Publicité

Ste-Catherine: «Bon dimounn… selma si rodé, gagné !»

15 décembre 2019, 20:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Ste-Catherine: «Bon dimounn… selma si rodé, gagné !»

Ne le prenez pas comme une menace… ou oui, si vous le voulez. Toujours est-il qu’à la Cité Ste-Catherine, à St-Pierre, tout le monde connaît tout le monde. Et si on ne vous connaît pas, on vous le fait sentir. Jeudi 12 décembre, 16 heures. La cité est très calme. Quelques voitures que l’on voit faire des allers-retours. Et puis, près de la première grotte, à l’entrée de la cité, c’est là où il y a le plus de mouvements. C’est là aussi que, sous un arbre, se réunissent les hommes du quartier tous les après-midi. Le drame qui a secoué la cité le lundi 9 décembre a laissé des traces qui font encore mal. Une petite de la cité a été kidnappée par un de ses voisins. Elle a été ligotée, torturée…

Le choc est d’autant plus violent car l’agresseur, on le connaît. C’est le voisin présenté comme le «pozer marb». «Limem ti vinn met marb kot mwa, li fer mason ousi li ! Pa konpran kinn pas dan so latet. Li abitié asiz ar nou anba pié li met enn dialog», affirme un père de famille. Ce jeudi après-midi, on essaie de reprendre la vie où on l’a laissé trois jours de cela. Lorsque tous les voisins se sont mobilisés pour chercher la fillette qui avait disparu.

Sous cet arbre qui en a entendu des histoires, nous essayons de converser avec trois hommes. Si l’on ne connaît pas la cité Ste-Catherine, que pouvez-vous nous dire sur elle ? «C’est une cité où il fait bon vivre. Les gens n’ont jamais de problèmes entre eux. Si vous demandez à n’importe qui ici, il vous dira que l’on vit comme une grande famille. Je vis ici depuis 59 ans. J’aime cette cité», affirme Raymond Monique. Il raconte que les dimanches, il y a comme une grande fête dans la cité.

«Les Malgaches viennent jouer ici. Cela crée beaucoup de mouvements. Les enfants viennent dans le jardin. En même temps, il y a des petits commerces qui vivent de cela», poursuit le quinquagénaire. En parlant de petits commerces, nous avons rencontré Viraj Moosun. Ce trentenaire et son épouse gèrent un tricycle bleu à l’extérieur du centre de loisirs de Ste-Catherine.

 Chez Viraj, le bol de mine est à Rs 35. C’est dans l’après-midi qu’il a le plus de clients. Parmi eux, des joueurs de football, mais aussi des mères qui reviennent du travail ou des enfants. À côté de lui, il y a le marchand de grillades et, de l’autre côté, un autre marchand de mines. «Nous travaillons très bien ensemble. Durant l’été, nous restons ouverts jusqu’à un peu plus tard. Ça grouille de monde. Une fois que la nourriture est épuisée, nous fermons le tricycle et nous rentrons», avance le vendeur. Sur un des terrains de foot, nous tombons sur un groupe d’adolescents pé bat boul. Nous parvenons discrètement à interrompre une partie qui semblait assez intense. Une des jeunes vient à notre rencontre. Il s’agit de Kerwyn, 16 ans. «Lavi kouma pasé isi ?», nous lui demandons. «Isi trankil ! Tou dimounn konn tou dimounn. Bon dimounn… selma si rodé, gagné. Momem si mo rodé, bannla pa pou kit mwa», nous dit-il avec un grand sourire aux lèvres. Il veut dire qu’il sait que s’il se retrouve dans une situation compliquée, il pourra compter sur l’aide de ses amis. Son grand groupe d’amis composés de tous les jeunes du quartier. En revanche, «si mo fer enn fos zes, zot pou tir lor mwa», précise-t-il.

Nous lui avons aussi demandé comment il voyait le fléau de la drogue dans sa cité. Car les habitants de la région le reconnaissent bien, ici aussi, ils doivent faire face à des problèmes de drogue. Mais cette question, on semble vouloir l’éviter. «Nou pa kapav koz lor sa. Nou pann trouv nanié, pa koné ki pou dir», nous répondra un autre homme assis près de l’arbre.

