autres de grands bocaux contenant des gato lagom, sikdoz, moulkou, gato zorey, pasti limon, baget fromaz, nougat, gato koko, gato dilé, gato kravat, sipek, biskwi sorbé, chewing-gum Hollywood, et même des kafénol zoranz pour quand on était malade.</p>
<p style="text-align: justify;">Dans les autres vitrines, on trouvait des cahiers d’école, cahiers de dessin, plumes, crayons, ardoises, «crayons l’ardoise », gommes, aiguisoirs, crayons couleurs, billes, élastiques et stickers. On pouvait aussi tir sirpriz et essayer de remporter un des gros ballons exposés dans la boutique à partir de la plaquette surprise où des autocollants cachaient des numéros correspondant aux ballons. Il y avait plein d’espoir et on finissait souvent avec la mine déconfite lorsqu’on réalisait que le numéro tiré correspondait à un tout petit ballon…</p>
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