Pour obtenir des réponses, direction le centre communautaire de Ste-Catherine. Là-bas, nous y rencontrons des travailleurs sociaux. Ils n’habitent pas la cité mais font désormais partie du décor. Ils ont été admis. Pourtant, les débuts n’ont pas été de tout repos.

 

Un quartier en pleine métamorphose grâce au soutien du privé

Marietta Agathe, une des responsables du centre communautaire de Ste-Catherine, se souvient de ses premiers jours au sein de la cité. «Je venais d’Albion et je ne savais pas trop comment arriver jusqu’ici. J’ai donc demandé à un chauffeur de taxi de m’y emmener. Mais il était très agacé ! Il m’a dit qu’il ne ferait pas ce trajet car il refuse de rentrer dans la cité ! C’était en 2016. À l’époque, même la police ne voulait pas venir. Moi, en tant que travailleuse sociale, je savais à quoi m’attendre», explique Marietta Agathe. Elle a finalement pu convaincre le chauffeur de taxi de l’y emmener. À présent, dit-elle, les choses ont beaucoup évolué. «Ce n’est plus pareil. Au centre communautaire, les habitants ont trouvé un espace où ils peuvent échanger, se rencontrer, parler, s’exprimer. Nous animons des ateliers pour faire la formation des adultes et des enfants. Nous essayons avec les moyens dont nous disposons afin d’accompagner les familles et les rendre autonomes», soutient la travailleuse sociale. Comme elle, Dean Rungen œuvre pour des habitants de Ste-Catherine, en particulier pour les usagers de drogues. Il ne le nie pas. La drogue est bien présente dans la cité, mais il faut aussi reconnaître qu’il y a eu beaucoup de progrès. «Auparavant, il y avait des lieux bien spécifiques dans la cité où le trafic de drogue se faisait. Nous avons directement parlé aux trafiquants pour leur dire d’arrêter leurs agissements. Aujourd’hui, ils ne le font plus au clair comme avant», avance le travailleur social. À côté du centre communautaire, il y a le centre d’éveil pour les petits. Là encore, les accompagnateurs affirment qu’un travail colossal est effectué avec les enfants qui viennent à l’école. «Toutes les infrastructures que vous voyez ont été rendues possibles grâce au soutien d’entreprises comme Eclosia ou encore le groupe Espitalier-Noel. Rogers a également soutenu des projets ici.»

 

Angel Fumier, la fierté de la cité

<p style="text-align: justify;">C&rsquo;est le lauréat de la cité. Angel Fumier, 19 ans, est une exception dans son entourage. Avec ses 5 A, décrochés l&rsquo;an dernier, il est devenu presque un symbole. C&rsquo;est dans une des ruelles près de chez lui que nous le rencontrons. Pour lui, Ste-Catherine a toujours été un grand terrain de jeu. &laquo;<em>J&rsquo;ai grandi avec les jeunes d&rsquo;ici. Notre terrain de jeu commence à l&rsquo;entrée de la cité et va jusqu&rsquo;à sur la montagne du Pouce&raquo;, </em>dit-il fièrement. Ce qui l&rsquo;a frappé lorsqu&rsquo;il était petit, c&rsquo;est cette phrase qu&rsquo;il entendait sans arrêt et qui venait de ses amis : &laquo;<em>To ankor pé al lékol twa?&raquo; &laquo;Et je répondais toujours oui, je n&rsquo;ai pas encore fini !</em>&raquo;,affirme-t-il. Pourtant, il sait très bien qu&rsquo;aller à l&rsquo;école, cela devrait être le quotidien de tous les enfants<em>. &laquo;Mais il y avait tellement d&rsquo;enfants qui avaient arrêté l&rsquo;école, que c&rsquo;était devenu la norme. J&rsquo;étais l&rsquo;exception!&raquo;, r</em>aconte-il. À présent, toutefois, Angel essaie d&rsquo;aider les enfants du quartier à apprendre. &laquo;<em>En fait, je fais en sorte qu&rsquo;ils comprennent ce qu&rsquo;ils font. Cela ne sert à rien d&rsquo;apprendre par cœur. Il faut juste comprendre. C&rsquo;est ce que je fais. &lsquo;Mo pa enn bel proféser mwa. Mo met mwa dan zot nivo, lerla mo ris zot&rsquo;</em>&raquo;, conclut-il.</p>